Joumblatt voit zéro chance pour Frangié, contrairement à Moscou
Le 17 février 2022, le chef du Parti socialiste progressiste et leader druze, Walid Joumblatt, a eu un entretien téléphonique avec l’envoyé spécial du président russe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, le vice-ministre des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov. Selon les informations diffusées par le PSP, M. Joumblatt et M. Bogdanov ont discuté ce jour-là de « l’actualité au Liban et de la nécessité de procéder au plus vite à l’élection d’un président de la République pour éviter l’effondrement total ».

Ce genre d’échanges entre les deux personnalités libanaise et russe sont fréquents. Une longue amitié les lie. Mais celui du 17 février avait ceci de différent : il est intervenu à l’occasion d’un dîner de M. Joumblatt avec le chef du Courant du futur, et ancien Premier ministre, Saad Hariri à Beyrouth, venu à Beyrouth après un an d’absence, pour commémorer les 18 ans de l’assassinat de son père, l’ancien premier ministre, Rafic Hariri, le 14 février 2005.

Le responsable russe, qui sait parfaitement que MM. Hariri et Joumblatt sont amis, a voulu s'enquérir des activités récentes du leader sunnite au Liban. Ce dernier, bien que retiré de la vie publique libanaise, avait multiplié les entretiens politiques durant son séjour de quelques jours à Beyrouth.

En réponse à son interlocuteur, M. Joumblatt n'a pas manqué de rappeler d'emblée que « sa relation avec M. Hariri revient au fait que leurs pères ont tous deux été assassinés par le même camp ». La référence est sans équivoque: le régime syrien, sous l’égide du président Hafez el-Assad en 1977, puis de Bachar el-Assad en 2005, se tient derrière ces deux assassinats. Un régime que Moscou continue de soutenir.

Cette parenthèse fermée, le blocage de la présidentielle a été abordé. Walid Joumblatt a expliqué à M. Bogdanov que l’élection d’un nouveau chef de l’État au Liban est une question pour le moins sensible. Il lui a fait savoir que « la candidature de Sleiman Frangié, soutenue par le tandem Amal-Hezbollah, fait l’objet d’une opposition farouche de la part des deux blocs chrétiens de poids, les Forces libanaises et le Courant patriotique libre, et de nombreux indépendants, ce qui complique l’élection du chef des Marada ». Ce à quoi le vice-ministre russe a répondu en demandant à son interlocuteur si M. Frangié sera le président des chrétiens uniquement. Réponse de Walid Joumlatt : « Ce ne sont pas seulement les chrétiens qui ne veulent pas de M. Frangié. L’Arabie Saoudite et les États-Unis n’en veulent pas non plus ». « La candidature de Sleiman Frangié a-t-elle donc pris cette dimension? » a réagi Mikhaïl Bogdanov.


Cet échange entre les deux hommes a montré encore une fois que Moscou reste en faveur de l’accession du chef des Marada à la tête de l’État, en raison de son alliance avec Damas et de ses liens avec Bachar el-Assad. Walid Joumblatt, en revanche, reste un farouche opposant au régime syrien dont il conteste la guerre qu’il a livrée à son propre peuple pour mater sa révolution, en 2011.

La teneur de la conversation a aussi révélé que le leader druze n’est pas franchement partisan d’une accession à la tête de l’État d’une personnalité proche de ce camp.

L’élection d’un président de la République allié de l’axe Russie-Iran-Syrie sera dans l’intérêt de celui-ci au Moyen-Orient et ne tirera pas le Liban de l’ornière. Relativement isolé à l’international en raison des sanctions imposées par l’Occident du fait de sa participation à la guerre en Ukraine, Moscou déploie tous les efforts pour réduire l’impact de cet isolement et renforcer sa présence au Moyen-Orient où il s’est engouffré en force via la porte syrienne, avec le début de la guerre dans le pays voisin au Liban.

En dépit des divergences concernant la Syrie et la présidentielle au Liban, les relations entre Moscou et Walid Joumblatt demeurent stables. Le chef du PSP multiplie les initiatives au double plan, local et régional, pour essayer de trouver un terrain d’entente qui favoriserait un déblocage de la présidentielle.

Récemment, il avait dépêché son fils Taymour, chef du bloc parlementaire de la Rencontre démocratique à Riyad, pour des entretiens sur une possible sortie de crise au Liban. Ce dernier était accompagné du député Waël Abou Faour qui s’était rendu quelques semaines auparavant dans la capitale saoudienne. Selon les informations obtenues par Ici Beyrouth, c’est la visite de M. Abou Faour au royaume qui aurait permis de hâter la visite avec Taymour Joumblatt.
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