«L’homme doit s’appuyer sur le passé et tendre vers l’avenir», nous dit Henri Bergson. De ce siècle dernier où notre pays a connu diverses occupations, la famine, des guerres et des misères, nous allons retenir l’édification d’une nation, son impact dans le monde, son rayonnement culturel et sa formidable vitalité. Mois par mois, un peu de ces petites lucioles d’hier pour éclairer notre chemin vers demain.
En ce mois où l’hiver fait ses adieux et où le soleil commence à étirer ses rayons, le Liban se secoue de sa léthargie et fait de mars un mois riche en événements. Le 1er du mois de l’année 1903, l’inauguration de la gare maritime qui deviendra le terminus des lignes des chemins de fer Beyrouth-Damas et des tramways libanais est à mettre à l’actif de la Compagnie du port. Beyrouth se modernise. Plus tard, et au vu de la richesse des sous-sols au Liban, un Service des antiquités est créé le 17 mars 1921 par le général Gouraud et les missions archéologiques françaises vont dès lors se succéder. Le 19 mars 1953, l’association des amis du musée de la ville de Beyrouth est née. Le Liban d’alors n’en finit pas de découvrir les merveilles de son sol. En mars 1955, les bas-reliefs d’Adonis découverts à Ghineh sont classés monuments historiques et, le 10 mars 1966, de nouveaux vestiges sont découverts à Baalbeck et viennent s’ajouter à la magnifique cité de Baal. Quatre jours plus tard, et alors que l’on creusait les fondements de la future avenue Fouad Chehab, deux statues romaines et un cercueil en marbre sont découverts, mais les pilleurs passeront par là et emporteront les précieux vestiges.
Savez-vous où se niche la fabuleuse Bibliothèque orientale? Ses nouveaux locaux ont été inaugurés le 18 mars 1939 par le RP Christophe de Bonneville. C’est à proximité du phare de Beyrouth que le Centre culturel allemand s’est installé le 2 mars 1964. Toujours côté culture, le 7 mars 1968 marque la première d’une émission télévisée sur le canal 9 qui rencontrera un succès fulgurant. Animée par Victor Bercin, le Challenge du bac verra des concurrents s’affronter autour de questions judicieusement préparées. Camille Aboussouan reçoit au cours d’un dîner du Pen Club en mars 1975 la croix de la Légion d’honneur pour services rendus à la culture. Et, consécration suprême, un accord de coopération est signé le 4 mars 1999 entre le centre Pompidou et le musée Sursock qui a retrouvé toute sa splendeur et son aura.
Artiste accompli et conférencier érudit, Georges Cyr expose ses aquarelles au Saint-Georges en mars 1938, donnant à voir toute l’étendue de son si sensible talent. Il sera fait officier de l’Ordre du Cèdre à l’âge de 80 ans le 26 mars 1962. Dans une autre forme d’art, des costumes libanais réalisés par des artisans sous la houlette de Evelyne Bustros sont présentés à l’exposition libanaise à New York en mars 1939. La photo est à l’honneur avec un de ses maîtres. Manoug expose en mars 1955 sa série de portraits de personnalités libanaises et étrangères. En mars 1957, c’est au tour d’un autre «grand» Moustapha Farroukh de présenter au public 84 de ses toiles dans une des salles du West Hall de l’Université américaine. En mars 1958, c’est au Palais de l’Unesco que se laissent admirer des tapisseries libanaises ainsi que celles de Mathieu Mategot. En mars 1962, Blanche Lohéac Ammoun inaugure son exposition Noires dans les locaux de L’Orient et Boris Novikoff expose ses natures mortes et ses paysages au West Hall. Le musée Sursock dévoile au public en mars 1963 les affiches et esquisses pour tapisseries qui sont arrivées finalistes du concours et Taky Nicolaïdes, lauréat de l’affiche publicitaire, verra son dessin affiché dans toutes les agences touristiques. L’exposition à L’Orient des œuvres récentes de Bernard Buffet le 13 mars 1964 est un des événements les plus important de la saison 64. Mars 1968 verra deux événements artistiques: l’exposition du peintre Lucie Gueutchérian qui présente toiles et aquarelles et l’exposition à Dar el-Fan des tableaux de Gibran Khalil Gibran, aériens, spirituels et figuratifs.
Mars verra débarquer à Beyrouth une pléiade d’écrivains. Maurice Druon le 30 mars 1951 pour une conférence sur le thème du roman, du théâtre et du cinéma. Il sera ébloui par les paysages et dira que la vallée du Nahr el-Safa est une féérie. Le 31 mars 1964, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir sont parmi nous. Le célèbre Prix Nobel est invité par un groupe d’intellectuels libanais pour donner une conférence sur «La liberté du couple». Romancière et poète, Andrée Chédid est l’invitée du Cénacle libanais en mars 1966 pour une série de conférences consacrées à ses écrits. Très actif, le Cénacle est dirigé par Michel Asmar qui multiplie les initiatives heureuses. C’est pour l’inauguration de la librairie Antoine à Hamra le 8 mars 1971 que l’éditeur Georges Dargaud est au Liban. À la même date, l’historien et éditorialiste du Times, L. F. Rushbrook Williams se trouve aussi à Beyrouth et, le 15 mars de la même année, c’est au tour de Michel Tournier de visiter le pays des cèdres sur invitation du Hall de la Presse. Côté libanais, comme une petite révolution, Saïd Akl publie en mars 1961 Yara, livre composé en caractères latins qui répondent à la phonétique libanaise. Le 3 mars 1964, le prix René Laporte est décerné à Fouad Gabriel Naffah pour son recueil La description de l’homme, du cadre et de la lyre paru aux éditions du Mercure. Ce poète à la plume fine écrira:
Dans l’admiration béate des années;
Au milieu des splendeurs de neige et de verdure
Et parmi les saisons à quatre procédures;
Trône aux abords du ciel le Liban éternel.
Après Touyour Ayloul, le deuxième roman d’Emily Nasrallah, Chajarat al Douflat, paraît en mars 1968 pour la plus grande joie des lecteurs de plus en plus nombreux de cette journaliste talentueuse. Le 16 mars de la même année, on célèbre au Liban la semaine Gibran Khalil Gibran avec multiples conférences et rencontres et notamment la parution chez An-Nahar et en édition de luxe d’une version du Prophète traduite en arabe par Youssef el-Khal. Enfin et malgré tout, le 31 mars 1988, le premier Festival de la bande dessinée est inauguré à la SEP avec des dessinateurs et des journalistes étrangers qui n’ont pas hésité à faire le déplacement.
Dans le domaine du journalisme justement, c’est le 31 mars 1946 et au cours d’une cérémonie au Sérail que Radio Levant qui avait été créée en 1938 devient officiellement Radio Liban. Mohammed Sabra en sera le directeur et la programmation sera aussi culturelle avec une formule francophone développée par Gabriel Bounoure et inaugurée le 1er avril par André Gide en personne. Le 10 mars 1949 apparaît un éditorial signé Georges Naccache qui fera couler beaucoup d’encre. Pour avoir écrit que «Deux négations ne font pas une nation», Naccache sera condamné et L’Orient suspendu six mois. En guise de solidarité, la presse se mettra en grève. En mars 1958, on fête à Beyrouth le jubilé de la presse puisque c’est en 1858 et sous l’occupation ottomane qu’apparaît le premier numéro de Hadikat el-Akhbar, premier journal à être publié à Beyrouth. Conjointement à cet anniversaire apparaît sur la place des Canons le Newscope, premier journal lumineux à défiler en langue française et arabe. Le 25 mars 1962, la première pierre de la Maison de la presse est posée boulevard Chourane. La presse au Liban se porte de mieux en mieux et, le 26 mars 1974, est lancé As-Safir, un nouveau quotidien en langue arabe sous l’impulsion de Talal Salman. Le 21 mars 1975, disparaît Robert Abela, grand homme de presse, et le 11 mars 1978, le patron du groupe de presse As-Sayad, Saïd Freiha, succombe à une crise cardiaque.
Tania Hadjithomas Mehanna
En ce mois où l’hiver fait ses adieux et où le soleil commence à étirer ses rayons, le Liban se secoue de sa léthargie et fait de mars un mois riche en événements. Le 1er du mois de l’année 1903, l’inauguration de la gare maritime qui deviendra le terminus des lignes des chemins de fer Beyrouth-Damas et des tramways libanais est à mettre à l’actif de la Compagnie du port. Beyrouth se modernise. Plus tard, et au vu de la richesse des sous-sols au Liban, un Service des antiquités est créé le 17 mars 1921 par le général Gouraud et les missions archéologiques françaises vont dès lors se succéder. Le 19 mars 1953, l’association des amis du musée de la ville de Beyrouth est née. Le Liban d’alors n’en finit pas de découvrir les merveilles de son sol. En mars 1955, les bas-reliefs d’Adonis découverts à Ghineh sont classés monuments historiques et, le 10 mars 1966, de nouveaux vestiges sont découverts à Baalbeck et viennent s’ajouter à la magnifique cité de Baal. Quatre jours plus tard, et alors que l’on creusait les fondements de la future avenue Fouad Chehab, deux statues romaines et un cercueil en marbre sont découverts, mais les pilleurs passeront par là et emporteront les précieux vestiges.
Savez-vous où se niche la fabuleuse Bibliothèque orientale? Ses nouveaux locaux ont été inaugurés le 18 mars 1939 par le RP Christophe de Bonneville. C’est à proximité du phare de Beyrouth que le Centre culturel allemand s’est installé le 2 mars 1964. Toujours côté culture, le 7 mars 1968 marque la première d’une émission télévisée sur le canal 9 qui rencontrera un succès fulgurant. Animée par Victor Bercin, le Challenge du bac verra des concurrents s’affronter autour de questions judicieusement préparées. Camille Aboussouan reçoit au cours d’un dîner du Pen Club en mars 1975 la croix de la Légion d’honneur pour services rendus à la culture. Et, consécration suprême, un accord de coopération est signé le 4 mars 1999 entre le centre Pompidou et le musée Sursock qui a retrouvé toute sa splendeur et son aura.
Artiste accompli et conférencier érudit, Georges Cyr expose ses aquarelles au Saint-Georges en mars 1938, donnant à voir toute l’étendue de son si sensible talent. Il sera fait officier de l’Ordre du Cèdre à l’âge de 80 ans le 26 mars 1962. Dans une autre forme d’art, des costumes libanais réalisés par des artisans sous la houlette de Evelyne Bustros sont présentés à l’exposition libanaise à New York en mars 1939. La photo est à l’honneur avec un de ses maîtres. Manoug expose en mars 1955 sa série de portraits de personnalités libanaises et étrangères. En mars 1957, c’est au tour d’un autre «grand» Moustapha Farroukh de présenter au public 84 de ses toiles dans une des salles du West Hall de l’Université américaine. En mars 1958, c’est au Palais de l’Unesco que se laissent admirer des tapisseries libanaises ainsi que celles de Mathieu Mategot. En mars 1962, Blanche Lohéac Ammoun inaugure son exposition Noires dans les locaux de L’Orient et Boris Novikoff expose ses natures mortes et ses paysages au West Hall. Le musée Sursock dévoile au public en mars 1963 les affiches et esquisses pour tapisseries qui sont arrivées finalistes du concours et Taky Nicolaïdes, lauréat de l’affiche publicitaire, verra son dessin affiché dans toutes les agences touristiques. L’exposition à L’Orient des œuvres récentes de Bernard Buffet le 13 mars 1964 est un des événements les plus important de la saison 64. Mars 1968 verra deux événements artistiques: l’exposition du peintre Lucie Gueutchérian qui présente toiles et aquarelles et l’exposition à Dar el-Fan des tableaux de Gibran Khalil Gibran, aériens, spirituels et figuratifs.
Mars verra débarquer à Beyrouth une pléiade d’écrivains. Maurice Druon le 30 mars 1951 pour une conférence sur le thème du roman, du théâtre et du cinéma. Il sera ébloui par les paysages et dira que la vallée du Nahr el-Safa est une féérie. Le 31 mars 1964, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir sont parmi nous. Le célèbre Prix Nobel est invité par un groupe d’intellectuels libanais pour donner une conférence sur «La liberté du couple». Romancière et poète, Andrée Chédid est l’invitée du Cénacle libanais en mars 1966 pour une série de conférences consacrées à ses écrits. Très actif, le Cénacle est dirigé par Michel Asmar qui multiplie les initiatives heureuses. C’est pour l’inauguration de la librairie Antoine à Hamra le 8 mars 1971 que l’éditeur Georges Dargaud est au Liban. À la même date, l’historien et éditorialiste du Times, L. F. Rushbrook Williams se trouve aussi à Beyrouth et, le 15 mars de la même année, c’est au tour de Michel Tournier de visiter le pays des cèdres sur invitation du Hall de la Presse. Côté libanais, comme une petite révolution, Saïd Akl publie en mars 1961 Yara, livre composé en caractères latins qui répondent à la phonétique libanaise. Le 3 mars 1964, le prix René Laporte est décerné à Fouad Gabriel Naffah pour son recueil La description de l’homme, du cadre et de la lyre paru aux éditions du Mercure. Ce poète à la plume fine écrira:
Dans l’admiration béate des années;
Au milieu des splendeurs de neige et de verdure
Et parmi les saisons à quatre procédures;
Trône aux abords du ciel le Liban éternel.
Après Touyour Ayloul, le deuxième roman d’Emily Nasrallah, Chajarat al Douflat, paraît en mars 1968 pour la plus grande joie des lecteurs de plus en plus nombreux de cette journaliste talentueuse. Le 16 mars de la même année, on célèbre au Liban la semaine Gibran Khalil Gibran avec multiples conférences et rencontres et notamment la parution chez An-Nahar et en édition de luxe d’une version du Prophète traduite en arabe par Youssef el-Khal. Enfin et malgré tout, le 31 mars 1988, le premier Festival de la bande dessinée est inauguré à la SEP avec des dessinateurs et des journalistes étrangers qui n’ont pas hésité à faire le déplacement.
Dans le domaine du journalisme justement, c’est le 31 mars 1946 et au cours d’une cérémonie au Sérail que Radio Levant qui avait été créée en 1938 devient officiellement Radio Liban. Mohammed Sabra en sera le directeur et la programmation sera aussi culturelle avec une formule francophone développée par Gabriel Bounoure et inaugurée le 1er avril par André Gide en personne. Le 10 mars 1949 apparaît un éditorial signé Georges Naccache qui fera couler beaucoup d’encre. Pour avoir écrit que «Deux négations ne font pas une nation», Naccache sera condamné et L’Orient suspendu six mois. En guise de solidarité, la presse se mettra en grève. En mars 1958, on fête à Beyrouth le jubilé de la presse puisque c’est en 1858 et sous l’occupation ottomane qu’apparaît le premier numéro de Hadikat el-Akhbar, premier journal à être publié à Beyrouth. Conjointement à cet anniversaire apparaît sur la place des Canons le Newscope, premier journal lumineux à défiler en langue française et arabe. Le 25 mars 1962, la première pierre de la Maison de la presse est posée boulevard Chourane. La presse au Liban se porte de mieux en mieux et, le 26 mars 1974, est lancé As-Safir, un nouveau quotidien en langue arabe sous l’impulsion de Talal Salman. Le 21 mars 1975, disparaît Robert Abela, grand homme de presse, et le 11 mars 1978, le patron du groupe de presse As-Sayad, Saïd Freiha, succombe à une crise cardiaque.
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