L'Iran met fin à son soutien aux Houthis. L'impatience de Khamenei et la volonté de MBS ont servi l'ambition chinoise. Vers un "condominium" saoudo-iranien de la région... Le rapprochement entre Ryad et Téhéran continue à faire des vagues, déclencher des réactions et faire fuser des déclarations et couler de l'encre. Pour l'instant, tout indique que l'accord fait le bonheur de ses signataires, mais d'aucuns se demandent s'il a commencé à porter ses fruits.
L'Iran a accepté d'arrêter les livraisons secrètes d'armes à ses alliés houthis au Yémen dans le cadre de l'accord, signé sous l'égide de la Chine, visant à rétablir des relations diplomatiques avec l'Arabie saoudite, ont déclaré des responsables américains et saoudiens.
Mohammad Ali al-Houthi, président du Conseil révolutionnaire yéménite et cousin d'Abdel-Malik al-Houthi, chef de la milice éponyme.
Selon le Wall Street Journal, dans sa livrée du jeudi 16 mars, les responsables américains et saoudiens ont déclaré que l'Iran ferait pression sur les Houthis pour qu'ils mettent fin aux attaques contre l'Arabie saoudite. Les responsables des deux pays "ont déclaré qu'ils voulaient voir si l'Iran allait respecter son engagement alors que Téhéran et Ryad poursuivaient les plans décrits dans l'accord pour rouvrir leurs ambassades respectives dans deux mois".
L'accord saoudo-iranien a-t-il commencé à porter ses fruits?
L'accord pour la reprise des relations entre l'Arabie saoudite et l'Iran "donne un coup de fouet à la perspective d'une paix au Yémen dans un proche avenir", tandis que l'approche de l'Iran face au conflit sera "une sorte de test décisif" pour le succès de l'accord diplomatique de la semaine dernière, a déclaré un responsable américain, cité dans le WSJ.
Un responsable saoudien a de son côté déclaré que le royaume "s'attend à ce que l'Iran respecte un embargo sur les armes de l'ONU destiné à empêcher les armes d'atteindre les Houthis", toujours selon le WSJ. Une coupure de l'approvisionnement en armes pourrait rendre plus difficile pour les militants de frapper le royaume et de s'emparer de plus de terrain au Yémen. Une décision qui pourrait insuffler un nouvel élan aux efforts visant à mettre fin à l'une des plus longues guerres civiles de la région.
Le journal new-yorkais souligne également qu'un porte-parole de la délégation iranienne auprès de l'ONU a refusé de commenter lorsqu'on lui a demandé si Téhéran suspendrait les livraisons d'armes. Téhéran nie publiquement avoir fourni des armes aux Houthis, mais les inspecteurs de l'ONU ont à plusieurs reprises retracé les cargaisons d'armes saisies jusqu'en Iran.
Bien qu'officiellement Téhéran ait toujours nié avoir aidé militairement les Houthis, le portrait de leur leader, Abdel-Malik al-Houthi, figurait toujours à côté de ceux des alliés régionaux de la République islamique, comme Bachar al-Assad ou Hassan Nasrallah.
Hans Grundberg, l'envoyé spécial de l'ONU pour le Yémen, s'est rendu à Téhéran plus tôt cette semaine pour discuter du rôle de l'Iran dans la fin de la guerre, puis à Ryad. Tim Lenderking, l'envoyé spécial des États-Unis pour le Yémen, a également rencontré mercredi des responsables saoudiens à Ryad pour retenter de relancer les pourparlers de paix bloqués.
Lors de sa rencontre avec M. Grundberg cette semaine, le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian a déclaré au diplomate de l'ONU que Téhéran était "prêt à faire plus pour aider à mettre fin au conflit au Yémen".
Les auteurs de l'article du Wall Street Journal maintiennent toutefois le suspense en évoquant la position des Pasdaran: "Une question majeure, restée sans réponse pour le moment, est de savoir si l'accord bénéficie du soutien du puissant Corps des Gardiens de la Révolution islamique en Iran (CGRI), ce dernier n'ayant toujours pas commenté l'annonce de la reprise des relations entre Téhéran et Ryad".
Le WSJ poursuit: "un silence qui a suscité des inquiétudes parmi les responsables américains et saoudiens, qui se demandent si 'l’armée parallèle' du régime honorera les engagements pris par les dirigeants politiques iraniens". Les auteurs rappellent que le CGRI a souvent ouvert ses propres canaux de négociations, indépendamment de la position publique du gouvernement.
C'est dans ce contexte régional bouleversé par le rapprochement irano-saoudien que le président des Émirats arabes unis, cheikh Mohammed ben Zayed, a reçu jeudi le secrétaire du Conseil suprême iranien pour la sécurité nationale Ali Shamkhani.
Shamkhani a également rencontré le conseiller à la sécurité nationale des Émirats, cheikh Tahnoun ben Zayed.
Les deux hommes ont évoqué "les relations bilatérales et les moyens de bâtir des ponts de coopération entre les deux pays dans différents domaines", a indiqué l'agence officielle émiratie WAM.
Durant son entretien avec le président émirati, Ali Shamkhani a affirmé que les deux pays pouvaient "faire de grands pas au niveau du développement de leur coopération bilatérale et de la diplomatie" régionale, a rapporté l'agence de presse nationale iranienne Irna.
L'agence d'information Reuters soutient que l'Iran a choisi l'amiral Shamkhani pour diriger les négociations à Pékin, car il est d'origine arabe, citant "une source régionale appartenant au cercle restreint de Khamenei".
En soutien à Ryad, les Émirats avaient réduit leur représentation diplomatique en Iran, tout en maintenant des liens économiques forts avec ce pays. L'année dernière, Abou Dhabi avait renvoyé un ambassadeur à Téhéran, dans le cadre de sa politique de rapprochement avec ses anciens rivaux.
Pendant des années, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, soutenant le gouvernement yéménite, et l'Iran, soutenant les rebelles houthis, ont alimenté une guerre qui a eu des conséquences humanitaires désastreuses et s'est propagée au-delà des frontières du pays alors que les forces houthies ont lancé des attaques de missiles et de drones sur le royaume saoudien.
Le Guide suprême, Ali Khamenei, lors d'une prière publique avec des écolières à Téhéran.
L'agence Reuters a de son côté cité deux responsables iraniens ayant affirmé que l'Iran tentait depuis deux ans de rétablir les liens avec l'Arabie. "En septembre dernier, le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a perdu patience face à la lenteur des pourparlers bilatéraux et a convoqué son équipe pour discuter des moyens d'accélérer le processus, ce qui a conduit à l'implication de la Chine", ont déclaré les responsables iraniens à Reuters.
"Les Chinois ont montré leur volonté d'aider à la fois Téhéran et Riyad à réduire les écarts et à surmonter les problèmes non résolus lors des pourparlers à Oman et en Irak", a déclaré un diplomate iranien impliqué dans les pourparlers, également à Reuters.
L'agence cite aussi un haut diplomate chinois, Wang Di, ayant fait partie de l'équipe qui a mené les pourparlers à Pékin, et qui a bien affirmé que l'accord n'était qu'un démarrage d'un processus plus long. Le diplomate a, en effet, a déclaré aux journalistes que le rapprochement "ne garantissait pas le fait que tous les problèmes soient résolus du jour au lendemain". "L'important est que les deux parties aient la sincérité d'améliorer les relations", a ajouté de sa part un journaliste de l'agence de presse officielle chinoise Xinhua, Yang Liu, sur Twitter.
Ainsi, après des décennies de méfiance, les frictions persistantes ne devraient pas surprendre. "Cet accord ne signifie pas qu'il n'y aura pas de problèmes ou de conflits entre Téhéran et Ryad. Cela signifie que quoi qu'il arrive à l'avenir, ce sera de manière contrôlée", a déclaré de son côté un initié iranien, proche de l'élite décisionnelle iranienne, évoqué également par Reuters.
Si cette déclaration reflète vraiment la stratégie officielle de Téhéran et, surtout, si les Saoudiens voient les choses de cet œil, ceci revient à dire que le Moyen-Orient sera un "condominium" irano-saoudien. Les deux grandes puissances régionales auront les clés des règlements des conflits. Ceci concerne aussi bien le Yémen, la Syrie et le Liban.
À l'époque de la Guerre froide, les USA et l'URSS se partageaient les destinées des pays tout en étant des ennemis jurés et malgré le profond fossé idéologique qui les séparait. Cette situation de fait a été facilitée, entre autres, par l'urgence de mettre fin à la Guerre du Vietnam et plus tard, par les Accords de Helsinki...
Pour l'Arabie saoudite, le plus important allié arabe de Washington, les responsables ont commencé d'explorer les moyens d'ouvrir un dialogue avec la République islamique depuis deux ans en Irak et à Oman, a déclaré un responsable saoudien, interrogé par Reuters.
MBS recevant Xi Jinping à Ryad en décembre dernier.
Cela a conduit à un moment critique en décembre, lorsque le président chinois Xi Jinping s'est rendu à Ryad. Lors d'une réunion bilatérale avec le prince héritier Mohammed ben Salmane, le président Xi a exprimé son désir de négocier le dialogue entre l'Arabie saoudite et l'Iran.
"Le prince héritier s'en est félicité et a promis d'envoyer, pour que nous envoyions à la partie chinoise, un résumé des précédents cycles de dialogue, un plan sur ce que nous pensons de la manière dont nous pouvons reprendre ces pourparlers", a déclaré le responsable saoudien à Reuters et dont l'agence n'a pas révélé l'identité.
En février, le président iranien Ebrahim Raïssi s'est rendu à Pékin et les Chinois ont transmis les propositions de Ryad, sitôt acceptées par la partie iranienne, a ajouté le responsable.
Un responsable iranien a déclaré que l'accord couvrait un éventail de questions, allant des problèmes de sécurité aux problèmes économiques et politiques.
"Je n'entrerai pas dans les détails, mais nous avons convenu qu'aucun des deux pays ne sera une source d'instabilité pour l'autre. L'Iran utilisera son influence dans la région, en particulier au Yémen, pour aider à la sécurité de l'Arabie", a déclaré le responsable à Reuters.
"Les deux parties feront de leur mieux pour préserver la sécurité dans le Golfe, garantir le flux de pétrole, collaborer pour résoudre les problèmes régionaux, tandis que Téhéran et Ryad ne s'impliqueront pas dans une agression militaire l'un contre l'autre", a souligné l'Iranien.
Wang Wenbin, porte-parole du ministère des AE de la République populaire. La Chine a tendu la main aux deux puissances régionales voulant normaliser leur relation.
"Les Chinois ont montré leur volonté d'aider simultanément Téhéran et Ryad à réduire les écarts et à surmonter les problèmes non résolus lors des pourparlers à Oman et en Irak", a déclaré le diplomate iranien ayant fait partie des pourparlers.
Plusieurs analystes ont relevé que Pékin a effectivement profité de cette "brèche diplomatique" laissée par les Américains pour mettre un pied dans la région. Si les États-Unis sont des associés de longue date de l'Arabie saoudite et, surtout, des alliés inconditionnels d'Israël, ennemi juré de la République islamique, la neutralité bienveillante de la Chine doit être plus efficace dans pareille situation.
"La Chine était la meilleure option compte tenu du manque de confiance de l'Iran envers Washington et des relations amicales de Pékin avec l'Arabie saoudite et l'Iran. La Chine bénéficiera aussi d'un Moyen-Orient calme compte tenu de ses besoins énergétiques", a déclaré à Reuters un autre responsable iranien informé des réunions.
A plusieurs reprises, les dirigeants iraniens ont, en effet, critiqué "l'inconstance" des USA, pour reprendre le terme usité par Raïssi, dans les négociations portant sur son programme nucléaire. La révocation de l'Accord de Vienne par Trump en 2018 est toujours dans leur esprit. Selon Téhéran, les derniers pourparlers à Vienne ont achoppé sur la question des garanties réclamées par l'Iran, que l'accord-bis ne sera pas rejeté par le premier-prochain président américain élu.
Roger Barake, avec AFP, Reuters et Wall Street Journal.
L'Iran a accepté d'arrêter les livraisons secrètes d'armes à ses alliés houthis au Yémen dans le cadre de l'accord, signé sous l'égide de la Chine, visant à rétablir des relations diplomatiques avec l'Arabie saoudite, ont déclaré des responsables américains et saoudiens.
Mohammad Ali al-Houthi, président du Conseil révolutionnaire yéménite et cousin d'Abdel-Malik al-Houthi, chef de la milice éponyme.
Selon le Wall Street Journal, dans sa livrée du jeudi 16 mars, les responsables américains et saoudiens ont déclaré que l'Iran ferait pression sur les Houthis pour qu'ils mettent fin aux attaques contre l'Arabie saoudite. Les responsables des deux pays "ont déclaré qu'ils voulaient voir si l'Iran allait respecter son engagement alors que Téhéran et Ryad poursuivaient les plans décrits dans l'accord pour rouvrir leurs ambassades respectives dans deux mois".
L'accord saoudo-iranien a-t-il commencé à porter ses fruits?
L'accord pour la reprise des relations entre l'Arabie saoudite et l'Iran "donne un coup de fouet à la perspective d'une paix au Yémen dans un proche avenir", tandis que l'approche de l'Iran face au conflit sera "une sorte de test décisif" pour le succès de l'accord diplomatique de la semaine dernière, a déclaré un responsable américain, cité dans le WSJ.
Un responsable saoudien a de son côté déclaré que le royaume "s'attend à ce que l'Iran respecte un embargo sur les armes de l'ONU destiné à empêcher les armes d'atteindre les Houthis", toujours selon le WSJ. Une coupure de l'approvisionnement en armes pourrait rendre plus difficile pour les militants de frapper le royaume et de s'emparer de plus de terrain au Yémen. Une décision qui pourrait insuffler un nouvel élan aux efforts visant à mettre fin à l'une des plus longues guerres civiles de la région.
Quid des Gardiens?
Le journal new-yorkais souligne également qu'un porte-parole de la délégation iranienne auprès de l'ONU a refusé de commenter lorsqu'on lui a demandé si Téhéran suspendrait les livraisons d'armes. Téhéran nie publiquement avoir fourni des armes aux Houthis, mais les inspecteurs de l'ONU ont à plusieurs reprises retracé les cargaisons d'armes saisies jusqu'en Iran.
Bien qu'officiellement Téhéran ait toujours nié avoir aidé militairement les Houthis, le portrait de leur leader, Abdel-Malik al-Houthi, figurait toujours à côté de ceux des alliés régionaux de la République islamique, comme Bachar al-Assad ou Hassan Nasrallah.
Hans Grundberg, l'envoyé spécial de l'ONU pour le Yémen, s'est rendu à Téhéran plus tôt cette semaine pour discuter du rôle de l'Iran dans la fin de la guerre, puis à Ryad. Tim Lenderking, l'envoyé spécial des États-Unis pour le Yémen, a également rencontré mercredi des responsables saoudiens à Ryad pour retenter de relancer les pourparlers de paix bloqués.
Lors de sa rencontre avec M. Grundberg cette semaine, le ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian a déclaré au diplomate de l'ONU que Téhéran était "prêt à faire plus pour aider à mettre fin au conflit au Yémen".
Les auteurs de l'article du Wall Street Journal maintiennent toutefois le suspense en évoquant la position des Pasdaran: "Une question majeure, restée sans réponse pour le moment, est de savoir si l'accord bénéficie du soutien du puissant Corps des Gardiens de la Révolution islamique en Iran (CGRI), ce dernier n'ayant toujours pas commenté l'annonce de la reprise des relations entre Téhéran et Ryad".
Le WSJ poursuit: "un silence qui a suscité des inquiétudes parmi les responsables américains et saoudiens, qui se demandent si 'l’armée parallèle' du régime honorera les engagements pris par les dirigeants politiques iraniens". Les auteurs rappellent que le CGRI a souvent ouvert ses propres canaux de négociations, indépendamment de la position publique du gouvernement.
Shamkhani chez MBZ
C'est dans ce contexte régional bouleversé par le rapprochement irano-saoudien que le président des Émirats arabes unis, cheikh Mohammed ben Zayed, a reçu jeudi le secrétaire du Conseil suprême iranien pour la sécurité nationale Ali Shamkhani.
Shamkhani a également rencontré le conseiller à la sécurité nationale des Émirats, cheikh Tahnoun ben Zayed.
Les deux hommes ont évoqué "les relations bilatérales et les moyens de bâtir des ponts de coopération entre les deux pays dans différents domaines", a indiqué l'agence officielle émiratie WAM.
Durant son entretien avec le président émirati, Ali Shamkhani a affirmé que les deux pays pouvaient "faire de grands pas au niveau du développement de leur coopération bilatérale et de la diplomatie" régionale, a rapporté l'agence de presse nationale iranienne Irna.
L'agence d'information Reuters soutient que l'Iran a choisi l'amiral Shamkhani pour diriger les négociations à Pékin, car il est d'origine arabe, citant "une source régionale appartenant au cercle restreint de Khamenei".
En soutien à Ryad, les Émirats avaient réduit leur représentation diplomatique en Iran, tout en maintenant des liens économiques forts avec ce pays. L'année dernière, Abou Dhabi avait renvoyé un ambassadeur à Téhéran, dans le cadre de sa politique de rapprochement avec ses anciens rivaux.
Pendant des années, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, soutenant le gouvernement yéménite, et l'Iran, soutenant les rebelles houthis, ont alimenté une guerre qui a eu des conséquences humanitaires désastreuses et s'est propagée au-delà des frontières du pays alors que les forces houthies ont lancé des attaques de missiles et de drones sur le royaume saoudien.
"L'impatience" de Khamenei
Le Guide suprême, Ali Khamenei, lors d'une prière publique avec des écolières à Téhéran.
L'agence Reuters a de son côté cité deux responsables iraniens ayant affirmé que l'Iran tentait depuis deux ans de rétablir les liens avec l'Arabie. "En septembre dernier, le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a perdu patience face à la lenteur des pourparlers bilatéraux et a convoqué son équipe pour discuter des moyens d'accélérer le processus, ce qui a conduit à l'implication de la Chine", ont déclaré les responsables iraniens à Reuters.
"Les Chinois ont montré leur volonté d'aider à la fois Téhéran et Riyad à réduire les écarts et à surmonter les problèmes non résolus lors des pourparlers à Oman et en Irak", a déclaré un diplomate iranien impliqué dans les pourparlers, également à Reuters.
L'agence cite aussi un haut diplomate chinois, Wang Di, ayant fait partie de l'équipe qui a mené les pourparlers à Pékin, et qui a bien affirmé que l'accord n'était qu'un démarrage d'un processus plus long. Le diplomate a, en effet, a déclaré aux journalistes que le rapprochement "ne garantissait pas le fait que tous les problèmes soient résolus du jour au lendemain". "L'important est que les deux parties aient la sincérité d'améliorer les relations", a ajouté de sa part un journaliste de l'agence de presse officielle chinoise Xinhua, Yang Liu, sur Twitter.
"Des conflits persisteront, mais seront contrôlés"
Ainsi, après des décennies de méfiance, les frictions persistantes ne devraient pas surprendre. "Cet accord ne signifie pas qu'il n'y aura pas de problèmes ou de conflits entre Téhéran et Ryad. Cela signifie que quoi qu'il arrive à l'avenir, ce sera de manière contrôlée", a déclaré de son côté un initié iranien, proche de l'élite décisionnelle iranienne, évoqué également par Reuters.
Si cette déclaration reflète vraiment la stratégie officielle de Téhéran et, surtout, si les Saoudiens voient les choses de cet œil, ceci revient à dire que le Moyen-Orient sera un "condominium" irano-saoudien. Les deux grandes puissances régionales auront les clés des règlements des conflits. Ceci concerne aussi bien le Yémen, la Syrie et le Liban.
À l'époque de la Guerre froide, les USA et l'URSS se partageaient les destinées des pays tout en étant des ennemis jurés et malgré le profond fossé idéologique qui les séparait. Cette situation de fait a été facilitée, entre autres, par l'urgence de mettre fin à la Guerre du Vietnam et plus tard, par les Accords de Helsinki...
Pour l'Arabie saoudite, le plus important allié arabe de Washington, les responsables ont commencé d'explorer les moyens d'ouvrir un dialogue avec la République islamique depuis deux ans en Irak et à Oman, a déclaré un responsable saoudien, interrogé par Reuters.
MBS recevant Xi Jinping à Ryad en décembre dernier.
Cela a conduit à un moment critique en décembre, lorsque le président chinois Xi Jinping s'est rendu à Ryad. Lors d'une réunion bilatérale avec le prince héritier Mohammed ben Salmane, le président Xi a exprimé son désir de négocier le dialogue entre l'Arabie saoudite et l'Iran.
"Le prince héritier s'en est félicité et a promis d'envoyer, pour que nous envoyions à la partie chinoise, un résumé des précédents cycles de dialogue, un plan sur ce que nous pensons de la manière dont nous pouvons reprendre ces pourparlers", a déclaré le responsable saoudien à Reuters et dont l'agence n'a pas révélé l'identité.
En février, le président iranien Ebrahim Raïssi s'est rendu à Pékin et les Chinois ont transmis les propositions de Ryad, sitôt acceptées par la partie iranienne, a ajouté le responsable.
Un responsable iranien a déclaré que l'accord couvrait un éventail de questions, allant des problèmes de sécurité aux problèmes économiques et politiques.
"Je n'entrerai pas dans les détails, mais nous avons convenu qu'aucun des deux pays ne sera une source d'instabilité pour l'autre. L'Iran utilisera son influence dans la région, en particulier au Yémen, pour aider à la sécurité de l'Arabie", a déclaré le responsable à Reuters.
Pékin dans la "brèche diplomatique"
"Les deux parties feront de leur mieux pour préserver la sécurité dans le Golfe, garantir le flux de pétrole, collaborer pour résoudre les problèmes régionaux, tandis que Téhéran et Ryad ne s'impliqueront pas dans une agression militaire l'un contre l'autre", a souligné l'Iranien.
Wang Wenbin, porte-parole du ministère des AE de la République populaire. La Chine a tendu la main aux deux puissances régionales voulant normaliser leur relation.
"Les Chinois ont montré leur volonté d'aider simultanément Téhéran et Ryad à réduire les écarts et à surmonter les problèmes non résolus lors des pourparlers à Oman et en Irak", a déclaré le diplomate iranien ayant fait partie des pourparlers.
Plusieurs analystes ont relevé que Pékin a effectivement profité de cette "brèche diplomatique" laissée par les Américains pour mettre un pied dans la région. Si les États-Unis sont des associés de longue date de l'Arabie saoudite et, surtout, des alliés inconditionnels d'Israël, ennemi juré de la République islamique, la neutralité bienveillante de la Chine doit être plus efficace dans pareille situation.
"La Chine était la meilleure option compte tenu du manque de confiance de l'Iran envers Washington et des relations amicales de Pékin avec l'Arabie saoudite et l'Iran. La Chine bénéficiera aussi d'un Moyen-Orient calme compte tenu de ses besoins énergétiques", a déclaré à Reuters un autre responsable iranien informé des réunions.
A plusieurs reprises, les dirigeants iraniens ont, en effet, critiqué "l'inconstance" des USA, pour reprendre le terme usité par Raïssi, dans les négociations portant sur son programme nucléaire. La révocation de l'Accord de Vienne par Trump en 2018 est toujours dans leur esprit. Selon Téhéran, les derniers pourparlers à Vienne ont achoppé sur la question des garanties réclamées par l'Iran, que l'accord-bis ne sera pas rejeté par le premier-prochain président américain élu.
Roger Barake, avec AFP, Reuters et Wall Street Journal.
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