«Du Printemps arabe au Printemps israélien»: tels étaient les slogans de certains manifestants israéliens dimanche soir, notamment à Jérusalem. De larges manifestations, à priori inédites, sont survenues suite au limogeage du ministre de la Défense Yoav Gallant, qui s’était exprimé contre la réforme judiciaire controversée du gouvernement Netanyahu.
Maints observateurs s’accordent à dire que la date du 26 mars est un tournant dans la vague de contestations qui ont émergé depuis maintenant une dizaine de semaines. Avec l’ampleur sans précédent dont a bénéficié le mouvement ces dernières heures, le Premier ministre israélien dut annoncer le report de l’adoption de la réforme judiciaire jusqu’à cet été. Cependant, quel sera l’avenir politique de Benyamin Netanyahu qui demeure plus désavoué et contesté que jamais ?
Arrivée au pouvoir en novembre 2022, la nouvelle coalition peine à s’affirmer, surtout dans le cadre d'une radicalisation du facteur identitaire sioniste au sein du cabinet. Le chef du Parti ultraorthodoxe sioniste Itamar Ben Gvir occupant le poste de ministre de la Police et condamné à plusieurs reprises d’incitation à la haine, ou le chef du Parti sioniste religieux Bezalel Smotrich occupant le ministère des Finances, demeurent idéologiquement des marginaux en affirmant la primauté de la loi religieuse sur celle du pays.
Depuis dix semaines, les Israéliens battent le pavé pour contester contre le gouvernement Netanyahu.
Netanyahu fut contraint de sceller plusieurs alliances et de former une coalition de droite extrême afin d'arriver au pouvoir, ce qui a aggravé la fracture politique. Son gouvernement a été même qualifié de « gouvernement d’apartheid » ou encore de « gouvernement de transfert ».
Pour contexte, les onze réformes judiciaires proposées par le gouvernement risquent de mettre un terme à la séparation des pouvoirs, affaiblissant notamment tout contre-pouvoir (dont l’indépendance de la Cour Suprême) et tout esprit critique.
Parmi les projets de lois mis en œuvre, celle du contrôle du cabinet sur les nominations de juges fut particulièrement critiquée. Ceci constitue une atteinte claire à l’indépendance et l’autonomie du corps judiciaire, fragilisant l’application des concepts démocratiques élémentaires.
Simultanément, l’annulation d’une loi datant de 2005 séparant les territoires israéliens des territoires palestiniens, rend légale quatre colonies qui avaient été démantelées par le gouvernement Sharon où habitent d’ailleurs cinq des ministres du gouvernement, de quoi mettre le feu aux poudres entre Israéliens et Palestiniens.
Enfin, les députés ont voté jeudi dernier un amendement de la loi sur la destitution du Premier ministre largement favorable à l'intéressé. Netanyahu réduit alors les possibilités de déclarer un chef du gouvernement dans l’incapacité de gouverner du fait de poursuites judiciaires, dont il fait d’ailleurs l’objet, accusé de corruption depuis 2020.
À la surprise générale, les déclarations hostiles de plusieurs responsables du Likoud à l’égard du gouvernement se sont multipliées dans la nuit du dimanche à lundi, notamment celle de l’ancien état-major de Netanyahu Éphraïm Halévy qui considère que celui-ci « a perdu le contrôle de la situation », appelant son chef à démissionner.
Parallèlement, le chef de l’opposition Yaïr Lapid a estimé lors d’une courte intervention lundi matin que « Netanyahu échappe à la réalité qui le hante ». Et poursuit : « En trois mois de chaos total, le gouvernement a détruit les valeurs historiques de l’État d’Israël ».
La coalition entre le Likoud de Benyamin Netanyahu, les partis religieux et l’extrême droite nationaliste religieuse mettent en danger le système démocratique établi en Israël depuis 1948.
Il s’agit alors « d’un avènement sournois d’un régime autocratique liberticide » selon le quotidien Le Monde. Ainsi, afin de regagner la confiance du peuple, il faudrait plutôt que le gouvernement israélien adopte une position plus responsable, non seulement à l’égard d’eux-mêmes, mais pour rester un partenaire crédible pour les Occidentaux.
D’ailleurs, la position occidentale est claire: leur attachement à l’existence d’Israël ne doit pas servir de caution à un régime autocratique et nationaliste qui est en passe de devenir indéfendable.
Pour rappel, la relation entre le président américain Joe Biden et Netanyahu a atteint un creux historique, ce qui constitue un revers pour les rapports entre les deux pays.
Pour cause, lors d’un entretien téléphonique dimanche 19 mars, Biden ne s’est pas retenu de faire la leçon à Netanyahu, lui rappelant l’importance des valeurs démocratiques et lui recommandant un consensus le plus large possible. Sans compter qu’aucune invitation pour Washington ne lui a été adressée, symbole fort qui exaspère fortement le leader du Likoud.
Des manifestants anti-Netanyahu devant Downing Street, lors de la visite du chef de gouvernement israélien à Londres, le 24 mars dernier.
Plus encore, bravant la neutralité traditionnelle des États-Unis dans les affaires internes israéliennes, la porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche Adrienne Watson a publié un communiqué lundi, inquiétée « par les événements préoccupants survenus aujourd’hui en Israël, qui soulignent une fois de plus la nécessité urgente d’un consensus ».
Aujourd’hui, Benyamin Netanyahu se trouve au pied du mur. Décrédibilisé et désavoué au sein de la sphère politique israélienne, sa position est désormais remise en question.
Néanmoins, plusieurs commentateurs politiques s’accordent à dire qu’il n’est plus question à présent du gel de la réforme judiciaire uniquement, les manifestations réclament tout simplement la chute du gouvernement.
Selon le quotidien britannique The Times, « Netanyahu est dans tous les cas perdant ». En concédant le gel de la réforme judiciaire, il offre une grande concession à ce qu’il nomme « l’axe gauchisant », fragilisant ainsi son autorité et son pouvoir. En appelant à des manifestations de soutien à la réforme judiciaire, Netanyahu tente d’opérer, tant bien que mal, un tour de force visant à amorcer une « confrontation de rues » afin de mettre en avant sa légitimité populaire.
Finalement, les dissensions internes au sein de la coalition, notamment entre les figures les plus extrémistes et d’autres plus modérés, sont susceptibles d’affaiblir un gouvernement déjà divisé idéologiquement, se traduisant par des différends sur plusieurs dossiers épineux.
Ainsi, l’État hébreu se trouve au bord d’un infarctus démocratique. Il ne s’agit plus d’un conflit classique dans un pays polarisé où la droite a imposé les questions identitaires au cœur du débat. Il s’agit du devenir même d’Israël, de la nature de son État et de sa stabilité ainsi que la pérennité du pouvoir central: en somme, des questions existentielles.
Même si l’offensive antidémocratique semble forte, le réveil de la société civile israélienne donne des raisons d’espérer, les manifestants menant alors un combat acharné contre cette offensive réactionnaire.
Benyamin Netanyahu pourra-t-il conserver son poste à la tête de ce gouvernement autocratique et nationaliste, surtout dans le cadre de larges contestations populaires et d’une pression croissante de l’opposition au sein de la Knesset ?
Maints observateurs s’accordent à dire que la date du 26 mars est un tournant dans la vague de contestations qui ont émergé depuis maintenant une dizaine de semaines. Avec l’ampleur sans précédent dont a bénéficié le mouvement ces dernières heures, le Premier ministre israélien dut annoncer le report de l’adoption de la réforme judiciaire jusqu’à cet été. Cependant, quel sera l’avenir politique de Benyamin Netanyahu qui demeure plus désavoué et contesté que jamais ?
Arrivée au pouvoir en novembre 2022, la nouvelle coalition peine à s’affirmer, surtout dans le cadre d'une radicalisation du facteur identitaire sioniste au sein du cabinet. Le chef du Parti ultraorthodoxe sioniste Itamar Ben Gvir occupant le poste de ministre de la Police et condamné à plusieurs reprises d’incitation à la haine, ou le chef du Parti sioniste religieux Bezalel Smotrich occupant le ministère des Finances, demeurent idéologiquement des marginaux en affirmant la primauté de la loi religieuse sur celle du pays.
Depuis dix semaines, les Israéliens battent le pavé pour contester contre le gouvernement Netanyahu.
Netanyahu fut contraint de sceller plusieurs alliances et de former une coalition de droite extrême afin d'arriver au pouvoir, ce qui a aggravé la fracture politique. Son gouvernement a été même qualifié de « gouvernement d’apartheid » ou encore de « gouvernement de transfert ».
Pour contexte, les onze réformes judiciaires proposées par le gouvernement risquent de mettre un terme à la séparation des pouvoirs, affaiblissant notamment tout contre-pouvoir (dont l’indépendance de la Cour Suprême) et tout esprit critique.
Parmi les projets de lois mis en œuvre, celle du contrôle du cabinet sur les nominations de juges fut particulièrement critiquée. Ceci constitue une atteinte claire à l’indépendance et l’autonomie du corps judiciaire, fragilisant l’application des concepts démocratiques élémentaires.
Simultanément, l’annulation d’une loi datant de 2005 séparant les territoires israéliens des territoires palestiniens, rend légale quatre colonies qui avaient été démantelées par le gouvernement Sharon où habitent d’ailleurs cinq des ministres du gouvernement, de quoi mettre le feu aux poudres entre Israéliens et Palestiniens.
Enfin, les députés ont voté jeudi dernier un amendement de la loi sur la destitution du Premier ministre largement favorable à l'intéressé. Netanyahu réduit alors les possibilités de déclarer un chef du gouvernement dans l’incapacité de gouverner du fait de poursuites judiciaires, dont il fait d’ailleurs l’objet, accusé de corruption depuis 2020.
À la surprise générale, les déclarations hostiles de plusieurs responsables du Likoud à l’égard du gouvernement se sont multipliées dans la nuit du dimanche à lundi, notamment celle de l’ancien état-major de Netanyahu Éphraïm Halévy qui considère que celui-ci « a perdu le contrôle de la situation », appelant son chef à démissionner.
Parallèlement, le chef de l’opposition Yaïr Lapid a estimé lors d’une courte intervention lundi matin que « Netanyahu échappe à la réalité qui le hante ». Et poursuit : « En trois mois de chaos total, le gouvernement a détruit les valeurs historiques de l’État d’Israël ».
La coalition entre le Likoud de Benyamin Netanyahu, les partis religieux et l’extrême droite nationaliste religieuse mettent en danger le système démocratique établi en Israël depuis 1948.
Il s’agit alors « d’un avènement sournois d’un régime autocratique liberticide » selon le quotidien Le Monde. Ainsi, afin de regagner la confiance du peuple, il faudrait plutôt que le gouvernement israélien adopte une position plus responsable, non seulement à l’égard d’eux-mêmes, mais pour rester un partenaire crédible pour les Occidentaux.
D’ailleurs, la position occidentale est claire: leur attachement à l’existence d’Israël ne doit pas servir de caution à un régime autocratique et nationaliste qui est en passe de devenir indéfendable.
Pour rappel, la relation entre le président américain Joe Biden et Netanyahu a atteint un creux historique, ce qui constitue un revers pour les rapports entre les deux pays.
Pour cause, lors d’un entretien téléphonique dimanche 19 mars, Biden ne s’est pas retenu de faire la leçon à Netanyahu, lui rappelant l’importance des valeurs démocratiques et lui recommandant un consensus le plus large possible. Sans compter qu’aucune invitation pour Washington ne lui a été adressée, symbole fort qui exaspère fortement le leader du Likoud.
Des manifestants anti-Netanyahu devant Downing Street, lors de la visite du chef de gouvernement israélien à Londres, le 24 mars dernier.
Plus encore, bravant la neutralité traditionnelle des États-Unis dans les affaires internes israéliennes, la porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche Adrienne Watson a publié un communiqué lundi, inquiétée « par les événements préoccupants survenus aujourd’hui en Israël, qui soulignent une fois de plus la nécessité urgente d’un consensus ».
Aujourd’hui, Benyamin Netanyahu se trouve au pied du mur. Décrédibilisé et désavoué au sein de la sphère politique israélienne, sa position est désormais remise en question.
Néanmoins, plusieurs commentateurs politiques s’accordent à dire qu’il n’est plus question à présent du gel de la réforme judiciaire uniquement, les manifestations réclament tout simplement la chute du gouvernement.
Selon le quotidien britannique The Times, « Netanyahu est dans tous les cas perdant ». En concédant le gel de la réforme judiciaire, il offre une grande concession à ce qu’il nomme « l’axe gauchisant », fragilisant ainsi son autorité et son pouvoir. En appelant à des manifestations de soutien à la réforme judiciaire, Netanyahu tente d’opérer, tant bien que mal, un tour de force visant à amorcer une « confrontation de rues » afin de mettre en avant sa légitimité populaire.
Finalement, les dissensions internes au sein de la coalition, notamment entre les figures les plus extrémistes et d’autres plus modérés, sont susceptibles d’affaiblir un gouvernement déjà divisé idéologiquement, se traduisant par des différends sur plusieurs dossiers épineux.
Ainsi, l’État hébreu se trouve au bord d’un infarctus démocratique. Il ne s’agit plus d’un conflit classique dans un pays polarisé où la droite a imposé les questions identitaires au cœur du débat. Il s’agit du devenir même d’Israël, de la nature de son État et de sa stabilité ainsi que la pérennité du pouvoir central: en somme, des questions existentielles.
Même si l’offensive antidémocratique semble forte, le réveil de la société civile israélienne donne des raisons d’espérer, les manifestants menant alors un combat acharné contre cette offensive réactionnaire.
Benyamin Netanyahu pourra-t-il conserver son poste à la tête de ce gouvernement autocratique et nationaliste, surtout dans le cadre de larges contestations populaires et d’une pression croissante de l’opposition au sein de la Knesset ?
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