Casino du Liban: l'implication d'Israël est-elle vérifiée?
Le tollé qu’a provoqué le contrat conclu en octobre dernier entre le Casino du Liban et la société Onlive Support Services (OSS) semble avoir été déclenché pour une raison précise: "La fermeture, depuis une semaine, des applications et des plateformes de jeux de hasard en ligne qui ont émergé de manière illégale, sur le marché noir". Qu’en est-il du contrat ? L’OSS collabore-t-elle réellement avec Israël?

Après le scandale du Terminal 2 de l’aéroport de Beyrouth, un nouvel accord de gré à gré, dont le Casino du Liban fait l’objet, suscite de nombreuses controverses. Alors que le directeur des adjudications, Jean Ellieh, considère qu’un tel contrat devrait passer par la direction des adjudications, le président-directeur général du Casino du Liban, Roland Khoury, estime que l’établissement est une institution privée qui n’est pas soumise à la loi des marchés publics. Retour sur les faits.

Pour contourner la prolifération illégale de plateformes numériques et d’applications de jeux de hasard en ligne, qui profitent à certaines autorités politiques et auxquelles s’adonnent en quelques clics des milliers de Libanais, y compris des mineurs, le Casino a décidé de prendre les choses en main. Il lance, en décembre 2022, un e-casino, une plateforme de jeux en ligne, Betarabia.com, dont le développement et la gestion ont été confiés par un contrat de gré à gré conclu en octobre dernier, à la société libanaise Onlive Support Services (OSS). Cette entreprise avait remporté l’appel d’offres lancé le 11 juin 2020, donc avant que la nouvelle loi sur les marchés publics n’entre en vigueur. Interrogé par Ici Beyrouth, M. Khoury déclare: "Le Casino du Liban est un établissement privé. Fondé en 1959, il est détenu en grande partie par l’ancienne banque Intra, elle-même appartenant à la Banque du Liban. La Intra n’est pas soumise à la loi sur les marchés publics. Le Casino non plus. Jamais l’établissement n’a dû passer par les adjudications pour un quelconque projet. Pourquoi le réclame-t-on maintenant?".

À cela, il ajoute: "L’appel d’offres a été lancé bien avant que la loi en question ne soit promulguée et l’ancienne loi sur la comptabilité publique ne prévoit en aucun cas que les entreprises mixtes (comme le Casino du Liban) passent par les adjudications".

De son côté, Jean Ellieh précise dans une interview accordée à Ici Beyrouth que "le casino verse une partie de ses revenus au Trésor public, raison pour laquelle il est considéré comme faisant partie intégrante de ce qu’on appelle les services publics. Il se doit donc de passer par les adjudications pour de tels projets". A cela, Roland Khoury répond: "Il est vrai que le Casino du Liban doit à l’État une partie de ses revenus, mais il ne s’agit que d'impôts. Le profit, lui, va aux actionnaires. Le Trésor public ne perçoit aucune autre somme que la taxe fixée à cet effet".

OSS et Israël

Ainsi, le Casino du Liban avait lancé le 11 juin 2020 un appel d’offres pour le développement et la gestion, sur une durée de quatre ans, de la plateforme de jeux en ligne Betarabia.com. Plusieurs candidats manifestent alors leur intérêt, dont la société Oryx Gaming. Après étude du dossier, le bureau de boycottage d’Israël, qui relève du ministère de l’Économie et qui est actuellement basé au Caire, s’empresse de réclamer, le 7 mai 2021, la suspension de la conclusion du contrat avec Oryx Gaming, qui appartient à la société Bragg Gaming group, dirigée par des Israéliens (voir document ci-dessous -1-).




En septembre 2021, la direction du Casino du Liban soumet au ministère de l’Économie une nouvelle liste de candidats potentiels. Il s’agit des entreprises suivantes: Intuition Software Solutions Limited, TV Zaidimal LTD, The Holdings A.S, EvenBet Gaming Limited, et Ezugi N.V. Le 6 octobre 2022, la Sûreté générale publie un rapport détaillé, selon lequel les sociétés susmentionnées sont dirigées par des Israéliens, embauchent des employés de l’État hébreu, ou sont basées en Israël (voir document ci-dessous -2-).



Le ministère envoie ainsi une sommation au Casino du Liban lui interdisant de collaborer avec ces entreprises, avant que le rapport final du bureau de boycottage d’Israël ne lui soit remis (voir document ci-dessous -3-).



Le 2 février 2023, après étude approfondie du dossier, le bureau susmentionné a notifié le ministère de la possibilité pour le Casino de traiter avec les entreprises. Cette "permission" a été par conséquent accordée par le ministère à l’établissement, en date du 2 février 2023 (voir document ci-dessous -4-).



Il est vrai qu'afin qu’OSS puisse fournir ses services, elle a besoin de la collaboration d’autres entreprises qu’on accuse d’avoir établi des partenariats avec des particuliers ou des sociétés israéliennes. "Or rien dans la loi sur le boycottage d’Israël n’interdit à de telles sociétés (OSS dans notre cas de figure) de prendre part à des projets au Liban", souligne un avocat sous couvert d’anonymat. "Si tel est le cas, que Microsoft, les constructeurs automobiles et bien d’autres entreprises ferment alors leurs portes au Liban", précise-t-il.

Aujourd’hui, le dossier a été placé entre les mains de la Cour des comptes, comme l’a déclaré Roland Khoury à Ici Beyrouth, à l’issue de sa réunion avec le Premier ministre sortant Najib Mikati. Quel jugement rendra cette instance? On le saura en principe dans la semaine du 10 avril.
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