À l’occasion de la Journée mondiale de l’hémophilie, les patients lancent un cri de désespoir face à la pénurie de médicaments. L’accès à un traitement en prophylaxie constitue leur seul espoir pour mener une vie normale. Or, en raison de la crise économique et financière qui sévit dans le pays, le ministère de la Santé qui continue à subventionner les produits peine à les leur assurer.
«Accès à tous: prévenir les saignements, comme référence mondiale de soins.» Ce thème choisi par la Fédération internationale de l’hémophilie pour marquer la Journée mondiale de la maladie, fixée au 17 avril, résonne comme un luxe au Liban où se faire soigner est de plus en plus difficile. Alors que le pays était sur le point d’atteindre cet objectif, il peine aujourd’hui à assurer le traitement aux patients.
L’hémophilie est une maladie hémorragique héréditaire caractérisée par un déficit d’un des facteurs de la coagulation: le facteur 8 en cas d’hémophilie A, et le facteur 9 en cas d’hémophilie B. «Ces deux formes de la maladie touchent respectivement 1 garçon sur 5.000 et 1 garçon sur 30.000», explique Peter Noun, hématologue-oncologue pédiatre et chef de service de l’unité d’hématologie-oncologie pédiatrique à l’hôpital Saint-Georges-CHU. «La maladie est transmise de la mère à son enfant, poursuit-il. Dans des cas très rares, si le père est atteint d’hémophilie et que la maman est porteuse de l’anomalie génétique responsable de la maladie, celle-ci peut être transmise à la fille.»
Une personne atteinte d’hémophilie risque des hémorragies internes et externes, qui peuvent survenir de manière spontanée ou suite à un accident, le plus souvent au niveau des articulations, mais aussi dans les muscles. Les hémorragies ne peuvent être arrêtées que si le patient reçoit le facteur qui lui manque en injection intraveineuse. La dose à administrer est calculée selon le poids du sujet. Il faut compter 50 unités par kilo. Une personne pesant 60 kilos doit ainsi recevoir 3.000 unités.
Ces hémorragies, qui surviennent à répétition, entraînent des complications au niveau des articulations et des muscles menant au long terme à un handicap. D’où la nécessité pour le patient de recevoir son injection, «deux à trois fois par semaine, dans le cadre d’un traitement de prophylaxie, qui reste le protocole optimal pour lui permettre de mener une vie normale», insiste le Dr Noun. «Celui-ci doit être initié avant que les premiers symptômes n’apparaissent ou juste après la première hémorragie, c’est-à-dire dès la première année, lorsque l’enfant commence à marcher, poursuit-il. Dans 30% des cas, la maladie apparaît chez des enfants qui n’ont pas d’histoire familiale d’hémophilie. Elle est ainsi détectée de manière fortuite, comme après une circoncision. Le traitement de prophylaxie est d’autant plus important qu’il permet de maintenir un bon taux du facteur déficient dans le sang.»
Mener une vie normale
Une personne hémophile qui reçoit son traitement régulièrement peut mener une vie normale. Évidemment, les sports extrêmes qui peuvent provoquer des blessures restent déconseillés, le football et le basket-ball, à titre d’exemple. En raison de la pénurie de médicaments, le traitement prophylactique a dû être interrompu. C’est un cri de désespoir que lancent donc les patients et leur entourage à l’occasion de la Journée mondiale de l’hémophilie. «Les traitements sont en nombre insuffisant», déplore Solange Sakr, fondatrice et présidente de l’Association libanaise pour l’hémophilie. «De nombreux patients n’ont pas reçu leur dose depuis plus de 5 mois», poursuit-elle.
Fondée en 1992, l’association s’est dotée en 2000 d’un centre spécialisé qui assure une prise en charge multidisciplinaire: physiothérapie, conseil génétique, soutien psychosocial, suivi post-opératoire… Ce qui lui a permis de constituer un registre de ses patients: 200 cas de personnes atteintes d’hémophilie A et 57 d’hémophilie B. À ceux-là s’ajoutent des patients qui souffrent d’autres maladies hémorragiques: 190 patients ayant un déficit du facteur von Willebrand, 36 avec un déficit du facteur 1, et 48 autres présentant de rares atteintes hémorragiques.
«L’hémophilie reste cependant sous-diagnostiquée au Liban, ainsi que dans certains pays du monde, d’où la nécessité d’assurer des services pour une meilleure détection et un suivi de la maladie», avance Solange Sakr. Et d’ajouter: «Trente-deux pour cent de nos patients ont moins de 18 ans (21% entre 0 et 13 ans et 11% entre 14 et 18 ans) et 16% sont âgés de 19 à 25 ans. Ce sont des jeunes qui ont toute la vie devant eux. Il est impératif, donc, de leur assurer le traitement de manière continue pour qu’ils puissent mener une existence de qualité.»
Traitement à faible dose
Près de 60% des patients sont couverts par le ministère de la Santé. «En raison de la crise économique et financière, celui-ci n’arrive pas à assurer le médicament en quantité suffisante pour le traitement en prophylaxie», déplore Solange Sakr. Elle précise que 24% des patients bénéficient des prestations de la Caisse nationale de sécurité sociale, «laquelle n’arrive pas non plus à couvrir leur traitement prophylactique». Le reste des malades sont couverts par les autres tiers-payants publics. «De plus, 17% des patients sont des réfugiés qui n’ont d’autres références que notre association», constate-t-elle.
Comme de nombreux médicaments pour les maladies chroniques, celui de l’hémophilie continue à être subventionné. Par conséquent, il n’est pas toujours disponible sur le marché. De plus, il doit être administré dans le cadre du système de traçabilité MediTrack. Pour y avoir accès, les patients doivent s’inscrire avec l’aide de leur médecin sur la plateforme Aman et obtenir un identifiant unique.
«Nous nous sommes entendus avec le ministère de la Santé pour assurer au patient à travers MediTrack la prophylaxie à faible dose, c’est-à-dire qu’on lui réduit de près de 50% la dose normale, souligne le Dr Noun. Cela permet de lui préserver les articulations. Cette mesure est adoptée dans de nombreux pays pauvres et elle a prouvé son efficacité.»
«Nous avons créé un identifiant unique pour chacun de nos patients, explique pour sa part Solange Sakr. Ils ont chargé leur ordonnance sur le système, mais ne reçoivent aucune réponse, d’une part parce que le produit n’existe pas au ministère, mais aussi parce que ce système en est encore à ses débuts.» Et la fondatrice de l’Association libanaise pour l’hémophilie d’insister: «Il y a une période de transition qu’il faut accepter, mais entre-temps, il faut trouver une solution. Nos patients souffrent. Ils ne savent plus quoi faire, d’autant que nombre d’entre eux sont issus de milieux défavorisés. Notre association reçoit le médicament de la Fédération internationale d’hémophilie, mais les quantités restent insuffisantes. Elles nous permettent de couvrir les urgences. D’ailleurs, la Fédération ne peut pas remplacer le ministère de la Santé. Celui-ci doit assumer ses responsabilités envers les patients.»
«Accès à tous: prévenir les saignements, comme référence mondiale de soins.» Ce thème choisi par la Fédération internationale de l’hémophilie pour marquer la Journée mondiale de la maladie, fixée au 17 avril, résonne comme un luxe au Liban où se faire soigner est de plus en plus difficile. Alors que le pays était sur le point d’atteindre cet objectif, il peine aujourd’hui à assurer le traitement aux patients.
L’hémophilie est une maladie hémorragique héréditaire caractérisée par un déficit d’un des facteurs de la coagulation: le facteur 8 en cas d’hémophilie A, et le facteur 9 en cas d’hémophilie B. «Ces deux formes de la maladie touchent respectivement 1 garçon sur 5.000 et 1 garçon sur 30.000», explique Peter Noun, hématologue-oncologue pédiatre et chef de service de l’unité d’hématologie-oncologie pédiatrique à l’hôpital Saint-Georges-CHU. «La maladie est transmise de la mère à son enfant, poursuit-il. Dans des cas très rares, si le père est atteint d’hémophilie et que la maman est porteuse de l’anomalie génétique responsable de la maladie, celle-ci peut être transmise à la fille.»
Une personne atteinte d’hémophilie risque des hémorragies internes et externes, qui peuvent survenir de manière spontanée ou suite à un accident, le plus souvent au niveau des articulations, mais aussi dans les muscles. Les hémorragies ne peuvent être arrêtées que si le patient reçoit le facteur qui lui manque en injection intraveineuse. La dose à administrer est calculée selon le poids du sujet. Il faut compter 50 unités par kilo. Une personne pesant 60 kilos doit ainsi recevoir 3.000 unités.
Ces hémorragies, qui surviennent à répétition, entraînent des complications au niveau des articulations et des muscles menant au long terme à un handicap. D’où la nécessité pour le patient de recevoir son injection, «deux à trois fois par semaine, dans le cadre d’un traitement de prophylaxie, qui reste le protocole optimal pour lui permettre de mener une vie normale», insiste le Dr Noun. «Celui-ci doit être initié avant que les premiers symptômes n’apparaissent ou juste après la première hémorragie, c’est-à-dire dès la première année, lorsque l’enfant commence à marcher, poursuit-il. Dans 30% des cas, la maladie apparaît chez des enfants qui n’ont pas d’histoire familiale d’hémophilie. Elle est ainsi détectée de manière fortuite, comme après une circoncision. Le traitement de prophylaxie est d’autant plus important qu’il permet de maintenir un bon taux du facteur déficient dans le sang.»
Mener une vie normale
Une personne hémophile qui reçoit son traitement régulièrement peut mener une vie normale. Évidemment, les sports extrêmes qui peuvent provoquer des blessures restent déconseillés, le football et le basket-ball, à titre d’exemple. En raison de la pénurie de médicaments, le traitement prophylactique a dû être interrompu. C’est un cri de désespoir que lancent donc les patients et leur entourage à l’occasion de la Journée mondiale de l’hémophilie. «Les traitements sont en nombre insuffisant», déplore Solange Sakr, fondatrice et présidente de l’Association libanaise pour l’hémophilie. «De nombreux patients n’ont pas reçu leur dose depuis plus de 5 mois», poursuit-elle.
Fondée en 1992, l’association s’est dotée en 2000 d’un centre spécialisé qui assure une prise en charge multidisciplinaire: physiothérapie, conseil génétique, soutien psychosocial, suivi post-opératoire… Ce qui lui a permis de constituer un registre de ses patients: 200 cas de personnes atteintes d’hémophilie A et 57 d’hémophilie B. À ceux-là s’ajoutent des patients qui souffrent d’autres maladies hémorragiques: 190 patients ayant un déficit du facteur von Willebrand, 36 avec un déficit du facteur 1, et 48 autres présentant de rares atteintes hémorragiques.
«L’hémophilie reste cependant sous-diagnostiquée au Liban, ainsi que dans certains pays du monde, d’où la nécessité d’assurer des services pour une meilleure détection et un suivi de la maladie», avance Solange Sakr. Et d’ajouter: «Trente-deux pour cent de nos patients ont moins de 18 ans (21% entre 0 et 13 ans et 11% entre 14 et 18 ans) et 16% sont âgés de 19 à 25 ans. Ce sont des jeunes qui ont toute la vie devant eux. Il est impératif, donc, de leur assurer le traitement de manière continue pour qu’ils puissent mener une existence de qualité.»
Traitement à faible dose
Près de 60% des patients sont couverts par le ministère de la Santé. «En raison de la crise économique et financière, celui-ci n’arrive pas à assurer le médicament en quantité suffisante pour le traitement en prophylaxie», déplore Solange Sakr. Elle précise que 24% des patients bénéficient des prestations de la Caisse nationale de sécurité sociale, «laquelle n’arrive pas non plus à couvrir leur traitement prophylactique». Le reste des malades sont couverts par les autres tiers-payants publics. «De plus, 17% des patients sont des réfugiés qui n’ont d’autres références que notre association», constate-t-elle.
Comme de nombreux médicaments pour les maladies chroniques, celui de l’hémophilie continue à être subventionné. Par conséquent, il n’est pas toujours disponible sur le marché. De plus, il doit être administré dans le cadre du système de traçabilité MediTrack. Pour y avoir accès, les patients doivent s’inscrire avec l’aide de leur médecin sur la plateforme Aman et obtenir un identifiant unique.
«Nous nous sommes entendus avec le ministère de la Santé pour assurer au patient à travers MediTrack la prophylaxie à faible dose, c’est-à-dire qu’on lui réduit de près de 50% la dose normale, souligne le Dr Noun. Cela permet de lui préserver les articulations. Cette mesure est adoptée dans de nombreux pays pauvres et elle a prouvé son efficacité.»
«Nous avons créé un identifiant unique pour chacun de nos patients, explique pour sa part Solange Sakr. Ils ont chargé leur ordonnance sur le système, mais ne reçoivent aucune réponse, d’une part parce que le produit n’existe pas au ministère, mais aussi parce que ce système en est encore à ses débuts.» Et la fondatrice de l’Association libanaise pour l’hémophilie d’insister: «Il y a une période de transition qu’il faut accepter, mais entre-temps, il faut trouver une solution. Nos patients souffrent. Ils ne savent plus quoi faire, d’autant que nombre d’entre eux sont issus de milieux défavorisés. Notre association reçoit le médicament de la Fédération internationale d’hémophilie, mais les quantités restent insuffisantes. Elles nous permettent de couvrir les urgences. D’ailleurs, la Fédération ne peut pas remplacer le ministère de la Santé. Celui-ci doit assumer ses responsabilités envers les patients.»
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