Aides aux déplacés syriens: qui donne quoi?
La question des déplacés syriens au Liban est redevenue d'une brûlante actualité ces derniers jours. En cause, une affaire de faux extraits d’état-civil libanais accordés à des nouveau-nés syriens, le ras-le-bol de travailleurs libanais face à une main d’œuvre syrienne peu chère et, côté syrien, un tollé après l’expulsion par l’armée libanaise d’une soixantaine d’individus entrés illégalement dans le pays.

Dans ces périodes de regain de tension, les organisations internationales sont généralement pointées du doigt pour l’aide qu’elles apportent aux déplacés, au détriment des Libanais.

Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) est le plus souvent la première cible des critiques. Et pour cause: le HCR est l’organisme le plus important, doté du budget le plus conséquent. Chaque année, l’agence onusienne tente de lever, rien que pour le Liban, entre 500 et 600 millions de dollars. Et chaque année, elle reçoit près de la moitié du montant demandé. De quoi lui permettre d’apporter une aide financière aux déplacés syriens du Liban. Très exactement 2,5 millions de livres libanaises, directement données en espèce, chaque mois, aux familles. À cela vient s’ajouter une contribution du Programme alimentaire mondial (PAM) de 1,1 million de livres libanaises par personne, avec un plafond de 5 personnes par foyer.

Huit millions de livres par mois

Une famille de 5 personnes (ou plus) peut ainsi recevoir un maximum de 8 millions de livres libanaises par mois, en espèces ou sous forme d’aide alimentaire. «À l’heure actuelle, l’aide en espèces est versée en livres libanaises et non en dollars américains, comme l’ont largement rapporté les médias. Des discussions sont en cours à propos d’une dollarisation future», précise, à Ici Beyrouth, un responsable du HCR sous couvert de l’anonymat.

L’organisation rappelle dans ce cadre qu’une aide mensuelle maximum de 8 millions de livres, soit environ 80 dollars au taux actuel du marché, ne permet pas à une famille de couvrir ses besoins les plus élémentaires. «Le grand public pense que 100% des réfugiés reçoivent une aide en espèces, mais ce n’est pas le cas. Avec les fonds actuellement disponibles, les agences de l’ONU ne peuvent aider que 43% des déplacés syriens», ajoute-t-il. Selon l’agence onusienne, plus de 1,5 million de déplacés de Syrie sont présents au Liban, et à peine plus de 800 000 d’entre eux sont enregistrés dans ses fichiers.

En outre, le HCR se défend de vouloir privilégier une population plutôt qu’une autre, notamment en ce qui concerne la santé. «Les réfugiés peuvent accéder à divers services dans 140 centres de soins répartis dans le pays, précise le responsable susmentionné. Les Libanais ont également accès à ces centres. Nous disposons aussi d’un réseau de 30 hôpitaux dispersés à travers le Liban où les déplacés peuvent, à des coûts subventionnés, accéder à des soins et traitements en cas d’accident ou de maladie graves. Nous couvrons jusqu’à 75% du coût de ces services, les 25% restants étant à la charge du patient.»


Conscient des polémiques actuelles, le HCR se dit inquiet de la montée des discours anti-déplacés, tout en comprenant les préoccupations libanaises. Pour éviter les fraudes au niveau de ses services, les audits et les contrôles pourraient être renforcés.

L’UE, un important donateur

L’Union européenne est également un important donateur. Depuis le début de la guerre en Syrie, en 2011, celle-ci a accordé au Liban environ 860 millions d’euros en aides humanitaires. Si cet argent était en premier lieu destiné aux déplacés, il concerne aussi les Libanais les plus défavorisés depuis le début de la crise économique, en 2019. En 2023, près de 60 millions d’euros supplémentaires ont ainsi été alloués, soit une augmentation de 20% par rapport à 2022.

Contactée par Ici Beyrouth pour fournir de plus amples détails, les représentants de l’UE au Liban ont souligné ne pas vouloir s’exprimer pour le moment.

Dans une moindre mesure, certains pays fournissent également de l’aide humanitaire, en plus de leur contribution aux budgets des organisations internationales, comme l’ONU ou l’UE. C’est le cas de la France avec son Agence française de développement. Via un fonds d’aide régionale, baptisé Minka, l’Hexagone a ainsi alloué au Liban 160 millions d’euros entre 2016 et 2021. Contactée par Ici Beyrouth, l’ambassade française n’était pas en mesure de donner un chiffre actualisé.

«Depuis la crise, la moitié des aides profite à la population libanaise», selon une source diplomatique. Contrairement aux programmes onusiens, «nos aides ne sont pas versées directement aux populations. Nous finançons des projets mis en place par des ONG. Nous avons d’excellentes relations avec tous nos partenaires. Notre démarche ne cache aucun agenda. Nous souhaitons seulement aider les plus vulnérables», ajoute-t-on dans les mêmes milieux.
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