Geagea pose ses jalons pour les échéances électorales de 2022
Les préparatifs en vue des prochaines élections législatives s’accélèrent à plus d’un niveau au sein des Forces libanaises. Dans ce cadre, une réunion interne présidée par le leader du parti, Samir Geagea, aura lieu ce vendredi au quartier général des FL, à Meerab (Kesrouan). C’est ce que rapporte le site d’information « Houna Loubnan » qui précise que cette réunion devrait être décisive pour nommer une fois pour toutes les candidats du parti aux législatives dans l’ensemble des circonscriptions électorales du pays.
La veille du Nouvel An, le chef des FL avait déjà annoncé la couleur en révélant la candidature à Batroun de Ghayath Yazbeck, rédacteur en chef de la chaine de télévision MTV, qui brigue ainsi l’un des deux sièges maronites du caza – ce qui le placerait en rivalité avec Gebran Bassil.

D’ailleurs, en ce début d’année, Samir Geagea a choisi de mettre les bouchées doubles contre le couple CPL-Hezbollah, qu’il a accusé de conduire les Libanais en enfer. Dans une interview accordée à la chaine Skynews Arabia, le leader des FL a lancé plusieurs piques à l’encontre du dirigeant du Courant Patriotique Libre (CPL), Gebran Bassil, saisissant l’occasion pour réitérer l’impossibilité d’un scénario de type « Accord de Meerab » 2.0 qui conduirait ce dernier à la présidence de la République. Pour M. Geagea, cet accord n’était que le fruit d'une bonne foi politique dans un moment de vide présidentiel marqué par un concours de circonstances qui ne permettait pas l’accession d’un autre candidat que Michel Aoun au palais de Baabda. Cette justification est une réponse à la pluie de critiques quotidiennes émanant de la société civile envers cet accord de Meerab qui avait mené ce dernier à la Magistrature suprême, ce qui aurait provoqué, selon les détracteurs de l'un comme l'autre, le déclin de la situation libanaise sur tous les plans.

La visite éventuelle de Bassil en Syrie


Comme pour marquer le hiatus entre les deux chefs des principales formations chrétiennes, Samir Geagea a déclaré que « celui qui aspire à être président de la République libanaise ne doit pas baigner, voire ramper, dans la complaisance envers certaines parties ou États, mais plutôt rester fidèle à ses valeurs et ses convictions ». Ce à quoi il a rajouté, en réponse à la journaliste Giselle Khoury qui l’interrogeait sur la visite éventuelle de Gebran Bassil en Syrie : « Quand a-t-il décidé de quitter la Syrie pour ainsi choisir d’y retourner aujourd’hui ? Il a toujours été en Syrie ». Cette accusation de collaboration avec le régime Assad rappelle le ton qui s’est peu à peu perdu et qui était l’apanage du discours du 14 Mars il y a quelques années.


Ce discours, Samir Geagea ne l’a jamais vraiment abandonné contre le Hezbollah. Dans cette interview accordée à Giselle Khoury, il est revenu à la charge, suite notamment aux propos tenus par le secrétaire général de ce parti Hassan Nasrallah dans sa plus récente allocution. Ainsi, M. Geagea a pris la défense de l’Arabie Saoudite en soulignant son rôle régional important et surtout celui que le Royaume a joué dans la prospérité dont a pu bénéficier le Liban par le passé, réfutant ainsi les invectives émises par Hassan Nasrallah dans son discours à l’encontre de cet État qui fut l’allié du Liban.
Le leader FL a également rappelé le monopole des armes que devrait avoir l’armée libanaise en soulignant que « le Hezbollah ne peut empiéter sur des régions et personnes libanaises en présence de l’armée, comme l’ont montré les évènements de Tayyouneh, Chouayya et Khaldé ». Ces trois régions n’ont pas été citées au hasard. En effet, en visant une région chrétienne (Ain el Remmané), une région druze et une dernière sunnite, le chef des Forces Libanaises formule une volonté claire de se positionner en leader national capable d’assumer la présidence, ce qui exige un certain dépassement du cadre confessionnel.

La majorité des sunnites


Et c’est précisément cette figure de rassembleur que Samir Geagea tente de faire émerger en déclarant, entre autres, que la majorité des sunnites est l’alliée des FL. Aussitôt cette phrase prononcée, la réponse de l’ancien secrétaire général du Courant du futur Ahmad Hariri a fusé sur un ton quelque peu agressif qui contraste avec l’absence saisissante de ce parti sur le plan national. Livrant sa vision des choses sur Twitter, l’ancien cadre du Futur a indiqué que « ce n’est pas la première fois que M. Geagea tente de diviser l’assise populaire sunnite du leadership traditionnel de cette communauté (Courant du Futur), en prétendant que la majorité sunnite est son alliée au niveau du peuple, mais pas au niveau du leadership ».
Visiblement agacé, l’ancien haut-placé sunnite a poursuivi son analyse cinglante en proférant : « À moins que le Dr. Geagea n’estime qu’une partie des groupements politiques qui gravite dans l'orbite de Meerab est devenue une majorité dénombrable », dans une allusion à peine voilée au poids politique du dirigeant sunnite tripolitain Ashraf Rifi, ancien ministre et chef des Forces de Sécurité Intérieure. Cela dénote en tout cas une certaine crainte de Ahmad Hariri pour le devenir de son parti qui, autrefois, monopolisait le pouvoir dans la rue sunnite mais qui a perdu des sièges au Parlement après les élections de 2018, et qui s’apprête à affronter une nouvelle échéance électorale sans pour autant s'être livré à une préparation politique palpable du terrain populaire – lequel glisse « dangereusement » vers d’autres plus petits pôles politiques.

Quoi qu’il en soit, Samir Geagea s’est déclaré dans son interview sur SkyNews Arabia comme « candidat naturel » à la Magistrature suprême, par opposition à un « candidat au sens classique du terme », qu’il ne serait pas. En d’autres mots, il est clair que bien qu’il ne soit pas encore candidat officiel à la présidence de la République, Samir Geagea attend avec patience l’occasion « démocratique » de se saisir du pouvoir, ou en tout cas d’incarner entre temps l’image d’un éternel candidat à la présidence, comme d’autres avant lui. Et il semble qu'aussi bien les vociférations du secrétaire général du Hezbollah que celles de l’ancien homologue sunnite de ce dernier ne sauront secouer cette conviction présidentielle bien ancrée du « hakim ».
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