La saisie en début de semaine par les rebelles Houthis du Yémen d'un navire battant pavillon émirati en mer Rouge est un incident rare présentant selon des experts un risque d'"escalade" dans ces eaux stratégiques pour le commerce international.
Pour les Houthis, cette opération est un message "d'ordre politique, qui relève de l'affichage, plutôt que militaire", estime Maged al-Madhaji, directeur du Sana'a Center for Strategic Studies.
"Ils n'ont pas beaucoup d'expérience en mer car ils sont fondamentalement des combattants de montagne", souligne-t-il à l'AFP.
La capture du navire intervient dans un contexte d'escalade générale dans la guerre au Yémen, et pour le chercheur Mohammed Al Basha, ce rare incident maritime est "le signe d'une escalade politique et militaire contre la coalition".
"Observateurs et responsables politiques craignent depuis longtemps que la guerre au Yémen ne déborde sur la mer Rouge et ne déstabilise les voies de navigation essentielles", pour le transport maritime international, observe ce spécialiste de la péninsule arabique au centre de réflexion Navanti Group.
Environ 1,5 million de barils de pétrole par jour transitent par la mer Rouge en provenance du Koweït, d'Oman et d'Arabie saoudite, selon S&P Global Platts.
Les rebelles ont diffusé sur leur chaîne Al-Massirah des images vidéo présentées comme celles du navire capturé. Les photos montraient des véhicules militaires et des armes.
Pour Peter Salisbury, spécialiste du Yémen, il reste "difficile de déterminer la raison pour laquelle les Houthis ont saisi" le navire.
"Mais il est difficile de ne pas y voir un rappel peu cordial du fait qu'ils peuvent, s'ils le souhaitent, semer la pagaille dans le transport maritime saoudien et émirati en mer Rouge", dit à l'AFP le chercheur à l'ONG Crisis Group.
Partenaires de l'Arabie saoudite et des Emirats arabes unis, les Etats-Unis ont appelé les rebelles à "libérer immédiatement" le navire saisi et à "cesser toute violence susceptible de faire reculer le processus politique visant à mettre fin à la guerre au Yémen".
"Ces actions entravent la liberté de navigation en mer Rouge et menacent le commerce international et la sécurité régionale", a dénoncé dans un communiqué Ned Price, porte-parole du département d'Etat.
L'incident est intervenu au moment où les Emirats arabes unis, qui n'ont toujours pas commenté cette affaire, sont revenus sur le terrain yéménite après s'en être distanciés tout en restant membre de la coalition saoudienne.
Selon Maged al-Madhaji, les rebelles semblent "s'inquiéter" de ce retour des Emiratis et leur "soutien aux opérations militaires contre eux, en particulier dans la province de Chabwa", au sud de Marib, la région pétrolière au coeur d'une bataille sanglante.
Les Emiratis soutiennent avec les Saoudiens les forces dites des "Géants", une brigade pro-gouvernementale créée en 2015. Après avoir fait reculer les rebelles par le passé dans la stratégique région côtière de l'ouest du Yémen, les "Géants" cherchent aujourd'hui à les déloger de Chabwa.
Ces événements interviennent alors que la guerre au Yémen connaît une escalade depuis plusieurs semaines, avec notamment une multiplication des raids aériens de la coalition sur les territoires contrôlés par les Houthis, ces derniers frappant l'Arabie saoudite avec des drones et missiles balistiques.
Les Houthis ont réussi à s'emparer de la majeure partie du nord du Yémen, après avoir pris le contrôle de la capitale Sanaa en 2014, déclenchant un conflit avec les forces loyalistes qui a plongé le pays le plus pauvre de la péninsule arabique dans l'une des pires catastrophes humanitaires au monde.
AFP
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