Le père Youssef Nasr à «Ici Beyrouth»: "Les organisations internationales n’aident pas le secteur privé."
Bien que le ministre de l’Éducation, Abbas Halabi, ait confirmé dimanche en soirée sa décision de maintenir la rentrée scolaire en présentiel pour le lundi 10 janvier, nombreux sont les établissements qui n’ouvriront pas leurs portes à la date prévue. En cause, non seulement la propagation du Covid-19, mais aussi la grève observée par les enseignants du public et privé pour des raisons salariales.
Ainsi, des établissements dans différentes régions ont annoncé le report au lundi 17 janvier du retour des cours en présentiel, au moment où le secrétariat général des écoles catholiques avait en début d’après-midi invité les directions des établissements scolaires à décider de la reprise des cours le lundi 10 janvier en fonction de la situation de chaque école. Parallèlement, le comité de coordination syndical a annoncé qu’il poursuivra sa grève ouverte jusqu’à ce que ses revendications soient satisfaites. Quant aux institutions spécialisées pour enfants en déficience, elles ouvriront leurs portes lundi conformément aux directives du ministère des Affaires sociales.
Prise d’un commun accord avec le ministre de la Santé, Firas Abiad, la décision de Abbas Halabi de maintenir la rentrée scolaire au 10 janvier avait suscité une vague de colère et de mécontentement, auprès notamment des parents d’élèves. " Ils veulent tuer nos enfants ou du moins nous contaminer ", déplorent des parents affolés sur les réseaux sociaux. L’argument de M. Halabi était le suivant : " Nous n’admettrons pas la perte de l’année scolaire, quels que soient les sacrifices. L’intérêt des générations est en tête de nos priorités. "
Le 2 janvier, Firas Abiad confiait que la fermeture du pays était en cours d’étude mais que des efforts " sont déployés pour éviter le confinement ".
Cependant, les chiffres sont alarmants. Plus de 7.000 cas sont enregistrés tous les jours depuis le 6 janvier. Le variant Omicron se propage rapidement bien qu’il vient de faire son entrée au Liban. Pour les deux ministres, les fêtes auraient largement contribué à la hausse des chiffres de contamination, mais le retour à l’école, avec le port du masque, permettrait d’endiguer la pandémie et protégerait les enfants et leurs parents.
Tout ferme ou tout ouvre
Jusqu’à jeudi, le secrétariat des écoles catholiques était hostile à un report de la reprise des cours en présentiel. " La situation économique et sanitaire est difficile. Elle concerne tous les libanais, non seulement les profs. C’est pourquoi il faut trouver des solutions au niveau national. On met en confinement tout le pays ou on laisse tout ouvert ", a déclaré le père Youssef Nasr, secrétaire général des écoles catholiques à Ici Beyrouth.
Le père Nasr souligne en outre l’importance d’un confinement volontaire des enfants avant la rentrée ainsi qu’une participation massive des élèves de plus de 12 ans, de leurs parents, des enseignants ainsi que des employés des établissements scolaires au marathon de vaccination, lancé samedi et qui se poursuit dimanche dans la perspective d’une " une immunité collective ".
Il demande aux responsables administratifs dans les établissements scolaires de contrôler la situation sanitaire et d’imposer des directives claires de lutte contre la propagation du coronavirus et appelle les ministères de la Santé et de l’Éducation à contrôler à leur tour la mise en œuvre du protocole sanitaire dans les écoles.
En outre, le secrétaire général des écoles catholiques conseille, en raison de la distanciation indispensable, de répartir les élèves d’une même classe sur deux groupes A et B. Il détaille sa proposition : " Les groupes étudieront par alternance une semaine en présentiel l’autre en ligne, ce qui permet de fonctionner avec le même nombre de personnel. "
Le père Nasr insiste par ailleurs sur la nécessité que l’État mette à la disposition des écoles le matériel des tests rapides antigéniques dont il a reçu une quantité. " Le matériel est toujours au ministère de l’Éducation. Nous demandons qu’il soit mis le plus tôt possible à la disposition des établissements afin de pouvoir déceler les cas de contamination sans retard ", affirme-t-il.
Le ras-le-bol des enseignants
Quoiqu’il en soit, les enseignants refusent d’intégrer les classes pour d’autres motifs en rapport avec leurs conditions salariales. Ceux du secteur public veulent encaisser toutes les sommes qui leur ont été reconnues en vertu d’un accord avec le ministre de l’Éducation, soit l’équivalent de 90 dollars à titre de compensation, une avance sur les salaires, une nouvelle tarification des allocations de transports. Selon Nisrine Chahine, porte-parole des enseignants du primaire dans le public, les contractuels continuent de ne jouir d’aucune couverture sociale, ne perçoivent pas d’allocations de transports et sont toujours payés 20 mille livres libanaises l’heure, soit 66 cents.
Le syndicat des enseignants du secteur privé a à son tour annoncé une grève. Les causes sanitaires empêchent certes le corps professoral d’assurer les heures d’enseignement en présentiel, mais la question des salaires reste pressante vu la situation économique et sociale. Les instituteurs rémunérés en livres libanaises ne parviennent pas à subvenir aux besoins vitaux de leurs familles. Les frais de transports qu’ils perçoivent ne couvrent pas les allers-retours à leur lieu de travail. Ils demandent en outre l’application intégrale du décret 46, surtout par la caisse des indemnités des établissements privés : les 6 échelons auxquels ils ont droit demeurent impayés dans plusieurs écoles et aux retraités.
" Nous compatissons avec les enseignants. Nous reconnaissons leur dévouement et leurs droits ", insiste le père Nasr, hostile cependant à la grève décrétée. Estimant que " les enseignants des secteurs privé et public affrontent les mêmes situations difficiles et ont tous droit à une amélioration de leurs conditions de vie et à une vie décente ", il a toutefois mis en avant l’avenir des élèves. " Il n’est pas logique d’interrompre l’année scolaire. J’appelle les profs à un dialogue avec les directions de leurs établissements afin de trouver les moyens qui permettent d’assurer la continuité des apprentissages ", lance-t-il.
Si dans le public on se plaint de n’avoir pas encore perçu les sommes promises, dans le secteur des écoles privées, le problème se pose au niveau de l’absence d’aides de la part d’ONG ou d’organisations internationales, à l’exception de celles que la France avait octroyées en 2020 aux établissements scolaires homologués.
La Banque mondiale a alloué à titre exceptionnel aux établissements du secteur public (écoles, instituts techniques…) 37 millions de dollars " pour s’assurer que les profs sont capables d’acheter du carburant pour se rendre sur leur lieu de travail ". Le secteur privé n’a pas perçu d’aides similaires. Le père Nasr commente : " Ce sont les conditions du donateur. " " Nous avons réclamé un soutien auprès de l’État, du FMI, de diverses ONG qui œuvrent sur le territoire libanais, mais on nous a répondu que l’aide est réservée uniquement au secteur public ", poursuit-il.
Pour lui, on ne peut pas sacrifier le secteur des écoles privées qui accueille 70% des élèves. " Nos écoles ont une mission à assumer et les enseignants sont nos principaux collaborateurs ", conclut-il.
Bien que le ministre de l’Éducation, Abbas Halabi, ait confirmé dimanche en soirée sa décision de maintenir la rentrée scolaire en présentiel pour le lundi 10 janvier, nombreux sont les établissements qui n’ouvriront pas leurs portes à la date prévue. En cause, non seulement la propagation du Covid-19, mais aussi la grève observée par les enseignants du public et privé pour des raisons salariales.
Ainsi, des établissements dans différentes régions ont annoncé le report au lundi 17 janvier du retour des cours en présentiel, au moment où le secrétariat général des écoles catholiques avait en début d’après-midi invité les directions des établissements scolaires à décider de la reprise des cours le lundi 10 janvier en fonction de la situation de chaque école. Parallèlement, le comité de coordination syndical a annoncé qu’il poursuivra sa grève ouverte jusqu’à ce que ses revendications soient satisfaites. Quant aux institutions spécialisées pour enfants en déficience, elles ouvriront leurs portes lundi conformément aux directives du ministère des Affaires sociales.
Prise d’un commun accord avec le ministre de la Santé, Firas Abiad, la décision de Abbas Halabi de maintenir la rentrée scolaire au 10 janvier avait suscité une vague de colère et de mécontentement, auprès notamment des parents d’élèves. " Ils veulent tuer nos enfants ou du moins nous contaminer ", déplorent des parents affolés sur les réseaux sociaux. L’argument de M. Halabi était le suivant : " Nous n’admettrons pas la perte de l’année scolaire, quels que soient les sacrifices. L’intérêt des générations est en tête de nos priorités. "
Le 2 janvier, Firas Abiad confiait que la fermeture du pays était en cours d’étude mais que des efforts " sont déployés pour éviter le confinement ".
Cependant, les chiffres sont alarmants. Plus de 7.000 cas sont enregistrés tous les jours depuis le 6 janvier. Le variant Omicron se propage rapidement bien qu’il vient de faire son entrée au Liban. Pour les deux ministres, les fêtes auraient largement contribué à la hausse des chiffres de contamination, mais le retour à l’école, avec le port du masque, permettrait d’endiguer la pandémie et protégerait les enfants et leurs parents.
Tout ferme ou tout ouvre
Jusqu’à jeudi, le secrétariat des écoles catholiques était hostile à un report de la reprise des cours en présentiel. " La situation économique et sanitaire est difficile. Elle concerne tous les libanais, non seulement les profs. C’est pourquoi il faut trouver des solutions au niveau national. On met en confinement tout le pays ou on laisse tout ouvert ", a déclaré le père Youssef Nasr, secrétaire général des écoles catholiques à Ici Beyrouth.
Le père Nasr souligne en outre l’importance d’un confinement volontaire des enfants avant la rentrée ainsi qu’une participation massive des élèves de plus de 12 ans, de leurs parents, des enseignants ainsi que des employés des établissements scolaires au marathon de vaccination, lancé samedi et qui se poursuit dimanche dans la perspective d’une " une immunité collective ".
Il demande aux responsables administratifs dans les établissements scolaires de contrôler la situation sanitaire et d’imposer des directives claires de lutte contre la propagation du coronavirus et appelle les ministères de la Santé et de l’Éducation à contrôler à leur tour la mise en œuvre du protocole sanitaire dans les écoles.
En outre, le secrétaire général des écoles catholiques conseille, en raison de la distanciation indispensable, de répartir les élèves d’une même classe sur deux groupes A et B. Il détaille sa proposition : " Les groupes étudieront par alternance une semaine en présentiel l’autre en ligne, ce qui permet de fonctionner avec le même nombre de personnel. "
Le père Nasr insiste par ailleurs sur la nécessité que l’État mette à la disposition des écoles le matériel des tests rapides antigéniques dont il a reçu une quantité. " Le matériel est toujours au ministère de l’Éducation. Nous demandons qu’il soit mis le plus tôt possible à la disposition des établissements afin de pouvoir déceler les cas de contamination sans retard ", affirme-t-il.
Le ras-le-bol des enseignants
Quoiqu’il en soit, les enseignants refusent d’intégrer les classes pour d’autres motifs en rapport avec leurs conditions salariales. Ceux du secteur public veulent encaisser toutes les sommes qui leur ont été reconnues en vertu d’un accord avec le ministre de l’Éducation, soit l’équivalent de 90 dollars à titre de compensation, une avance sur les salaires, une nouvelle tarification des allocations de transports. Selon Nisrine Chahine, porte-parole des enseignants du primaire dans le public, les contractuels continuent de ne jouir d’aucune couverture sociale, ne perçoivent pas d’allocations de transports et sont toujours payés 20 mille livres libanaises l’heure, soit 66 cents.
Le syndicat des enseignants du secteur privé a à son tour annoncé une grève. Les causes sanitaires empêchent certes le corps professoral d’assurer les heures d’enseignement en présentiel, mais la question des salaires reste pressante vu la situation économique et sociale. Les instituteurs rémunérés en livres libanaises ne parviennent pas à subvenir aux besoins vitaux de leurs familles. Les frais de transports qu’ils perçoivent ne couvrent pas les allers-retours à leur lieu de travail. Ils demandent en outre l’application intégrale du décret 46, surtout par la caisse des indemnités des établissements privés : les 6 échelons auxquels ils ont droit demeurent impayés dans plusieurs écoles et aux retraités.
" Nous compatissons avec les enseignants. Nous reconnaissons leur dévouement et leurs droits ", insiste le père Nasr, hostile cependant à la grève décrétée. Estimant que " les enseignants des secteurs privé et public affrontent les mêmes situations difficiles et ont tous droit à une amélioration de leurs conditions de vie et à une vie décente ", il a toutefois mis en avant l’avenir des élèves. " Il n’est pas logique d’interrompre l’année scolaire. J’appelle les profs à un dialogue avec les directions de leurs établissements afin de trouver les moyens qui permettent d’assurer la continuité des apprentissages ", lance-t-il.
Si dans le public on se plaint de n’avoir pas encore perçu les sommes promises, dans le secteur des écoles privées, le problème se pose au niveau de l’absence d’aides de la part d’ONG ou d’organisations internationales, à l’exception de celles que la France avait octroyées en 2020 aux établissements scolaires homologués.
La Banque mondiale a alloué à titre exceptionnel aux établissements du secteur public (écoles, instituts techniques…) 37 millions de dollars " pour s’assurer que les profs sont capables d’acheter du carburant pour se rendre sur leur lieu de travail ". Le secteur privé n’a pas perçu d’aides similaires. Le père Nasr commente : " Ce sont les conditions du donateur. " " Nous avons réclamé un soutien auprès de l’État, du FMI, de diverses ONG qui œuvrent sur le territoire libanais, mais on nous a répondu que l’aide est réservée uniquement au secteur public ", poursuit-il.
Pour lui, on ne peut pas sacrifier le secteur des écoles privées qui accueille 70% des élèves. " Nos écoles ont une mission à assumer et les enseignants sont nos principaux collaborateurs ", conclut-il.
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