L’homme doit s’appuyer sur le passé et tendre vers l’avenir, nous dit Henri Bergson. De ce siècle dernier, où notre pays a connu diverses occupations, la famine, des guerres et des misères, nous allons retenir l’édification d’une nation, son impact dans le monde, son rayonnement culturel et sa formidable vitalité. Mois par mois, un peu de ces petites lucioles d’hier pour éclairer notre chemin vers demain.
Juillet, avec ses chaleurs, apaise les esprits au Liban où l’on s’apprête à recevoir émigrés et touristes. Parmi les premiers visiteurs, Gustave Flaubert qui, sur les conseils de son médecin qui venait de lui diagnostiquer une fatigue nerveuse, débarque à Beyrouth le 19 juillet 1849. Son voyage au Liban lui laissera une impression mitigée en raison de son dédain pour le romantisme exagéré des orientalistes, mais il sera très sensible aux rencontres humaines qu’il y fera. Également parmi les visiteurs de ce mois de juillet, Charles de Gaulle qui viendra au Liban à plusieurs reprises. Il y vécut même vers la fin des années 1920 et le début des années 1930. C’est en tant que commandant et représentant du Haut-Commissaire à la cérémonie de remise de prix de l’Université Saint-Joseph, en juillet 1931, qu’il prononce un discours poignant dans lequel il dira: «Sur ce sol merveilleux et pétri d’histoire, appuyés au rempart de vos montagnes, liés par la mer aux activités de l’Occident, aidés par la sagesse et par la force de la France, il vous appartient de construire un État.» Il reviendra le 25 juillet 1941 comme général, chef des Français libres. Il passera en revue les troupes, rencontrera les responsables français et libanais, et dira en s’adressant à nous: «Nous sommes venus dans la ferme intention d’assurer à ce Liban lié à la France par des siècles de la plus sûre amitié, son Indépendance totale et sa souveraineté. Pour nous comme pour vous, malgré les changements de personnes, la France demeure, la France continue». Le 12 juillet 1943, en pleine Guerre Mondiale, c’est Joséphine Baker qui, avec sa gouaille et sa bonne humeur, viendra chanter pour les soldats. La paix retrouvée, c’est Juliette Gréco qui choisit de venir passer sa lune de miel au Liban en juillet 1953. Elle se produira même sur scène pour le plus grand plaisir de ses fans. La même année, et dans un autre registre, ce sont les Harlem Globe Trotters qui viennent inaugurer le Palais des Sports de Dora en présence du président Camille Chamoun. Et, en juillet 1973, le tarmac de l’aéroport de Beyrouth verra des jeunes en costumes traditionnels chanter et danser des dabkés endiablées pour accueillir avec amour les nombreux émigrés.
Et, pour faire arriver à bon port tous ces visiteurs, le haut-commissaire Damien de Martel inaugure, le 5 juillet 1935, la dernière tranche des travaux pour agrandir le port de Beyrouth. Le deuxième bassin sera officiellement inauguré le 13 juillet 1938 par Émile Eddé. De son côté, l’aéroport de Khaldé sera ouvert à la navigation internationale le 1er juillet 1950. De ce fait, il prendra désormais le nom d'Aéroport international de Khaldé (plus tard AIB) et ouvrira la voie aux vols venant du monde entier. Il occupe 600.000 m2 et l’on attend 62 avions pour le mois de juillet. La cérémonie, présidée par Béchara el Khoury, est grandiose et comprend des personnalités égyptiennes et françaises ainsi que de nombreux journalistes. Des boutiques hors taxes seront inaugurées en juillet 1956. Avec ses 8 avions et ses 100.000 passagers par an, Air Liban couvre, en 1958, l’Afrique et l’Europe. Le 4 juillet 1959, la liaison Istanbul-Tripoli par l’Orient-Express est rétablie. L’espace aussi est convoité par les Libanais puisque le 7 juillet 1961, la première fusée à deux étages est lancée à partir du mont Sannine par la Haigazian Rocket Society. En revanche, Beyrouth fera, non sans une certaine émotion, ses adieux à ses tramways le 22 juillet 1965. Les bus les remplaceront. Pour accueillir les nombreux touristes, un nouvel hôtel est inauguré à Beyrouth en juillet 1973. Il s’agit du Holiday Inn, conçu par Hindié et Wogenscky, qui comprend 500 chambres et un restaurant tournant au 26e étage. On connaît la suite…
Juillet est un triste mois pour le monde de l’art. Le Liban est bouleversé en juillet 1928 par le meurtre du peintre Khalil Saleeby et de son épouse. Le 4 juillet 1964, Georges Cyr s’en ira, lui aussi. Né en France en 1881, arrivé au Liban en 1934, il tombera sous le charme du pays et saura mieux que personne peindre avec sensibilité et bienveillance les paysages auréolés de lumière et les toits de Beyrouth. Titulaire de la Légion d’honneur et de l’Ordre du Mérite libanais, il fondera une académie de dessin et de peinture et n’aura de cesse d’enseigner la peinture et ses secrets. Le 19 juillet 1981, le sculpteur Michel Basbous nous quitte, laissant derrière lui des œuvres monumentales et un lieu, Rachana, devenu un musée à ciel ouvert. Côté littérature, le poète Khalil Moutran décède le 1er juillet 1949 au Caire et, en juillet 1968, disparaît Béchara el Khoury, surnommé el Akhtal el Saghir. Il a droit à des funérailles nationales auxquelles assistera une foule nombreuse.
Juillet est décidément un mois très prolifique pour la presse. Le 8 juillet 1924 marque la naissance d’un nouveau journal francophone qui fera concurrence au Réveil. L’Orient est détenu par Gabriel Khabbaz et le rédacteur en chef en est Georges Naccache. Khabbaz décèdera le 29 juillet 1944, à l’âge de 46 ans. Le 22 juillet 1936, Beyrouth, un nouveau journal, voit le jour sous la houlette de Mohieddine Nsouly et, le 11 juillet 1972, As-Safa entre dans la cour des journaux francophones. Créé par Fouad Chéhab et présidé par Joseph Naggear, il est dirigé par René Aggioury. Parmi ses rédacteurs: Etel Adnan, Abdo Chakhtoura, Gérard Boulad, Émile Raggi. Il fera long feu puisqu’il cessera de paraître le 30 avril 1974. En juillet 1962, Radio-Liban inaugure des émissions en cinq langues, dédiées aux émigrés libanais dans le monde. C’est la station d’Amchit qui portera loin la voix de la mère patrie. Hommage à cette presse libanaise si méritante qui sera souvent ciblée par ceux qui veulent faire taire la liberté d’expression. Après Edouard Saab en 1976 et Salim Laouzé en février 1980, c’est au tour de Riad Taha d’être assassiné le 23 juillet 1980.
Côté musique, le jeune violoniste Mihran Kodjian reçoit le 12 juillet 1956 le premier prix du Conservatoire de Paris. En juillet 1961, Jacques Brel donne une série de galas, remportant un énorme succès. Il devient vite un habitué du Liban où il se fera de nombreux amis. Le 5 juillet 1971, Tino Rossi chante à Beyrouth Le plus beau tango du monde. En juillet 1973, Alain Abadie enregistre son nouveau 45 tours et, le 23 juillet 1978, Feyrouz rencontre un énorme succès au London Palladium. Deux soirées au cours desquelles les chansons composées par les frères Rahbani, la prestation de la troupe libanaise et la voix magique de notre diva font salle comble et émeuvent des milliers de spectateurs. En pleine guerre, Joe Dassin n’hésitera pas à venir consoler les Libanais, le 21 juillet 1979. Fidèle également et grand ami du Liban, Julio Iglésias fera chavirer le cœur des femmes en juillet 1980. Côté cinéma, Georges Lautner tourne au Liban en juillet 1966. Sur un scénario de Vahé Katcha, La Grande Sauterelle, dont de nombreuses scènes sont filmées au Casino du Liban, aura pour vedette Mireille Darc, Hardy Kruger et Francis Blanche. Pépé Abed, Gaston Chikhani et Alcide Borik y tiennent de petits rôles. Côté théâtre, la troupe du Théâtre Moderne interprète en arabe, le 5 juillet 1963, à Byblos, Les Mouches de Jean-Paul Sartre, avec, dans les rôles principaux, Antoine Kerbage, Reda Khoury et Théodora Racy. Le Théâtre de Dix Heures prend ses quartiers d’été à l’hôtel Saint-Roch où il présente, en juillet 1967, LamantaSion et, en juillet 1971, Sleiwoman. Le 30 juillet 1972, le cinéma théâtre Le Capitole ferme définitivement ses portes. Inauguré en novembre 1950, il aura accueilli les plus belles pièces du répertoire français.
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