L’affaire de la maltraitance effroyable des petits pensionnaires de la garderie Garderêve, à Jdeideh, qui a choqué les Libanais lundi, a relancé le débat sur le rôle des autorités chargées du contrôle des crèches, les critères de recrutement du personnel, ainsi que l’octroi ou le retrait de licence à ces institutions. Elle a, aussi, replacé les droits et la protection de l’enfance, au cœur de l’actualité libanaise.
Le bureau de presse du ministre sortant de la Santé, Firas Abiad, a annoncé la fermeture définitive de Garderêve, ce lieu de cauchemar qui a également vu sa licence supprimée.
Plus tard, au cours d’une conférence de presse, M. Abiad a annoncé vouloir mettre en place un système qui permettra aux parents de s’assurer que la garderie de leur choix est conforme aux normes internationales requises.
Au cœur de ce système, outre les qualifications du personnel bien entendu, la présence de caméras de surveillance. Ce mode de contrôle était en vigueur il y a quelques années. Les caméras avaient été cependant retirées des crèches il y a trois ans, à la demande d’un des deux syndicats qui gèrent ce secteur, a appris Ici Beyrouth.
Pour Firas Abiad, ce qui s’est passé à Garderêve doit servir de leçon aux autres crèches. La tortionnaire, filmée à son insu en train d’agresser les petits, a été arrêtée et sera poursuivie en justice. Quant à la dame qui l’a filmée, elle a été entendue par les enquêteurs et a été libérée sous caution d’élection de domicile, a confirmé à Ici Beyrouth, la présidente de l'Union pour la protection de l’enfance au Liban (UPEL), Amira Sukkar.
Mme Sukkar a annoncé qu'il lui a été demandé de «mettre en place une politique de protection des enfants dans les garderies», assurant à cet effet «avoir effectivement entamé cette démarche, il y a environ un mois et demi». Elle a indiqué qu’elle a «ainsi accompagné une garderie qui avait présenté une demande de licence auprès du ministère de la Santé et qui a fini par l’obtenir.»
La présidente de l’UPEL a également révélé qu’«au cours de la conférence de presse tenue mardi par le ministre de la Santé, l’idée d’assurer des formations à toutes les garderies a été lancée». Et Mme Sukkar d’ajouter: «L’une des meilleures décisions annoncées par le ministre de la Santé est que toute garderie doit adhérer au syndicat pour être officiellement reconnue.»
La présidente de l’UPEL a dans ce cadre fait valoir que «c’est au ministère de la Santé d’octroyer ou de retirer des licences», assurant que «Garderêve avait un permis». Le problème se situait, comme l’a révélé la vidéo, au niveau du personnel sélectionné.
Elle a ajouté que «le ministère établit un certain nombre de critères qui doivent être respectés par les propriétaires des garderies», tout en soulignant que le contrôle doit au final être effectué par les responsables de ces lieux. «Car, au bout d’un certain temps, les choses peuvent changer (au sein de certaines garderies) sans qu’il n’y ait un suivi du ministère», a précisé Mme Sukkar.
À une question portant sur les critères d’octroi de licences aux garderies, Mme Sukkar a fait état d’un décret qui fixe des conditions sans lesquelles il est impossible de livrer des permis. Parmi ces conditions, «connaître le directeur de la crèche, ses diplômes, savoir si la garderie met en place une éducation pédagogique, si le personnel est bien formé, s’il existe des assistantes et un service d’urgences efficaces». Il s’agit également de connaître «les caractéristiques des chambres, des lits, de l’électricité, savoir s’il existe un système anti-incendie, etc.»
Mme Sukkar s’est cependant désolée parce que «malheureusement, les enquêtes ont révélé que ces critères n’étaient pas tous respectés par les garderies».
Un problème auquel Firas Abiad a donc promis de s’attaquer. Au nombre des mesures qu’il envisage de prendre: une mise à jour des décrets et des lois relatifs à la protection des enfants et des mineurs, s'assurer que les garderies respectent les lois, à travers la présence de caméras, et soumettre le personnel à l'évaluation périodique et à la formation continue.
M. Abiad a également promis une intensification «des visites des autorités de contrôle, y compris des visites surprises» pour s'assurer que les crèches respectent les lois requises. Il a par ailleurs souligné l’importance de «l'adoption d'une approche collaborative entre tous ceux qui sont concernés par la protection des enfants et des mineurs».
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Contactée par Ici Beyrouth, Hana Joujou, présidente de l'un des deux syndicats des propriétaires des garderies au Liban, a de son côté alerté sur le fait que «ce phénomène ne se limite pas aux garderies». « Ces incidents arrivent dans les maisons et les hôpitaux. En tant que syndicat, nous avons pour rôle de protéger la profession et d’élever le niveau de la direction, des employés et des éducatrices, en organisant régulièrement des ateliers de travail pour améliorer le travail dans les garderies et pour protéger l'enfance, physiquement et mentalement".»
Un bilan alarmant des abus sur mineurs
Pour finir et de manière plus générale, la directrice du programme de résilience au sein de l’ONG Himaya, Rose Habchi a dressé pour Ici Beyoruth un bilan alarmant des cas d'abus sur mineurs signalés par l’ONG au cours des dernières années, et qui se présente comme suit :
– 2021: 2.335 cas de maltraitance dont 23% de maltraitance physique.
– 2022: 2.412 cas de maltraitance dont 29% de maltraitance physique.
– 2023 jusqu'en juin: 1.415 cas de maltraitance dont 29% de maltraitance physique.
Une augmentation qui s’explique notamment et avant tout par un manque de sensibilisation contre toutes les formes de maltraitances dont celles contre les enfants.
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