Restauration: le meilleur est encore à venir
«Malgré les crises successives qui secouent le Liban depuis fin 2019, par miracle, aucune n'a abouti à une situation complètement débilitante pour le secteur de la restauration dans la capitale» libanaise. C’est ce qui ressort d’un rapport intitulé «Beyrouth se reconstruit sur un terrain instable» publié par Hodema, cabinet de conseil en restauration et hospitalité.
Hodema, cabinet de conseil en hospitalité, a effectué une étude intitulée «Beyrouth se reconstruit sur un terrain instable» qui couvre l’état de la restauration dans la capitale libanaise, divisée en onze zones, sélectionnées suivant la forte concentration ou la forte progression des points de vente de F&B (Food and beverages), mention qui englobe les restaurants, les cafés, les comptoirs, les nightclubs et les bars. La répartition des zones à Beyrouth exclut Tabaris, Raouché et Aïn el-Mreisseh.
L’étude sur l’état de la restauration dans les onze zones de Beyrouth, qui couvre la période s’étendant entre fin 2019 et avril 2023, ne comprend donc pas l’été 2023. Pour ce qui est des paramètres pris en compte pour évaluer les zones sélectionnées, ils sont au nombre de six: le nombre de points de vente de F&B nouvellement ouverts dans chaque rue, le nombre de places, le genre de nourriture, le positionnement, le ticket moyen de consommation et le concept.  
«Un exploit impressionnant»
Hodema a regardé la moitié pleine du verre, en espérant que la saison d’été 2023 apportera davantage de développements positifs pour le secteur. Le cabinet de conseil en hospitalité a considéré comme «un exploit impressionnant» ce qui s’est passé dans le secteur au cours des trois dernières années, malgré l’enregistrement d’une baisse moyenne globale de 25% du nombre total de points de vente et de 23,5% du nombre de places. Ces baisses étant apparentes dans les 11 zones sélectionnées de Beyrouth – entre fin 2019 et avril 2023 – et compte tenu d’un environnement de travail macro et microéconomique particulièrement difficile.
«Cet exploit est dû aux investisseurs, aux groupes de F&B, aux opérateurs indépendants, ainsi qu'aux clients et à l'amour des Libanais pour la nourriture et la vie qui a permis à celle-ci de continuer après qu'elle a eu de nombreuses raisons de ne pas le faire», relève l’étude.
Badaro et Zaitouna Bay
Les zones avec les baisses les plus faibles à Beyrouth (sur les onze sélectionnées dans la capitale) sont Badaro et Zaitouna Bay. Elles ont connu respectivement une baisse de 5,5% et 10,5% du nombre de points de vente entre fin 2019 et avril 2023.
Badaro est vraiment «la star de Beyrouth» car elle abrite aujourd’hui 86 établissements de restauration –dont 32% nouvellement établis contre 91 avant 2019. Si Badaro a vu disparaître New Yok, Olio & Soto (le hub du Sushi) et le bistro de Villa Badaro, elle continue d'héberger Lina’s, Onno (cuisine arménienne), The Smallville hotel et le café-bar Kissproof.
Zaytouna Bay demeure une zone touristique. Elle n’a pas été grandement affectée par la situation dans le pays en termes d’offres. Depuis 2019, elle a connu 35,3% de taux de croissance en termes de nouveaux concepts ouverts et seulement 10,5% de recul en nombre de points de vente.
Bliss
Bliss, la zone bourdonnante d’étudiants de Beyrouth où se trouve le campus de l’American University of Beirut(AUB), a «changé de visage», selon les termes de l’étude. Cette zone a connu une baisse de 30,8% de points de vente depuis 2019, ce qui est supérieur à la baisse moyenne de la ville de 25% et qui s’explique par une baisse du pouvoir d’achat des étudiants due à l’inflation, au coût de la crise économique sur les revenus des parents et à la hausse des scolarités. La fermeture des points de vente de F&B a surtout porté sur les snack-food. Des enseignes de référence (landmarks) telles que Hardees, Subway et Café Younès ont mis la clé sous la porte.
À titre d’exemple, l’AUB accueillait avant la crise de 2019 près de 9.000 étudiants et 3.000 professeurs. En 2023, ces chiffres sont tombés respectivement à 6.500 et 2.200, soit un recul de 22% de prospects.
Gemmayzé et Mar Mikhaël
De manière impressionnante, Gemmayzé et Mar Mikhael, les deux zones les plus proches de l’explosion du port, figurent dans les quatre premières zones, accusant les baisses les plus faibles.
Gemmayzé n’a connu qu’une baisse de 12,6% des points de vente depuis 2019, et Mar Mikaël de 16,8%, ce qui en dit long sur le fait que les quartiers abritent un secteur F&B fort et résilient. Bien que la majorité de ces établissements aient été détruits dans l’explosion au port de Beyrouth, la plupart sont de nouveau opérationnels avec, en plus, de nouveaux concepts attirants pour la clientèle.
Gemmayzé a connu un taux de croissance de 57,5% de concepts nouvellement ouverts depuis 2019 et Mar Mikhaël a enregistré un taux de croissance de 44,2%, ce qui représente plus que le double du taux de croissance du nombre de nouveaux points de vente enregistré en 2019.

La foule de Gemmayzé reste différente de celle de Mar Mikhael. La clientèle à pouvoir d’achat plus élevé, est plus attirée par Gemmayzé en raison de points de vente de restauration de moyenne à haut de gamme tels que Ditto, Terre, le Petit Gris, alors que Mar Mikhaël a des concepts plus conviviaux, des points de restauration rapide et des bars.
Park Avenue
La zone arrivant en cinquième position à Beyrouth avec la moindre baisse de points de vente est Park Avenue, au centre-ville. Celle-ci s’étend entre le secteur du Four Seasons Hotel et la rue Kantari incluse. Elle connaît un succès stable et durable. Ce qui peut s’expliquer par le fait qu’il s’agit d’une destination plus haut de gamme, abritant des établissements à positionnement moyen-haut et haut de gamme, attirant une clientèle plus aisée et des personnes qui aiment se faire plaisir.
La zone abrite 32 établissements au total, dont 40,6% ont été établis après 2019, portant le taux de croissance des nouveaux concepts à 17,5%. Par ailleurs, Park Avenue a enregistré un recul du nombre de points de vente de B&F de 17,9% en raison notamment de la fermeture du Four Seasons Hotel qui abritait cinq enseignes et du Monroe Hotel. La zone a connu la fermeture de l’enseigne emblématique Balthus en mai 2020.
Il faut signaler aussi que la cuisine libanaise est particulièrement florissante dans cette zone du centre-ville qui accueille de nouveaux arrivants tels que Kun, Kalila et Al Beiruti.
La place Sassine  
La zone Sassine reste «une zone sans âge», bien qu’elle ait perdu des points de repère tels que La Cigale. Elle a enregistré une baisse des établissements de restauration de 23,9% depuis 2019, un pourcentage proche de la moyenne de recul global de 25% de la capitale.
Elle abrite 88 points de vente de F&B dont 24% ont été fondés durant la période fin 2019-avril 2023. La zone a connu un recul de 23,9% du nombre d’établissements de restauration, marqué par la disparition d’une enseigne emblématique, The Chase, et d’autres non moins célèbres, tels Le Bergerac et L’escroc.
Parallèlement, elle a connu «une croissance séduisante», selon le rapport de Hodema, en référence aux nouveaux concepts, en particulier des confiseries, pâtisseries et artisans chocolatiers, qui y ont pullulé, tels Des choux et des idées, Flocon, Chatime, Hoda et Chocolat.
Monnot-Sodeco  
Alors que Sodeco, qui comprend le quartier de Monnot, a connu une baisse de -28,9 en termes de points de vente de F&B au total – soit juste au-dessus de la baisse moyenne de 25% à Beyrouth – cette zone a su préserver ses enseignes bien connues telles que l’hôtel Albergo, Em Sherif, Abdel Wahab, Al Falamanki et Bread Republic. Ces enseignes huppées continuent d’être appréciées par la clientèle.
Le centre-ville et Saïfi
La zone de Beyrouth qui a connu la plus grande baisse en points de vente F&B est le centre-ville. Cette baisse est significative puisqu’elle se chiffre à -65,5%. Elle a été attribuée principalement aux mouvements de contestation qui ont lieu par intermittence depuis le 17 octobre 2019, puis à la fermeture des routes par les FSI autour du Parlement pour des raisons d’ordre sécuritaire. Cependant, il y a un coin au centre-ville qui est en plein essor. C’est Saïfi Village. Contrairement à la rue Uruguay, complètement morte, Saïfi Village a connu une augmentation de 13,8% de nouveaux concepts de restauration.
Hamra et Verdun
Il est clair que les Beyrouthins ont délaissé des quartiers comme Verdun et Hamra au profit de zones plus dynamiques comme Mar Mikhaël et Gemmayzé. Au cours des quatre dernières années, Hamra et Verdun ont perdu leur attrait et ont été abandonnés. La diminution du nombre de points de vente à Verdun a atteint -33,7% – ce qui en fait la deuxième plus grande baisse à Beyrouth – principalement associée à la diminution du nombre de points de vente dans l'ABC Mall en raison des restrictions dues à la pandémie du Covid-19.
Hamra, qui avait été un jour le hub de la vie de nuit, a connu une baisse sensible de 29,4% en points de vente de F&B depuis 2019, due à un changement démographique et à une itinérance plus visible.
Commentaires
  • Aucun commentaire