L’austérité n’est pas fatalement un remède amer

 
L’austérité, comme politique économique, revient régulièrement sur le tapis partout dans le monde. Dans les pays développés comme dans les autres à la traîne, pour des raisons différentes. Mais le point de départ est souvent lié à une dette intenable, un déficit public qu’il faut résorber, ou alors juste pour montrer qu’on est des gens sérieux en haut lieu. Le Liban n’échappe pas à cette vague, du moins verbalement, alors que pratiquement il est l'un des champions mondiaux de la mal gérance et de la dilapidation.  
Un mot déroutant
L’austérité désigne des politiques de réduction du déficit budgétaire. Elle consiste à équilibrer le budget de l’État ou, en termes plus simples, de «vivre selon nos moyens». Les responsables alignent alors les proverbes de circonstance, comme pour prouver le sérieux de leur démarche.
L’austérité peut prendre la forme d’une hausse des impôts, d’une baisse des dépenses publiques, ou d’une combinaison des deux. L’objectif est de réduire ou d’arrêter la progression de la dette, de sorte qu’elle soit au moins compensée par la croissance économique.
Une dette publique encombrante est souvent un obstacle à la croissance, car il faut augmenter toujours plus les impôts pour payer des intérêts toujours plus importants. Au Liban, avant la crise, on est arrivé à un point où la totalité des recettes fiscales était parfois dédiée juste au service de la dette.
Des conséquences différentes
Il faut juger les politiques selon les conséquences qu’elles créent et non pas leurs intentions. Entre augmenter les impôts et réduire les dépenses, quoi choisir? Le fait que ces deux types de politiques d’austérité aient pour but d’équilibrer le budget de l’État ne veut pas dire qu’elles sont aussi efficaces l’une que l’autre.
En effet, la hausse des impôts contribue à la réduction du déficit, mais a des effets secondaires néfastes: au-delà d’un certain seuil, les recettes fiscales vont diminuer, et elle va finir par dissuader le travail, la production, et par suite la croissance.
En revanche, la réduction des dépenses publiques donne des résultats positifs, sans effets secondaires. Mais ce côté positif varie selon quelles dépenses on choisit de réduire. Réduire la masse salariale, les subventions, les repêchages des établissements publics qui dépérissent… est totalement justifié. Réduire les dépenses d’investissement est plus problématique, car investir dans l’infrastructure produit de la croissance. C’est exactement le contraire que les autorités libanaises font depuis des années.
Les anticipations, une variable cruciale
Ces deux types de politiques ont également des effets différents sur les anticipations. Une baisse des dépenses publiques peut signaler que la pression fiscale sera moins lourde, de sorte que les consommateurs auront davantage d’argent pour consommer et les entrepreneurs seront encouragés à investir. Et vice versa.

Dans ce cadre, la privatisation pourrait être en harmonie avec une politique de baisse des dépenses publiques. L’exemple classique est l’Angleterre sous Margaret Thatcher, qui a su réduire le déficit budgétaire colossal en menant de telles politiques.
La Belgique et l’austérité réussie
Le cas de la Belgique, entre autres, est intéressant à voir. En 1981, la Belgique avait un déficit budgétaire représentant 16% de son PIB. Les autorités ont alors annoncé un plan qui consistait à réduire les dépenses de 6,5% du PIB tout en augmentant les impôts de 1,8%. L’économie s’est d’abord contractée, mais elle a rebondi. Le taux de croissance fut de -0,28% en 1981, 2,44% en 1984, puis 4,3% en 1988.
L’échec irlandais
Contrastant avec la Belgique, l’Irlande a mené, entre 1982 et 1986, des politiques d’austérité basées principalement sur une hausse des impôts qui n’a épargné personne. Cela n’a pas dompté le déficit budgétaire. La croissance s’est étiolée et les taux d’intérêt sont montés en flèche.
Mais le gouvernement irlandais a rebroussé chemin en 1987 et a appliqué un plan basé entièrement sur une réduction des dépenses publiques. L’Irlande s’est redressée, jusqu’à obtenir le surnom de ‘tigre celte’.
Une opportunité pour le Liban
Le Liban, qui est la risée des agences de notation, a incontestablement besoin de politiques d’austérité, au moment où le budget de l’État est en train d’être étudié. Mais de quel genre, au juste? Selon l’économiste Patrick Mardini, la réponse est évidente: ‘’Une hausse des impôts ne fera qu’entrainer l’évasion fiscale et pousser les individus à fermer leurs entreprises, voire quitter le pays, ce qui réduirait les recettes fiscales et entraverait la croissance. Je suis pour la réforme fiscale; un impôt à taux unique serait opportun’’.
Il va falloir donc réduire les dépenses publiques, là où le gaspillage est la règle, dont ces fameuses subventions, source inestimable de trafic et de contrebande.  
Pour revenir à la privatisation, le Liban est le cas type où le fait de confier les actifs de l’État au secteur privé, selon les normes les plus strictes, n’amène que des avantages. Les contribuables n’auront plus à financer des services qui perdent de l’argent, et les nouveaux propriétaires ou gérants vont devoir utiliser leurs actifs à bon escient s’ils veulent en tirer profit.
Les exemples abondent dans le monde. Entre 1992 et 1994, le gouvernement estonien, tout juste sorti de l’URSS, a appliqué des mesures libérales pareilles: impôt unique, privatisations, réduction des subventions, tarifs équilibrés. Cela a permis à l’Estonie de devenir assez vite un des pays d’Europe les plus prospères.
Alors qu’on est confronté depuis des décennies au problème de la dette-déficit-austérité, les autorités libanaises ne veulent jamais s’inspirer des expériences d’autrui, et préfèrent à chaque fois tenter leur chance elles-mêmes, et échouer.
Commentaires
  • Aucun commentaire