Il est des êtres dont le talent est inscrit dans leur ADN, et le regretté Robert Frangieh était sans conteste de ceux-là. Grand intellectuel, mélomane averti et voyageur invétéré, il n’a eu de cesse de s’abreuver de connaissances et d’irriguer les autres de sa sagesse. En 2000, après une vie foisonnante, il s’est tourné vers la peinture, s’y consacrant avec passion pendant une décennie, avant que la maladie ne vienne freiner son élan créateur.
À l’occasion du cinquième anniversaire du départ de Robert Frangieh, le Palais Sleiman Frangieh à Ehden a accueilli une exposition en son honneur, permettant ainsi de redonner vie, l’espace d’un moment, à ce personnage hors du commun affectueusement surnommé «Robert Beik». Ce vibrant hommage trouve son origine dans une initiative de son amie et professeure de yoga, Julie Saadé, qui a partagé cette brillante idée avec la famille du défunt. Ainsi, le 1er septembre 2023, soit cinq ans après sa disparition jour pour jour, l’exposition a ouvert ses portes.
Pour matérialiser ce projet ambitieux, il a fallu réunir quelque 70 œuvres dispersées aux quatre vents, car «Robert Beik ne vendait aucune de ses créations; il préférait les offrir généreusement à ses proches, à l’exception d’une seule qui s’est vendue aux enchères aux États-Unis en faveur d’une ONG», souligne Samih Zaatar, photographe et ami proche du peintre. C’est Hend Yammine Zaatar, épouse de Samih et architecte, qui a su donner à cette exposition un caractère à la fois spirituel et symbolique, orchestrant, entre autres, une interprétation personnelle de «La Cène».
Passionné d’art et toujours en quête de découvertes, Robert Frangieh a navigué entre musique, explorations et voyages tout au long de sa vie. Même si des circonstances difficiles l’ont un temps éloigné de ses passions, il a su y revenir une fois ses obligations familiales remplies. Encouragé par son amie d’enfance et voisine, la peintre Mona Bassili Sehnaoui, il s’est pleinement investi dans la peinture à partir de l’an 2000. Avec quelques conseils pratiques de Mona, le talent inné de Robert s’est épanoui, se traduisant par des toiles vibrant d’émotions et de couleurs expressives.
Son style, bien que teinté d’abstraction, reste figuratif, mettant en scène des portraits de ses êtres chers, mais également un subtil autoportrait qui évoque, à première vue, l’image d’un fœtus dans le ventre maternel. On retrouve aussi dans ses œuvres des représentations de son chien adoré, Dalil, ainsi que des lieux emblématiques qui l’ont marqué, tels qu’Alep et Palmyre. Il signait ses toiles au dos avec uniquement son prénom et l'année qui a vu émerger l'œuvre.
Dans sa salle à manger privée, il avait réuni des portraits de «ses amis», faisant écho au nombre de disciples présents à «La Cène». Cette œuvre, empreinte de mystère, soulève des questions intrigantes: pourquoi Judas est-il représenté sous un trait masculin, certains «invités» sous des traits féminins, et pourquoi le visage de Jésus demeure-t-il invisible? Ces énigmes resteront à jamais non résolues, ajoutant à l’aura mystique qui entoure «les amis de Robert Beik».
Ce que l’on sait sans l’ombre d’un doute, c’est que la finesse et l’élégance qui émanaient de lui ont laissé une empreinte indélébile dans le cœur de tous ceux qui ont eu le privilège de le connaître et de l’aimer.
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