L’accord de Taëf: Il ne faut pas jouer avec le feu!

L'accord de Taëf est souvent la cible de critiques virulentes, suscitant un rejet unanime de la part de ses détracteurs, qui ne parviennent cependant pas à trouver une alternative viable.
Ce sont des batailles quelque peu fictives et absurdes, qui ont pris de l'ampleur ces derniers temps, atteignant des niveaux dangereux qui incluent des propositions incompatibles avec la nature de la réalité libanaise ou avec la «formule» basée sur la pluralité et la diversité.
Il est évident que la démocratie au Liban, qui repose en grande partie sur la liberté d'opinion et d'expression, favorise ce type de critiques ainsi que l'émergence de points de vue divergents. Il s’agit d’un droit protégé par la Constitution et il est inacceptable de le manipuler ou de le remettre en question, quoi qu’il en coûte. Cela a été le cas au cours des dernières décennies, lorsque de nombreuses personnes qui se sont exprimées librement ont été prises pour cible à travers des assassinats politiques et des liquidations physiques.
De plus, l'accord de Taëf n'est ni une révélation ni un texte sacré qu’on ne peut contester mais plutôt un document politique qui a établi un nouveau contrat social entre Libanais. Il est né dans un contexte de convergence internationale et régionale majeure mettant fin à la guerre civile dévastatrice après environ 15 ans de conflits. À l’époque, cet accord a été considéré comme une planche de salut pour le pays.

Même si les circonstances entourant cet accord ont connu des changements fondamentaux et que les convergences qui lui ont donné naissance ne sont plus les mêmes dans leur intégralité en raison de la nature changeante du jeu politique international, envisager sa substitution à l'heure actuelle, à l’ombre des profonds clivages sur la scène libanaise, constituerait un saut dans l'inconnu et une aventure aux conséquences imprévisibles à moyen et long termes.
Malgré les difficultés liées aux considérations et aux désaccords internationaux, même si un nouvel accord est conclu, et compte tenu du fait que le Liban ne figure pas actuellement en tête des priorités de la communauté internationale, cela pourrait se traduire par de nouveaux rapports de force qui ne garantiraient pas la préservation des fondements essentiels de l'Accord, notamment la finalité du Liban, son arabisme et la parité islamo-chrétienne.
Certaines réformes fondamentales stipulées dans le pacte national libanais (l'Accord de Taëf) n'ont pas encore été mises en œuvre, notamment la création de la commission nationale pour l'abolition du confessionnalisme politique, l'application d'une décentralisation administrative étendue, la création d’un Sénat, l'adoption d'une loi électorale non confessionnelle, un développement équilibré, entre autres questions cruciales qui, si elles étaient mises en œuvre, changeraient radicalement la situation politique locale.
Il est impensable de persister indéfiniment dans cet état d’enlisement. Il est inadmissible de porter davantage de coups à l'accord de Taëf avant l’émergence de conditions locales et internationales reflétant un nouvel équilibre, car une perturbation continue de ses fondements pourrait entraîner d'importants bouleversements politiques, sécuritaires et économiques. Il est primordial de ne pas jouer avec le feu!
Rami Rayess
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