À cheval entre l'Orient et l'Occident, le nouvel album du saxophoniste et compositeur libanais, Toufic Farroukh, intitulé Untamed Elegance, marie subtilement l'indomptable flamme de sa créativité à la riche diversité des langues musicales. Cet opus offre une expérience sonore riche en nuances et en contrastes, où les frontières musicales s'estompent pour créer un pot-pourri intéressant et audacieux.
Imprégné par le ferment riche et enrichissant de l’Orient, irrigué par les eaux fécondes de l’Occident et porté par une ardente flamme orientaliste, le saxophoniste et compositeur libanais, Toufic Farroukh, se révèle, par-dessus tout, être un bourlingueur musical. Au cœur même de son œuvre, se déploie un passionnant duel musical entre l’Orient et l’Occident, une joute opiniâtre dans laquelle aucun des deux camps ne saurait crier victoire. Alors que l’Orient dévoile ses mélodies levantines mélismatiques, avec une ferveur hallucinée frôlant à quelques moments l’extase, l’Occident riposte avec une érudition harmonique exquise, teintée d’exotisme orientaliste, insufflant ainsi à la musique tonale un souffle nouveau au cœur d’une scène rongée par un atonalisme déconcertant. Dans son plus récent opus, intitulé Untamed Elegance (2023), Toufic Farroukh explore les contrées sonores qui se situent à l’intersection de ces deux mondes et confronte une pléthore d’antonymes qui finissent par converger et s’entrelacer pour fusionner intimement in fine. Alors que dans son précédent opus, intitulé À la frontière de (2018), les mélodies se maintiennent en lisière de frontières invisibles, son nouvel album les franchit hardiment, se libérant de toute contrainte stylistique et esthétique.
Le nouvel album, Untamed Elegance (Élégance indomptée), de Toufic Farroukh ne saurait suivre une ligne de développement uniformément uniforme. En lieu et place, il expose avec éloquence des flux mélodiques d’une élégance manifestement indomptée, voire intrinsèquement indomptable. Toutefois, la préservation des particularités inhérentes à chaque genre et chaque langue, au sein de ce bouillonnement musical, confère à cette œuvre une certaine touche de pudeur, cette ultime feuille de vigne, face à une audace compositionnelle affirmée. La genèse des treize pièces de cet album se révèle être une émanation, une émanation évoquée par une mélodie, insufflée par un motif rythmique, suscitée par une couleur harmonique, ou encore engendrée par la mémoire d’un artiste. Tels de «longs échos qui de loin se confondent», selon la métaphore de Charles Baudelaire dans son illustre sonnet intitulé Correspondances, ces éléments épars deviennent le cœur vibrant de chaque pièce, guidant de manière tout à fait organique son fil conducteur. La musique prend ainsi naturellement forme, se déroulant comme une histoire de mille et une nuits dont les chapitres s’égrènent harmonieusement les uns après les autres.
Le titre de l’album, un clin d'œil subtilement dissimulé au trompettiste et compositeur américain, Wynton Marsalis, laisse entrevoir une promesse de révélation, particulièrement fervente. À travers ces treize compositions, le saxophoniste libanais navigue, tantôt avec une finesse soyeuse tantôt avec une passion sauvage dans les eaux tumultueuses de son œuvre, oscillant entre une opulence luxuriante (notamment dans Out of the blue, Silene Dance et I have been in Berlin) et une introspection intime (Caer et Sometimes I’m happy), parfois même teintée d'une émotion poignante voire déchirante (surtout dans Nahawand). L’architecture de la première pièce, Out of the blue, une œuvre dédiée à la mémoire du regretté Bassam Saba (1958-2020), est caractérisée par l’imprévisibilité perpétuelle du discours musical. Cette imprédictibilité, conjuguée à une fluidité naturelle et une élocution bien dosée, marqueront également les douze autres morceaux du disque. À cet égard, les notes veloutées du saxophone de Toufic Farroukh, dans Out of the blue, effleurent sensuellement l’éloquence mélodique du piano de Leandro Aconcha, avant que les deux instrumentistes se lancent dans une série d’improvisations aussi intimes que vertigineuses.
Si dans la deuxième pièce, intitulée Silene Dance, le compositeur libanais parvient à instaurer un caractère fugitif en juxtaposant des motifs rythmiques flottants à des couleurs mélodiques diaprées, ni tout à fait mélancoliques ni tout à fait exubérantes, mais visiblement exaltantes (notamment dans le solo du saxophone), sur sa toile musicale, il démontre dans la troisième pièce, intitulée Caer (une adaptation de Ahwak de Zaki Nassif dans un style flamenco), qu’il est un maître des modulations suaves spleenétiques (notamment dans les réponses presqu’improvisatrices de la guitare). Ces couleurs sombres s’accentuent de plus en plus pour atteindre leur point culminant dans la cinquième pièce, intitulée Nahawand (une adaptation de Samaï Nahawand de Rouhi al-Kammash), où la note bleue finit par résonner pleinement, plongeant l’auditeur dans l’azur d’une nuit transparente. En outre, si certaines pièces manquent par moments de caractère (comme Where is Avo?, Janis Bond et La part des anges), d’autres en sont richement imbibées, particulièrement Sometimes I’m happy dont l’harmonie dissonante initiale rappelle quelque peu la musique de Gilbert Amy, et Fly Lucy dont les solos de guitare et de saxophone s’affranchissent des péripéties musicales monolithiques en s’abandonnant à des sensations fortes.
Oscillant entre le système monodique modal levantin et le système harmonique tonal occidental, et effleurant occasionnellement l’atonalisme, cette exploration audacieuse des frontières musicales crée une œuvre authentique dans laquelle Toufic Farroukh exhibe une maîtrise élogieuse de l’art de voguer aisément à travers une mosaïque de genres musicaux. De ce fait, la musique vacille entre le jazz et la musique levantine (notamment Out of the blue et Nahawand), entre les rythmes ensoleillés du Brésil (à travers le Bossa Nova caractéristique de l’avant-dernière pièce intitulée No more Bossa) aux influences des Balkans (à travers Silene Dance, une danse folklorique serbe), tout en passant par les harmonies imprégnées des couleurs du pays des tsars (à travers Sometimes I’m happy). Les frontières rigides séparant ces genres musicaux s’estompent, tout comme les contours flous d’une toile impressionniste où les couleurs se mélangent en douceur mais d’une manière évidente et explicite. Dans cette nouvelle harmonie, cet album devient une œuvre d’art à part entière, une toile sonore où les antonymes se complètent comme les ombres et les lumières d’un Caravage, créant une symphonie riche en nuances et en contrastes.
Imprégné par le ferment riche et enrichissant de l’Orient, irrigué par les eaux fécondes de l’Occident et porté par une ardente flamme orientaliste, le saxophoniste et compositeur libanais, Toufic Farroukh, se révèle, par-dessus tout, être un bourlingueur musical. Au cœur même de son œuvre, se déploie un passionnant duel musical entre l’Orient et l’Occident, une joute opiniâtre dans laquelle aucun des deux camps ne saurait crier victoire. Alors que l’Orient dévoile ses mélodies levantines mélismatiques, avec une ferveur hallucinée frôlant à quelques moments l’extase, l’Occident riposte avec une érudition harmonique exquise, teintée d’exotisme orientaliste, insufflant ainsi à la musique tonale un souffle nouveau au cœur d’une scène rongée par un atonalisme déconcertant. Dans son plus récent opus, intitulé Untamed Elegance (2023), Toufic Farroukh explore les contrées sonores qui se situent à l’intersection de ces deux mondes et confronte une pléthore d’antonymes qui finissent par converger et s’entrelacer pour fusionner intimement in fine. Alors que dans son précédent opus, intitulé À la frontière de (2018), les mélodies se maintiennent en lisière de frontières invisibles, son nouvel album les franchit hardiment, se libérant de toute contrainte stylistique et esthétique.
Ultime feuille de vigne
Le nouvel album, Untamed Elegance (Élégance indomptée), de Toufic Farroukh ne saurait suivre une ligne de développement uniformément uniforme. En lieu et place, il expose avec éloquence des flux mélodiques d’une élégance manifestement indomptée, voire intrinsèquement indomptable. Toutefois, la préservation des particularités inhérentes à chaque genre et chaque langue, au sein de ce bouillonnement musical, confère à cette œuvre une certaine touche de pudeur, cette ultime feuille de vigne, face à une audace compositionnelle affirmée. La genèse des treize pièces de cet album se révèle être une émanation, une émanation évoquée par une mélodie, insufflée par un motif rythmique, suscitée par une couleur harmonique, ou encore engendrée par la mémoire d’un artiste. Tels de «longs échos qui de loin se confondent», selon la métaphore de Charles Baudelaire dans son illustre sonnet intitulé Correspondances, ces éléments épars deviennent le cœur vibrant de chaque pièce, guidant de manière tout à fait organique son fil conducteur. La musique prend ainsi naturellement forme, se déroulant comme une histoire de mille et une nuits dont les chapitres s’égrènent harmonieusement les uns après les autres.
Passion sauvage
Le titre de l’album, un clin d'œil subtilement dissimulé au trompettiste et compositeur américain, Wynton Marsalis, laisse entrevoir une promesse de révélation, particulièrement fervente. À travers ces treize compositions, le saxophoniste libanais navigue, tantôt avec une finesse soyeuse tantôt avec une passion sauvage dans les eaux tumultueuses de son œuvre, oscillant entre une opulence luxuriante (notamment dans Out of the blue, Silene Dance et I have been in Berlin) et une introspection intime (Caer et Sometimes I’m happy), parfois même teintée d'une émotion poignante voire déchirante (surtout dans Nahawand). L’architecture de la première pièce, Out of the blue, une œuvre dédiée à la mémoire du regretté Bassam Saba (1958-2020), est caractérisée par l’imprévisibilité perpétuelle du discours musical. Cette imprédictibilité, conjuguée à une fluidité naturelle et une élocution bien dosée, marqueront également les douze autres morceaux du disque. À cet égard, les notes veloutées du saxophone de Toufic Farroukh, dans Out of the blue, effleurent sensuellement l’éloquence mélodique du piano de Leandro Aconcha, avant que les deux instrumentistes se lancent dans une série d’improvisations aussi intimes que vertigineuses.
Note bleue
Si dans la deuxième pièce, intitulée Silene Dance, le compositeur libanais parvient à instaurer un caractère fugitif en juxtaposant des motifs rythmiques flottants à des couleurs mélodiques diaprées, ni tout à fait mélancoliques ni tout à fait exubérantes, mais visiblement exaltantes (notamment dans le solo du saxophone), sur sa toile musicale, il démontre dans la troisième pièce, intitulée Caer (une adaptation de Ahwak de Zaki Nassif dans un style flamenco), qu’il est un maître des modulations suaves spleenétiques (notamment dans les réponses presqu’improvisatrices de la guitare). Ces couleurs sombres s’accentuent de plus en plus pour atteindre leur point culminant dans la cinquième pièce, intitulée Nahawand (une adaptation de Samaï Nahawand de Rouhi al-Kammash), où la note bleue finit par résonner pleinement, plongeant l’auditeur dans l’azur d’une nuit transparente. En outre, si certaines pièces manquent par moments de caractère (comme Where is Avo?, Janis Bond et La part des anges), d’autres en sont richement imbibées, particulièrement Sometimes I’m happy dont l’harmonie dissonante initiale rappelle quelque peu la musique de Gilbert Amy, et Fly Lucy dont les solos de guitare et de saxophone s’affranchissent des péripéties musicales monolithiques en s’abandonnant à des sensations fortes.
Métissage subtil
Oscillant entre le système monodique modal levantin et le système harmonique tonal occidental, et effleurant occasionnellement l’atonalisme, cette exploration audacieuse des frontières musicales crée une œuvre authentique dans laquelle Toufic Farroukh exhibe une maîtrise élogieuse de l’art de voguer aisément à travers une mosaïque de genres musicaux. De ce fait, la musique vacille entre le jazz et la musique levantine (notamment Out of the blue et Nahawand), entre les rythmes ensoleillés du Brésil (à travers le Bossa Nova caractéristique de l’avant-dernière pièce intitulée No more Bossa) aux influences des Balkans (à travers Silene Dance, une danse folklorique serbe), tout en passant par les harmonies imprégnées des couleurs du pays des tsars (à travers Sometimes I’m happy). Les frontières rigides séparant ces genres musicaux s’estompent, tout comme les contours flous d’une toile impressionniste où les couleurs se mélangent en douceur mais d’une manière évidente et explicite. Dans cette nouvelle harmonie, cet album devient une œuvre d’art à part entière, une toile sonore où les antonymes se complètent comme les ombres et les lumières d’un Caravage, créant une symphonie riche en nuances et en contrastes.
Lire aussi
Commentaires