Dans l’article du 10 Janvier courant intitulé « 2022: les prévisions stratégiques pour le monde et le Liban »,il était mentionné qu’en 2022 « le Hezbollah, allié de l’Iran, restera la puissance dominante, fort de ses armes, de son idéologie, de ses institutions et de son sponsor. Il a son agenda local qui se résume par l’affirmation de ses acquis par les armes dans les textes constitutionnels, chose qui n’aura pas lieu de gré, face à la résistance de la majorité des Libanais ».
Les journalistes sympathisants du “parti de Dieu” ne manquent pas une occasion d’insinuer, sur les écrans et dans la presse écrite, que ce dernier est désormais pleinement capable d’imposer une nouvelle formule légalisant ses armes, en soulignant que les équilibres de 2022 sont différents de ceux de 1920. Or les textes de la Constitution ne pourraient être changés en faveur du Hezbollah que de gré, ce qui nécessiterait que les deux tiers des députés au sein du futur Parlement soient favorables à ses ambitions. Si les prochaines élections législatives ont lieu, elles engendreront, dans la meilleure des hypothèses pour le Hezbollah, un Parlement identique à l’actuel. Un autre cas de figure voudrait qu’il perde la majorité dont il dispose actuellement. Dans tous les cas, il n’aura pas gain de cause, mais l’équilibre des forces sur le terrain ne changera pas et restera en sa faveur. Par conséquent, il ne pourrait qu’espérer un effondrement des institutions, une remise en question du Liban de 1920 et de la Constitution de 1926, pour réaliser ses objectifs stratégiques. Si tout s’effondre, il sera en effet le plus fort au sein d’une assemblée constituante, non par le nombre de ses représentants à l’assemblée, mais par ses armes, et réussira partant à arracher des concessions aux dépens de ceux qui lui font face, divisés, inconciliables et dépourvus de toute stratégie. Le Hezbollah n’est pas le seul à souhaiter l’effondrement des institutions. C’est aussi le cas d’autres joueurs, même si ce n’est pas pour les mêmes buts. Si elle aboutit, cette convergence de points de vue sur la remise en question de notre Constitution et de son esprit, sera une aventure suicidaire dans les conditions actuelles.
Scénario possible
L’effondrement des institutions deviendra une réalité si les élections législatives prévues en mai 2022 n’ont pas lieu. Une rumeur médiatique circule déjà en ce sens. Malgré leur décrépitude, ces institutions restent la planche de salut pour le Liban, or leur érosion se poursuit - et nous n’en sommes encore qu’à la première étape du processus. Longtemps paralysé par le Hezbollah et son corollaire, le mouvement Amal, le gouvernement Mikati est à la merci du tandem chiite, et c’est à peine s’ils ont consenti à participer de nouveau aux séances du Conseil des ministres. Incapable d’agir, le président de la République s’est lui-même fourvoyé dans l’impasse, étouffé par le poids des alliances contractées depuis 2006.
La deuxième étape consisterait maintenant à ajourner les élections législatives. Celles-ci ont besoin de financement, de sécurité et de stabilité, or le collapsus financier et économique actuel augmente très sérieusement les risques d’absence de financement et d’insécurité sociale et politique. L’effondrement de la livre pourrait totalement paralyser l’administration étatique par manque de matériel de bureautique et de papeteries. La diminution drastique du pouvoir d’achat a des conséquences sur la productivité, l’absentéisme et le moral des fonctionnaires, et surtout des hommes de l’armée et des FSI. Ces deux institutions verraient ainsi leur capacité de maintien de l’ordre durant les élections sérieusement compromise, de même que leur pouvoir dissuasif à l’encontre les activités subversives et leur capacité opérationnelle. Tout ceci est en défaveur de la tenue des élections.
La troisième étape serait la convocation du Parlement pour renouveler son propre mandat en l’absence d’élections, ce qui ouvrirait la boîte de Pandore avec plusieurs scénarios possibles, le meilleur étant une reconduction de l’actuel Parlement pour quelques mois, et le pire une démission en masse des parlementaires, faisant ainsi perdre sa légitimité à la Chambre. Sans Parlement, sans gouvernement, et avec un président sortant dans quelques mois, l’État libanais se retrouverait inexistant.
Le Hezbollah, et avec lui tous ceux qui prônent un changement du système, remettraient alors en question le Liban de 1920. Étant le plus fort du fait de ses armes, le parti chiite serait largement avantagé face au camp adverse, mélange hétérogène de partis et de personnalités divisés, occupés par leurs querelles et ne coopérant pas entre eux. En l’absence d’engagement sérieux arabe et international, le “parti de Dieu” tentera tout pour imposer sa vision.
Au-delà du scénario de l’effondrement
Dans un tel cas de figure, les puissances internationales et arabes miseraient sur l’armée libanaise, qu’ils soutiennent à coups d’équipements et de fournitures, pour préserver la stabilité. Si le monde libre et le monde arabe continuent de flirter avec l’Iran et de garder des distances prudentes vis-à-vis des affaires libanaises, ils se verront acculés à traiter directement ou indirectement avec le Hezbollah, même en comptant sur l’armée.
Certains sur la scène internationale évoquent ainsi le modèle soudanais pour le Liban, qui consisterait à former, comme au Soudan, un conseil supérieur intérimaire composé de militaires d’active et d’élites civiles. Ce conseil suspendrait la Constitution et tiendrait les rênes du pouvoir durant une période donnée afin d’organiser des élections législatives et de réactiver la Constitution. Or un tel conseil ne pourrait pas réussir au Liban dans les circonstances présentes, surtout compte tenu du déséquilibre des forces en faveur du Hezbollah. Même au Soudan, ce modèle est paralysé suite au conflit qui oppose les militaires aux libéraux. Pour qu’une telle formule réussisse à Beyrouth, deux conditions sont requises au préalable: la première serait de mettre en application les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l’ONU notamment, la 1559, la 1680 et la 1701, et la deuxième de mettre en place un haut patronage provisoire onusien à ce conseil. Le Hezbollah pourrait feindre d’être favorable à ce modèle - mais sans l’ONU -, à travers lequel il pourra pousser vers une assemblée constituante. Une constituante à laquelle seraient également favorables la mosaïque fragmentée des ténors qui s’opposent au parti chiite, de même que les théoriciens de gauche, de droite et du fédéralisme… De plus, les militaires et les civils éventuels du conseil intérimaire envisagé auraient chacun des ambitions personnelles qui les conduiraient à faire des concessions, en échange de faveurs que leur ferait miroiter le Hezbollah, comme cela est déjà le cas depuis 15 ans.
Scénario évitable
Bien entendu, ceci est un scénario possible. Mais sa probabilité sera réduite si les résistants à l’hégémonie iranienne y font face sérieusement, et si les instances internationales et arabes s’engagent plus au Liban, ce qui arrivera tôt ou tard, non à des fins au Liban, mais pour la stabilité régionale. Le fait d’exposer ce scénario a pour but de l’éviter, et la responsabilité majeure dans ce sens incombe au patriarcat maronite, principal gardien du Liban de 1920, dont il fut le principal artisan. Quant au commandement de l’armée, sa responsabilité cruciale découle du serment prêté par tout militaire pour défendre le Liban sans plonger dans les marécages de la politique et des ambitions personnelles. Et, last but not least, les souverainistes attachés fermement à la Constitution doivent continuer à affirmer haut et fort leur résistance à l’hégémonie du “parti de Dieu” et à toute initiative anticonstitutionnelle de sa part.
En aucun cas des amendements à la Constitution, son gel ou la formation d’un organisme non-constitutionnel sont envisageables en présence de partis armés illégaux et en dehors de la légalité onusienne. Si le Liban de 1920 tombe, le déséquilibre actuel des forces sur le terrain ne sera nullement en faveur d’un Liban meilleur. Ce dernier ne pourra voir le jour qu’en recouvrant d’abord sa souveraineté, ce qui adviendra certainement un jour, comme en 1920, au lendemain d’une famine dévastatrice, de deux ans de vide étatique et d’une tempête de théories et de visions contradictoires… Cela s’est produit il y a un siècle et aura lieu de nouveau, parce que l’Histoire se répète et que les hommes n’ont pas changé de mentalité.
Les journalistes sympathisants du “parti de Dieu” ne manquent pas une occasion d’insinuer, sur les écrans et dans la presse écrite, que ce dernier est désormais pleinement capable d’imposer une nouvelle formule légalisant ses armes, en soulignant que les équilibres de 2022 sont différents de ceux de 1920. Or les textes de la Constitution ne pourraient être changés en faveur du Hezbollah que de gré, ce qui nécessiterait que les deux tiers des députés au sein du futur Parlement soient favorables à ses ambitions. Si les prochaines élections législatives ont lieu, elles engendreront, dans la meilleure des hypothèses pour le Hezbollah, un Parlement identique à l’actuel. Un autre cas de figure voudrait qu’il perde la majorité dont il dispose actuellement. Dans tous les cas, il n’aura pas gain de cause, mais l’équilibre des forces sur le terrain ne changera pas et restera en sa faveur. Par conséquent, il ne pourrait qu’espérer un effondrement des institutions, une remise en question du Liban de 1920 et de la Constitution de 1926, pour réaliser ses objectifs stratégiques. Si tout s’effondre, il sera en effet le plus fort au sein d’une assemblée constituante, non par le nombre de ses représentants à l’assemblée, mais par ses armes, et réussira partant à arracher des concessions aux dépens de ceux qui lui font face, divisés, inconciliables et dépourvus de toute stratégie. Le Hezbollah n’est pas le seul à souhaiter l’effondrement des institutions. C’est aussi le cas d’autres joueurs, même si ce n’est pas pour les mêmes buts. Si elle aboutit, cette convergence de points de vue sur la remise en question de notre Constitution et de son esprit, sera une aventure suicidaire dans les conditions actuelles.
Scénario possible
L’effondrement des institutions deviendra une réalité si les élections législatives prévues en mai 2022 n’ont pas lieu. Une rumeur médiatique circule déjà en ce sens. Malgré leur décrépitude, ces institutions restent la planche de salut pour le Liban, or leur érosion se poursuit - et nous n’en sommes encore qu’à la première étape du processus. Longtemps paralysé par le Hezbollah et son corollaire, le mouvement Amal, le gouvernement Mikati est à la merci du tandem chiite, et c’est à peine s’ils ont consenti à participer de nouveau aux séances du Conseil des ministres. Incapable d’agir, le président de la République s’est lui-même fourvoyé dans l’impasse, étouffé par le poids des alliances contractées depuis 2006.
La deuxième étape consisterait maintenant à ajourner les élections législatives. Celles-ci ont besoin de financement, de sécurité et de stabilité, or le collapsus financier et économique actuel augmente très sérieusement les risques d’absence de financement et d’insécurité sociale et politique. L’effondrement de la livre pourrait totalement paralyser l’administration étatique par manque de matériel de bureautique et de papeteries. La diminution drastique du pouvoir d’achat a des conséquences sur la productivité, l’absentéisme et le moral des fonctionnaires, et surtout des hommes de l’armée et des FSI. Ces deux institutions verraient ainsi leur capacité de maintien de l’ordre durant les élections sérieusement compromise, de même que leur pouvoir dissuasif à l’encontre les activités subversives et leur capacité opérationnelle. Tout ceci est en défaveur de la tenue des élections.
La troisième étape serait la convocation du Parlement pour renouveler son propre mandat en l’absence d’élections, ce qui ouvrirait la boîte de Pandore avec plusieurs scénarios possibles, le meilleur étant une reconduction de l’actuel Parlement pour quelques mois, et le pire une démission en masse des parlementaires, faisant ainsi perdre sa légitimité à la Chambre. Sans Parlement, sans gouvernement, et avec un président sortant dans quelques mois, l’État libanais se retrouverait inexistant.
Le Hezbollah, et avec lui tous ceux qui prônent un changement du système, remettraient alors en question le Liban de 1920. Étant le plus fort du fait de ses armes, le parti chiite serait largement avantagé face au camp adverse, mélange hétérogène de partis et de personnalités divisés, occupés par leurs querelles et ne coopérant pas entre eux. En l’absence d’engagement sérieux arabe et international, le “parti de Dieu” tentera tout pour imposer sa vision.
Au-delà du scénario de l’effondrement
Dans un tel cas de figure, les puissances internationales et arabes miseraient sur l’armée libanaise, qu’ils soutiennent à coups d’équipements et de fournitures, pour préserver la stabilité. Si le monde libre et le monde arabe continuent de flirter avec l’Iran et de garder des distances prudentes vis-à-vis des affaires libanaises, ils se verront acculés à traiter directement ou indirectement avec le Hezbollah, même en comptant sur l’armée.
Certains sur la scène internationale évoquent ainsi le modèle soudanais pour le Liban, qui consisterait à former, comme au Soudan, un conseil supérieur intérimaire composé de militaires d’active et d’élites civiles. Ce conseil suspendrait la Constitution et tiendrait les rênes du pouvoir durant une période donnée afin d’organiser des élections législatives et de réactiver la Constitution. Or un tel conseil ne pourrait pas réussir au Liban dans les circonstances présentes, surtout compte tenu du déséquilibre des forces en faveur du Hezbollah. Même au Soudan, ce modèle est paralysé suite au conflit qui oppose les militaires aux libéraux. Pour qu’une telle formule réussisse à Beyrouth, deux conditions sont requises au préalable: la première serait de mettre en application les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité de l’ONU notamment, la 1559, la 1680 et la 1701, et la deuxième de mettre en place un haut patronage provisoire onusien à ce conseil. Le Hezbollah pourrait feindre d’être favorable à ce modèle - mais sans l’ONU -, à travers lequel il pourra pousser vers une assemblée constituante. Une constituante à laquelle seraient également favorables la mosaïque fragmentée des ténors qui s’opposent au parti chiite, de même que les théoriciens de gauche, de droite et du fédéralisme… De plus, les militaires et les civils éventuels du conseil intérimaire envisagé auraient chacun des ambitions personnelles qui les conduiraient à faire des concessions, en échange de faveurs que leur ferait miroiter le Hezbollah, comme cela est déjà le cas depuis 15 ans.
Scénario évitable
Bien entendu, ceci est un scénario possible. Mais sa probabilité sera réduite si les résistants à l’hégémonie iranienne y font face sérieusement, et si les instances internationales et arabes s’engagent plus au Liban, ce qui arrivera tôt ou tard, non à des fins au Liban, mais pour la stabilité régionale. Le fait d’exposer ce scénario a pour but de l’éviter, et la responsabilité majeure dans ce sens incombe au patriarcat maronite, principal gardien du Liban de 1920, dont il fut le principal artisan. Quant au commandement de l’armée, sa responsabilité cruciale découle du serment prêté par tout militaire pour défendre le Liban sans plonger dans les marécages de la politique et des ambitions personnelles. Et, last but not least, les souverainistes attachés fermement à la Constitution doivent continuer à affirmer haut et fort leur résistance à l’hégémonie du “parti de Dieu” et à toute initiative anticonstitutionnelle de sa part.
En aucun cas des amendements à la Constitution, son gel ou la formation d’un organisme non-constitutionnel sont envisageables en présence de partis armés illégaux et en dehors de la légalité onusienne. Si le Liban de 1920 tombe, le déséquilibre actuel des forces sur le terrain ne sera nullement en faveur d’un Liban meilleur. Ce dernier ne pourra voir le jour qu’en recouvrant d’abord sa souveraineté, ce qui adviendra certainement un jour, comme en 1920, au lendemain d’une famine dévastatrice, de deux ans de vide étatique et d’une tempête de théories et de visions contradictoires… Cela s’est produit il y a un siècle et aura lieu de nouveau, parce que l’Histoire se répète et que les hommes n’ont pas changé de mentalité.
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