Gaza: «Où sont les Arabes»?

 
Au 31e jour de la guerre sanglante entre le Hamas et Israël dans la bande de Gaza, certaines voix s’élèvent pour dénoncer l’horreur. En revanche, c’est le mutisme des États arabes qui interpelle le plus. «Weyn al Arab?» ou «Où sont les Arabes?» est le cri des Palestiniens, trahissant leur sentiment d’abandon par leurs voisins.
À l’exception du Qatar et de la Syrie, qui ont qualifié les événements de Gaza de «massacre», les réactions des gouvernements proche et moyen-orientaux se sont cantonnées au strict nécessaire. L’Arabie saoudite et l’Égypte, acteurs majeurs de la région, se sont limitées à des condamnations formelles, évitant toute critique appuyée.
La plupart des gouvernements arabes se tournent vers des préoccupations jugées plus pressantes, notamment la menace représentée par l’Iran, ce qui les a amenés à rechercher une forme d’alliance stratégique avec Israël. L’Égypte, soucieuse de ne pas froisser les États-Unis, poursuit sa lutte contre le Hamas et surveille jalousement la frontière de Rafah, unique porte de sortie pour les habitants de Gaza, l’ouvrant à la demande et sous conditions.
La Jordanie, quant à elle, gère un afflux considérable de réfugiés palestiniens, avec un équilibre précaire à maintenir avec Israël.
L’intérêt décroissant pour la cause palestinienne n’est pas un phénomène récent. Dans les années 50, sous Nasser, la Palestine était au cœur de la politique égyptienne et, dans les années 80, l’Arabie saoudite proposait un plan de paix. Mais au fil des décennies, cet intérêt s’est érodé, éclipsé par d’autres crises régionales comme le terrorisme islamiste, les conflits civils ou encore la menace perçue de l’Iran.
Le monde arabe, fragmenté et sans consensus clair sur la question palestinienne, s’est peu à peu orienté vers une politique de normalisation avec Israël, laissant de côté l’idéal d’une solidarité panarabe. Les dirigeants utilisent la cause palestinienne principalement à des fins de politique intérieure, sans véritable engagement pour une solution concrète.

L’Égypte: la sœur pointée du doigt…
Face à l’escalade du conflit entre Israël et le Hamas, débuté le 7 octobre 2023, le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, se trouve au cœur d’un dilemme complexe. Alors qu’Israël et les États-Unis font pression pour que l’Égypte accueille des réfugiés dans la région du Sinaï, Al-Sissi doit considérer la volonté de préserver l’intégrité territoriale de l’Égypte tout en tenant compte du fort soutien de la population égyptienne à la cause palestinienne. Cette situation tendue survient alors que l’Égypte se prépare pour les élections présidentielles dans deux mois, une période critique pour Al-Sissi qui pourrait utiliser la crise à son avantage politique.
Le nord du Sinaï, devenu une zone militaire fermée, est envisagé par Israël comme un lieu potentiel pour établir un camp de réfugiés pour les Palestiniens de Gaza, surtout à la lumière de l’assistance humanitaire affluant vers Al-Arish. Cette initiative s’inscrit dans un contexte où le Premier ministre israélien espère peut-être voir se produire une situation semblable à la Nakba, un déplacement massif de Palestiniens, ce que craignent les Palestiniens… et le régime égyptien qui a été jusqu’à pointer ses canons en direction de Gaza pour éviter d’être «envahi».
La colère populaire égyptienne: une pression sur Al-Sissi
En Égypte, la colère populaire contre l’inflation et une crise de la dette, en plus de la sympathie pour la cause palestinienne, menacent la stabilité du régime d’Al-Sissi avant les élections présidentielles de décembre. Les manifestations actuelles, malgré une répression sévère, montrent un mécontentement qui pourrait influencer la campagne électorale. Al-Sissi, conscient de cette dynamique, cherche à se positionner favorablement vis-à-vis de la cause palestinienne pour maintenir son pouvoir. En cas de déplacement forcé des Palestiniens, le président égyptien pourrait chercher à capitaliser sur la situation, y compris par des moyens financiers.
Dans ce contexte, c’est surtout le groupe État islamique, notamment présent dans le Sinaï, qui semble s’intéresser de plus en plus à la question palestinienne. Un changement notable pour l’organisation, qui pourrait avoir des implications dangereuses, notamment en raison du désespoir grandissant de la jeunesse de Gaza, la rendant susceptible aux influences extrémistes.
Ce détachement des États arabes réduit la pression internationale sur Israël pour trouver une solution au conflit. S'ils se sont enfin fendus d'une demande de cessez-le-feu via le ministre des Affaires étrangères US, Antony Blinken, il y a juste 48h, difficile de se dédouaner d'un silence plus qu'impardonnable.
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