«Napoléon» de Ridley Scott, une odyssée historique et cinématographique


Le très attendu Napoléon de Ridley Scott, un film ambitieux avec Joaquin Phoenix dans le rôle de l’empereur français, fait son entrée dans les cinémas. Après une première spectaculaire à Paris, le film arrive à Beyrouth aujourd’hui, jeudi. Cette sortie suscite un engouement particulier au Liban, un pays qui entretient des liens historiques peu connus avec la figure de Napoléon.

Ridley Scott, célèbre pour ses épopées cinématographiques comme Gladiator et Blade Runner nous offre, avec Napoléon, une fresque de 2 heures et 39 minutes qui traversent l’existence tumultueuse de l’un des personnages les plus emblématiques de l’histoire européenne. Avec un budget frôlant les 200 millions de dollars, le film promet des scènes de batailles spectaculaires. L’accent est mis sur la vie sentimentale de Napoléon, notamment sa relation avec Joséphine, jouée par Vanessa Kirby.
Napoléon et le Liban: quelle connexion historique?
L’intérêt marqué pour ce film au Liban s’explique, en partie, par un lien historique entre Napoléon et ce pays. En 1799, lors de la campagne d’Égypte, Napoléon avait adressé une lettre au gouverneur de Jaffa, exprimant son soutien aux chrétiens du Liban. Cet acte a marqué un moment significatif dans les relations franco-libanaises, témoignant de l’influence de Napoléon bien au-delà de l’Europe.
Napoléon, connu pour son esprit stratégique et ses réflexions profondes, est souvent cité dans le film. Des phrases telles que «La victoire appartient au plus persévérant» et «On gouverne mieux les hommes par leurs vices que par leurs vertus» révèlent la complexité de sa personnalité et de son approche politique.
Bien que Napoléon s’efforce de capturer l’essence de l’époque napoléonienne, il s’autorise des libertés artistiques. Par exemple, le film dépeint Napoléon assistant à l’exécution de Marie-Antoinette, un événement historiquement inexact. Ces écarts par rapport à l’histoire réelle peuvent déranger les puristes, mais ils contribuent à la dramatisation du récit.
Les critiques sont partagées sur ce biopic. Certains louent la performance de Joaquin Phoenix et la réalisation ambitieuse de Scott, tandis que d’autres regrettent les inexactitudes historiques et une interprétation parfois caricaturale de l’empereur.

Avec son arrivée à Beyrouth, Napoléon de Ridley Scott ne se contente pas d’être un événement cinématographique majeur, mais il sert également de rappel des connexions historiques entre Napoléon et le Moyen-Orient. Le film, bien que controversé, promet d’être un sujet de conversation animé parmi les cinéphiles et les historiens, révélant les multiples facettes de l’héritage napoléonien.
Le réalisateur Ridley Scott (2e droite) l'acteur Joaquin Phoenix (2e gauche) le directeur de la photographie Darius Wolski (gauche) et le producteur Kevin J. Walsh (droite) lors de la première mondiale du film «Napoléon» à Paris le 14 novembre 2023.
Crédit photo: Geoffroy Van Der Hasselt / AFP
De Sainte-Hélène à Rabieh: un même exil?
La fascination pour Napoléon Bonaparte au Liban prend une tournure presque théâtrale, où l’histoire et la politique contemporaines se mêlent avec une pointe d’ironie. Il est vrai que, parfois, le Liban se montre plus royaliste que le roi lui-même, embrassant avec ferveur des figures historiques européennes. Cette tendance se reflète de manière ludique dans l’appellation «NAPOLEAOUN», un jeu de mots ingénieux, fusion de «Napoléon» et «Aoun», en référence à l’ancien président libanais Michel Aoun. Ce surnom, souvent utilisé pendant son mandat, devient un symbole d’un certain culte de la personnalité, voire d’une ambition impériale dans le contexte politique libanais.
Cette analogie, bien que faite avec une légèreté apparente, révèle en réalité des couches plus profondes de la psyché politique libanaise. Elle conteste, d’une certaine manière, la célèbre maxime de Gebran Khalil Gebran, selon laquelle «nul n’est prophète en son pays». En effet, l’adoption de ce surnom pour Michel Aoun semble démentir cette affirmation, suggérant que «nul EST prophète en son pays».
Ce parallèle entre Napoléon et Aoun est d’autant plus fascinant qu’il juxtapose deux figures historiques séparées par des siècles, mais unies par des aspirations à un pouvoir dominant et, peut-être, par une certaine forme de démesure dans leurs ambitions politiques. L’emploi de ce surnom, NAPOLEAOUN, devient ainsi une expression satirique, soulignant les contrastes entre l’empereur français et l’ex-président libanais, tout en capturant l’imaginaire collectif libanais qui oscille entre admiration et critique.
Cette référence humoristique n’est pas qu’une simple anecdote; elle s’inscrit dans un contexte libanais où l’histoire et la politique se chevauchent souvent, créant un paysage où les figures passées et présentes sont constamment réévaluées et réinterprétées. C’est dans cet esprit que le film  Napoléon de Ridley Scott arrive au Liban, non seulement en tant qu’œuvre cinématographique, mais aussi comme un miroir reflétant les complexités et les paradoxes de la société libanaise.
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