À ma chère Noha… à Mme Noha Osseiran!

Depuis le début, je voulais t’écrire une lettre. Je cherchais mes mots, mais en vain. J’ai réfléchi à cette lettre, je l’ai pensée et, à chaque fois que j’entamais la rédaction, les mots ne sortaient plus. Mais le moment est enfin venu. Je suis allongé sur mon lit, prêt à te le dire. J’ai besoin de te le dire, écoute-moi!
Juin 2016, la directrice du CLW vient de m’annoncer que je serais sur les deux campus, Bchamoun et Badaro, pour la prochaine année scolaire. J’ai peur, surtout que les élèves de Wegmann ont la réputation d’être exigeants et durs à gérer, notamment chez les «grands». Je sors de son bureau en me disant que ça va sûrement être difficile, mais que je suis prêt à apprendre et à me laisser former. Deux semaines avant la rentrée, Layal, une amie en commun, m’envoie un message vocal de ta part qui dit clairement: «Qu’il ne s’inquiète pas, je prendrai soin de lui.» Une semaine avant la rentrée, on se réunit au théâtre du collège, quand soudain tu t’approches de moi et tu me proposes un café juste à côté de l’école. On s’installe dans un petit café sympathique, on commande un café, je fume et on discute. Tu m’expliques le système de l’établissement et tu me rassures en me disant que tu serais toujours là en cas de besoin. Le jour de la rentrée scolaire, je suis en classe de première, j’explique le programme de l’année quand soudain, tu frappes à la porte et tu entres. Tu te présentes aux élèves, tu te retournes vers moi et tu me souris…
Au fil du temps, j’apprends à te connaître comme une prof de lettres exceptionnelle, exigeante, que les élèves adorent et craignent en même temps (d’ailleurs, je t’ai toujours enviée pour cette qualité), puis en tant qu’amie quand tu commences à m’inviter aux soirées et aux dîners avec les collègues. Je n’ose pas te contrarier et j’y vais à chaque fois pour que tu ne te fâches pas, même si je suis fatigué. Après tout, qui oserait mettre Mme Osseiran en colère?
La même année, et à la suite d’un petit burn-out, je perds mon sang-froid en classe, je prends mes affaires et je sors en claquant la porte derrière moi. Tu décides directement d’intervenir en me parlant de l’affaire, puis en discutant avec les élèves (d’ailleurs, je ne sais plus si tu étais la PP de la classe). Quelques jours après, tu me prends par la force au même café où on est parti la première fois, tu te mets en face de moi, tu m’interdis de parler et tu prends le temps de m’expliquer méthodiquement ce que je dois faire quand je suis fatigué ou quand je fais face à un petit problème de gestion de classe.
Puis vient le jour où je décide de quitter le CLW pour enseigner dans une autre école. Je n’ai pas le courage de te le dire en face. Je crains un peu ta réaction pour ne rien te cacher. Je démissionne et c’est à ce moment que tu m’appelles pour comprendre le comment et le pourquoi. On se donne RDV à Zeitouna Bey où je t’explique en détails les raisons de ma démission. Tu n’es pas très contente, mais tu essaies d’être compréhensive. On continue de s’écrire et de se voir, moins qu’avant certes, mais rien de tout cela n’affecte notre amitié.

Juste après, je plonge dans une dépression et je décide de quitter le pays pour me ressaisir, notamment au niveau mental et psychologique. Depuis, on s’est parlé très peu.
Et puis un jour se lève, Noha n’y est plus.
Pardonne-moi d’être dramatique. Je sais que tu détestais te lamenter sur ton sort, chose que je ne ferai pas ici. Cependant, je sais que la vie fait souvent de belles surprises quand on s’y attend le moins. Mon arrivée et mon séjour au CLW m’ont fait connaître une personne forte, optimiste, altruiste, généreuse, logique dans sa tête, professionnelle dans son travail, peu diplomate parfois, une vraie star de l’enseignement et c’est cette personne qui soudain devient mon amie et mon mentor.
Tu m’as rempli la tête de beaux souvenirs qui ont marqué mon séjour au CLW. Sache que je te mets dans un coin très spécial de mon cœur. La relation, c’est tisser une toile d’araignée, fil après fil, et c’est bien cela le parcours de notre amitié depuis le premier jour au café. Je t’aime pour tout ce que tu as été pour moi, pour tout ce que tu as fait pour moi, mais le destin a fait son chemin et on n’y peut rien.
J’ai appris dans la vie à ne pas poser de questions existentielles. La mort en fait partie et il faut l’accepter. Le pourquoi et le comment n’aident pas et ça ne m’intéresse pas dans tous les cas. Ce qui est sûr c’est que tu me manques et je n’arrive toujours pas à y croire. Le temps va sûrement m’aider à accepter le fait que tu nous aies devancés vers l’au-delà (un peu trop tôt à mon avis, mais c’est comme ça).
Cette lettre n’a pas de but précis, surtout que je déteste les adieux, mais j’avais besoin de te dire tout ça. Je pense que ça y est… voilà… que dire de plus à part au revoir, prends soin de toi, merci pour tout ce que tu as fait pour nous, pour moi, je ne t’oublierai jamais et je finis par te redire ce que tu m’as dit la dernière fois qu’on s’est vu à l’ABC avant mon voyage: «Tu es ma habibi et je t’aime énormément.»
Commentaires
  • Aucun commentaire