De nouveaux billets de 100.000 livres sont en circulation, depuis le 1er décembre 2023. Rien d’alarmant. Il s’agit d’une mesure purement technique. Mais quid des coupures de 500.000 et de 1.000.000 de livres?
Quel que soit l’objectif de l’impression de billets de banque de dénominations supérieures à ceux en circulation, la mesure envoie certainement un signal négatif aux marchés. L’interprétation immédiate qu’on en fait est celle d’une dépréciation accrue de la valeur de la monnaie en question, c’est-à-dire de son pouvoir d’achat.
L’impression de grosses coupures de livres – les dénominations de 500.000 livres et de 1.000.000 de livres avancées par plusieurs sources – reste tributaire de l’approbation de la proposition de loi, par le Parlement réuni en séance plénière. Une proposition de loi dans ce sens a été avancée en mai dernier par le député Ziad Hawat et votée par les commissions parlementaires mixtes.
La livre ne vaut plus rien
Une fois mise en œuvre, cette mesure représentera le coup de grâce officiel à la monnaie nationale. «Il s’agira d’un aveu officiel que la livre ne vaut plus rien et qu’elle n’a plus aucun pouvoir d’achat», souligne Nicole Ballouz Baker, professeure associée à la faculté de gestion des entreprises de l’USJ, interrogée par Ici Beyrouth.
D’ores et déjà, le citoyen ordinaire est pris en tenaille entre une monnaie nationale, qui ne sert plus qu’à payer les taxes et les impôts, et une dollarisation qui a échoué à juguler l’inflation des prix. Il faut comprendre, par là, que la décision du gouvernement de dollariser l’économie n’a pas eu les effets escomptés.
Économie souterraine
Dans leur argumentaire, les défenseurs de la proposition de loi pensent que les billets à grande dénomination sont pratiques et conviennent mieux pour conclure les transactions commerciales, surtout lorsque la livre libanaise perd de sa valeur. La somme de 500.000 livres n’équivaut plus qu’à près de 5,5 dollars, à titre d’exemple.
Cette partie oublie cependant que les gros billets facilitent aussi la fraude, la corruption, le blanchiment et le financement du terrorisme. Plus facile à cacher et à faire circuler à des fins criminelles.
Le besoin d’anonymat et la crainte d’être repéré dans un pays comme le Liban, où l’économie souterraine représente près de la moitié de l’ensemble de l’économie, selon les chiffres du dernier rapport de la Banque mondiale sur le Liban, contribuent certainement à l’attrait des coupures de grande valeur.
En voulant émettre de grosses coupures de livres libanaises, le pays du Cèdre va à l’encontre de la tendance mondiale qui prône leur suppression. La plus grosse dénomination existante pour la livre sterling est 50. Dans la zone euro, depuis le 27 janvier 2019, dix-sept des dix-neuf banques centrales nationales ont cessé d’émettre des billets de 500 euros.
Pas de miracle en économie
Comme le miracle n’existe pas en économie, il est clair que la période où le dollar valait 1.507,5 livres est bel et bien révolue. Le Liban est pris dans un cycle de «vaches maigres» en attendant la conjonction de nombreuses causes internes et d’une période favorables pour entamer un redressement économique.
Entre-temps, pour faire preuve de pragmatisme, les nouvelles grosses coupures de livres permettront au Libanais, à son corps défendant, de «s’habituer progressivement» aux nouveaux niveaux de prix des produits de consommation et de services, conséquence d’une inflation sans bornes, à la suite d’une crise multidimensionnelle, qui a éclaté en octobre 2019.
Pas de création de monnaie
Cela dit, l’opération d’impression de la monnaie est totalement différente de celle de sa création. La Banque du Liban (BDL) n’entend aucunement créer de la monnaie et augmenter par conséquent la masse monétaire en circulation. D’autant plus qu’elle a réussi à assurer une stabilité du taux de change autour de 90.000 livres pour un dollar, après un plus haut de 143.000 livres pour un dollar, en mars dernier, et son désengagement en douceur du marché.
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