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- Attentats ciblés et trêve des confiseurs
Il y en a qui ne chôment pas et Razi Moussavi vient d’être exécuté dans le cadre d’une frappe israélienne menée en Syrie même. Le domicile de ce brigadier général des Gardiens de la révolution islamique a été visé par trois missiles, dans le quartier de Sitt Zeinab au sud de Damas. Ce «responsable logistique de l’axe de la résistance» ne devait pas suivre les consignes de haute sécurité: ignorait-il qu’Israël est en guerre avec l’Iran et que tous les coups sont permis? Et puis n’allait-il pas se rendre à Beyrouth pour transmettre à ses frères d’armes les mots d’ordre du régime iranien? Or voilà qu’il vient de connaître le même sort que Qassem Soleimani, son compatriote et compagnon de jihad dans la voie d’Allah. La force Al-Qods, à laquelle il appartenait, figurait depuis 2019 sur la liste des organisations terroristes dressée par les États-Unis et n’aurait pas hésité à avoir recours aux mêmes procédés! Il n’empêche qu’on peut se poser la question de savoir si de telles exécutions extrajudiciaires sont «légitimes» ou permises sous l’empire des lois de la guerre.
L’attentat ciblé ou le «sikul memekad»
Tous les pays du monde, et même des plus démocratiques, comme tous les services de renseignement, ont recours à l’assassinat ciblé: on se souvient de l’exécution des responsables palestiniens à Beyrouth en avril 1973, ou de celle de Khalil al-Wazir (Abou Jihad) abattu en janvier 1988 en Tunisie. La mise à mort d’Oussama ben Laden en mai 2011 au Pakistan par des commandos américains rentre dans cette catégorie de liquidation des adversaires, l’auteur de l’attentat du 11 septembre n’ayant pas connu la même fin qu’un Saddam Hussein condamné à mort à la suite d’un procès public.
Or ces targeted killings ou sikul memekad, comme on les désigne en Israël, doivent être autorisés par le Premier ministre et peuvent aussi bien viser des personnes présumées coupables de crimes que des personnes soupçonnées de vouloir passer à l’acte. Allez savoir sous quel prétexte Razi Moussavi a été éliminé! Mais, ce qui est sûr, c’est que les Iraniens vont répliquer, la loi du talion l’exigeant entre gens du même monde. Ils le feront soit directement, soit via leurs obligés, ces factotums du Hezbollah.
Et juridiquement?
Pour un juriste, avoir recours aux exécutions extrajudiciaires remettrait en cause les normes qui sous-tendent les démocraties libérales; et ces opérations sont d’autant plus condamnables qu’elles entraînent la mort d’innocentes victimes susceptibles de se trouver sur les lieux de l’attentat au moment fatidique.
En revanche, il y a des sommités académiques qui justifient ces assassinats ciblés: d’après elles, ils seraient conformes au droit de la guerre et auraient un effet dissuasif. À l’appui de leur thèse, elles ressortent l’argument pratique qui soutient que de tels expédients feraient moins de dégâts en zones civiles qu’une incursion armée ou des bombardements aveugles. D’ailleurs, la Cour suprême israélienne a autorisé en 2006 les susdits assassinats sous certaines conditions, «affirmant qu’il fallait juger de leur légalité sur la base des cas individuels», et imposant aux exécuteurs des basses œuvres une obligation de précision quant aux renseignements obtenus concernant la cible. Cette haute autorité judiciaire gardait probablement à l’esprit l’assassinat par erreur, en 1973, à Lillehammer en Norvège, d’un serveur d’origine marocaine; le Mossad l’avait pris pour Abou Hassan Salameh, architecte de l’attentat de Munich, lors des jeux Olympiques. Et pour clore le débat, cette Cour a fait preuve de délicatesse de sentiments, en accordant aux familles des victimes collatérales la possibilité de se pourvoir en justice pour réclamer des dommages-intérêts.
Les peuples heureux n’ont pas d’histoire
C’est que nous sommes des peuples sur lesquels pèse la malédiction de la violence, et nous n’aurons de répit qu’exceptionnellement: rien qu’un intermède de temps entre un massacre et l’autre.
Aussi, ce n’est pas la trêve des confiseurs, si typiquement parisienne, qui aurait retenu le bombardement aérien russe qui allait faucher, ce même 25 décembre, cinq victimes civiles d’une même famille dans la région d’Idleb. Était-ce là encore un attentat ciblé? Non, plutôt un bombardement aveugle. Le pape François aura beau invoquer le «Prince de la paix» et la symbolique de Bethléem, rien n’y fera! Dans le fracas des armes, tout semble vouloir se résoudre dans l’affrontement. Alors, assassinat sélectif ou pilonnage indiscriminé, c’est immanquablement l’expression de la haine des hommes et de la férocité des hordes.
Après tout, ce ne sont pas les confiseurs qui font l’événement. Loin de là! N’écrivent, en fait, l’histoire du monde que ceux qui ont du cran, les Vladimir Poutine, les Benjamin Netanyahou et les Yahia Sinwar?
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