Pourquoi l’histoire du Liban ne fait que se répéter?

 
Alors que la situation est de plus en plus préoccupante dans le Sud du Liban, avec près de 80.000 déplacés et plus de 20 victimes parmi les civils, l'ensemble du pays redoute une répétition du scénario de la guerre de juillet 2006.
Au cours des deux dernières décennies, le Liban a été le théâtre d'agressions répétées, de bombardements et de guerres. Les Libanais devraient se poser sérieusement la question de savoir pourquoi leur histoire semble se répéter si fréquemment et à des intervalles aussi rapprochés.
Les programmes d'histoire dans les écoles libanaises présentent de graves lacunes. Le dernier événement enregistré dans les manuels d'histoire remonte à l'Indépendance, en 1943, marquant la fin du mandat français et l’établissement de la République libanaise. La violente guerre survenue sur une période de 15 ans, entre 1975 et 1990, qui a coûté la vie à plus de 150.000 personnes, n'est même pas évoquée dans les salles de classe.
Les élèves comblent cette lacune en s’appuyant sur les récits de leurs familles et de leurs communautés. Avec une histoire libanaise récente aussi violente, chaque élève se retrouve avec une mémoire et une lecture différentes des événements.
Selon l'auteure et historienne Zeina Abdallah, l'apprentissage se fait souvent à travers des perspectives politiquement biaisées au sein des familles. «Le problème réside dans le fait que nous n'acquérons qu'une version subjective de l'histoire, souvent teintée de préjugés», a souligné Abdallah. «Personne ne détient une mémoire précise.»
Au Liban, les récits historiques diffèrent d'un groupe politique, voire d'une communauté religieuse, à l'autre.

Un historien et chercheur à l'Université Saint-Joseph (USJ), s’exprimant sur Ici Beyrouth, a expliqué que les institutions sectaires du pays déploient des efforts systématiques et proactifs «pour consolider les mythes sectaires et préserver l'idée de protéger le groupe». Par exemple, le Hezbollah a élaboré son propre manuel d'histoire, enseigné dans ses écoles Mehdi.
«Ce n'est pas simplement de l'histoire à des fins historiques, mais principalement pour des motifs politiques», a-t-il ajouté, soulignant ainsi une autre tentative des différentes communautés de maintenir le pays divisé à travers leurs récits historiques non alignés.
Avec cette séparation survient l'aliénation des communautés les unes par rapport aux autres. Aujourd'hui, de nombreuses personnes ne perçoivent pas le conflit dans le sud du Liban comme une attaque contre le peuple libanais, mais comme une zone de plus bombardée en raison du Hezbollah.
Les conséquences des différentes interprétations non seulement de la guerre civile, mais aussi de l'occupation syrienne en 2005, de la guerre de juillet 2006, voire de la guerre en cours le long de la frontière aujourd'hui, sont plus graves que ce qu'on pourrait imaginer.
Comme l'a brillamment souligné Kamal Salibi, la plupart des conflits pendant la guerre civile ont été menés autour de l'interprétation de l'histoire libanaise par chaque groupe.
Cependant, d’après le chercheur de l'USJ, le problème majeur ne réside pas dans la diversité des récits, mais plutôt dans le déni de notre histoire tumultueuse. «Le problème le plus crucial est que l'histoire n'est pas discutée dès le départ. Les enseignants évitent même d'en parler, craignant que cela suscite la controverse. Cependant, ignorer le sujet est contre-productif, entraînant une prophétie auto-réalisatrice», a-t-il affirmé. «Nous pouvons enseigner l'histoire de manière à prendre en compte tous les récits, sans nécessité d’uniformité. Le minimum serait de familiariser les étudiants avec les débats de l'époque.»
Ce point de vue est partagé par plusieurs historiens libanais. Abdallah va même jusqu’à suggérer que le suivi et l'étude de divers récits seraient bénéfiques en classe. «Chaque parti ou religion pourrait consigner sa propre mémoire», propose-t-elle. «Ensuite, les individus pourraient examiner tous les débats, ce qui les aiderait à construire une analyse critique pour déterminer qui suivre et que croire.»
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