La décision de l’ancien Premier ministre et du chef du Courant du futur Saad Hariri de «suspendre» son action politique et de demander à sa formation politique de ne pas présenter aux prochaines élections législatives a provoqué à n’en point douter un véritable séisme politique sur la scène locale. Cette onde de choc a atteint à l’évidence la capitale du Liban-Nord, l’un des bastions traditionnels du Courant du futur. Comment les principaux pôles de Tripoli ont-ils accueilli la démarche de Saad Hariri ?
Ici Beyrouth a effectué une enquête express pour déterminer le positionnement et la perception des pôles d’influence et de plusieurs activistes tripolitains, peu connus du grand public mais néanmoins actifs, qui suivent de près l’évolution des tendances de l’opinion dans cette région du Nord.
M. Badih Karhani, journaliste spécialiste des groupes islamistes et terroristes, explique à Ici Beyrouth que «sur l’échiquier de Tripoli, Akkar et Denniyé, le Courant du futur bénéficie de la plus grande représentativité». « Mais il faut tout de même reconnaître, a-t-il souligné, la présence du Courant al-Azem dont le président est le Premier ministre Najib Mikati, sans compter la Jamaa islamiya, dont le secrétaire général est Azzam el-Ayyoubi, qui peut assurer un apport de quelque 4000 à 5000 voix aux élections».
Les Tripolitains, des musulmans modérés
Parmi les figures importantes de la ville, figure à n’en point douter l’ancien ministre de la Justice et directeur général des Forces de Sécurité intérieure, le général Achraf Rifi, qui adopte des positions en flèche contre le Hezbollah et la mainmise iranienne. Quant à Bahaa Hariri (frère de Saad), il émerge lui aussi en tant qu’acteur politique du Liban-Nord, notamment. Dans ce cadre, M. Karhani relève que «tous les regroupements et personnalités de premier plan ont chacun leur poids dans la région et essayent déjà de combler le vide creusé par l’éclipse de Hariri». «Mais il est évident que M. Fayçal Karamé et ses alliés, proches du Hezbollah et de la Syrie, ne peuvent pas tirer profit de la démarche du chef du Courant du futur, précise M. Karhani qui ajoute à cet égard : «Les Tripolitains sont des musulmans non extrémistes. Ce ne sont pas les Hariri, père et fils, qui ont introduit l’islamisme modéré à Tripoli. Ce sont les modérés de Tripoli qui ont introduit leur courant dans leur ville».
De son côté, M. Rawad Antar, membre de la Coalition du Nord et du Front de l’opposition, estime que la décision de M. Hariri de suspendre son action aura sans doute un impact positif sur la vie politique à Tripoli. «Ceux qui représentaient le Courant du futur étaient noyés dans la corruption et s’étaient intégrés à la classe politique qui a gouverné pendant les 30 dernières années, affirme-t-il. Désormais, la situation sera plus détendue et les gens pourront exprimer leurs choix».
A son avis, au plan populaire, «l’allégeance d’une bonne partie de l’électorat allait à Saad Hariri et non pas à son courant qui a fait preuve d’un échec certain, surtout dans la gestion de l’économie et des problèmes vitaux». Et l’activiste d’ajouter : «M. Hariri a pris la bonne décision. Les gens vont maintenant voter. Lors des élections législatives précédentes, 35 % des Tripolitains avaient participé au scrutin. Les 65 % restants voulaient le changement mais ne trouvaient pas le moyen de le stimuler. Aujourd’hui, ils ont plus de chance. Logiquement, certains s’abstiendront alors que bon nombre de ceux qui ne participaient pas auparavant au scrutin feront leur choix cette fois-ci. Je pense que la participation sera massive et qu’elle dépassera les 50 % ».
Retirer la couverture officielle au Hezbollah
Dr Ramy Fanj, dentiste et activiste politique et social du groupement « Chamal » (Nord), souligne que «le retrait de M. Saad Hariri de la vie politique est un pas très avancé dans la politique libanaise puisqu’il a brouillé les cartes tant pour ses alliés que pour ses adversaires, ce qui a changé radicalement la donne». «Toutes les solutions sont désormais possibles pour la sécurité et la politique», affirme-t-il. À son avis, M. Hariri n’a pas cherché à provoquer un boycott des élections mais plutôt à retirer la couverture officielle au Hezbollah.
Il préconise que les gens qui ont œuvré pour le changement, aussi bien ceux qui ont participé à la «révolution» que les indépendants, présentent leurs candidatures dans le cadre d’une «coalition contre les politiciens traditionnels qui se sont acharnés à mettre en œuvre tout ce qui est destructif pour Tripoli». Et de conclure : «Les politiciens traditionnels de Tripoli ont beaucoup perdu de leur popularité».
Lever la couverture sunnite du Hezbollah
Mayez al Joundi, du groupe Ahrar el-Chamal (Les Libres du Nord) et candidat aux élections, constate que «le retrait de Hariri va changer l’équilibre instauré, depuis des années, sur des compromis». «Nous voulons un vrai État et non des mini-États, souligne-t-il. Le développement à Tripoli est inexistant. Nous porterons au Parlement les soucis et les besoins du peuple".
Les regroupements de la «révolution du 17 octobre» sont nombreux : « Moujtamaa Madani, Thawra, Moustaillin, Ittihad Thouwwar Lebnen, Badna Hkoukna, et bien d’autres… À chacun sa feuille de route et ses priorités politiques. «Nous essayons de nous unir en une liste unique», affirme M. Antar.
En tête des revendications des Tripolitains au stade actuel : la surveillance internationale des élections ; le dépouillement sur place des scrutins des expatriés ; placer le Liban sous tutelle internationale, surtout pour la gestion des finances publiques et les infrastructures ; sans oublier l'adoption d'une politique de distanciation vis-à-vis des axes régionaux. À ce sujet, M. Badih Karhani, précise que «le CPL a voulu constamment défigurer l’image de Tripoli, prétendant que ses habitants sont des extrémistes, alliés à la Turquie ou à l’État islamique, ce qui n’est pas vrai». «Ils ont toujours voulu les dissuader de réclamer l’application des résolutions onusiennes, notamment les résolutions 1559 et 1701 qui sont l’antithèse de la présence de la milice du Hezbollah», relève-t-il.
Quant à Sawsan Kasha, elle souligne qu’ "avant d’être candidate aux élections, je suis avocate internationale ; et partant, j’ai des contacts avec des organisations internationales pour assurer des moyens qui garantissent l’intégrité des élections». «C’est pourquoi, indique-t-elle, nous insistons pour qu’il y ait une commission internationale qui surveille les élections un mois avant le scrutin jusqu’au dépouillement des voix et la proclamation des résultats. À mon avis, les élections de 2018 manquaient de transparence, à commencer par les urnes dans les rues, les pots-de-vin, les voix qui ont disparu…"
Dans la capitale du Nord, bénéficiant d’un riche patrimoine culturel, devenue l’une des villes les plus pauvres du Moyen-Orient, car marginalisée par l'administration centrale, bon nombre de cadres affirment qu’avec le retrait de M. Hariri, la couverture sunnite du Hezbollah a été levée.
Lire aussi : La tragédie des sunnites du Liban
Ici Beyrouth a effectué une enquête express pour déterminer le positionnement et la perception des pôles d’influence et de plusieurs activistes tripolitains, peu connus du grand public mais néanmoins actifs, qui suivent de près l’évolution des tendances de l’opinion dans cette région du Nord.
M. Badih Karhani, journaliste spécialiste des groupes islamistes et terroristes, explique à Ici Beyrouth que «sur l’échiquier de Tripoli, Akkar et Denniyé, le Courant du futur bénéficie de la plus grande représentativité». « Mais il faut tout de même reconnaître, a-t-il souligné, la présence du Courant al-Azem dont le président est le Premier ministre Najib Mikati, sans compter la Jamaa islamiya, dont le secrétaire général est Azzam el-Ayyoubi, qui peut assurer un apport de quelque 4000 à 5000 voix aux élections».
Les Tripolitains, des musulmans modérés
Parmi les figures importantes de la ville, figure à n’en point douter l’ancien ministre de la Justice et directeur général des Forces de Sécurité intérieure, le général Achraf Rifi, qui adopte des positions en flèche contre le Hezbollah et la mainmise iranienne. Quant à Bahaa Hariri (frère de Saad), il émerge lui aussi en tant qu’acteur politique du Liban-Nord, notamment. Dans ce cadre, M. Karhani relève que «tous les regroupements et personnalités de premier plan ont chacun leur poids dans la région et essayent déjà de combler le vide creusé par l’éclipse de Hariri». «Mais il est évident que M. Fayçal Karamé et ses alliés, proches du Hezbollah et de la Syrie, ne peuvent pas tirer profit de la démarche du chef du Courant du futur, précise M. Karhani qui ajoute à cet égard : «Les Tripolitains sont des musulmans non extrémistes. Ce ne sont pas les Hariri, père et fils, qui ont introduit l’islamisme modéré à Tripoli. Ce sont les modérés de Tripoli qui ont introduit leur courant dans leur ville».
De son côté, M. Rawad Antar, membre de la Coalition du Nord et du Front de l’opposition, estime que la décision de M. Hariri de suspendre son action aura sans doute un impact positif sur la vie politique à Tripoli. «Ceux qui représentaient le Courant du futur étaient noyés dans la corruption et s’étaient intégrés à la classe politique qui a gouverné pendant les 30 dernières années, affirme-t-il. Désormais, la situation sera plus détendue et les gens pourront exprimer leurs choix».
A son avis, au plan populaire, «l’allégeance d’une bonne partie de l’électorat allait à Saad Hariri et non pas à son courant qui a fait preuve d’un échec certain, surtout dans la gestion de l’économie et des problèmes vitaux». Et l’activiste d’ajouter : «M. Hariri a pris la bonne décision. Les gens vont maintenant voter. Lors des élections législatives précédentes, 35 % des Tripolitains avaient participé au scrutin. Les 65 % restants voulaient le changement mais ne trouvaient pas le moyen de le stimuler. Aujourd’hui, ils ont plus de chance. Logiquement, certains s’abstiendront alors que bon nombre de ceux qui ne participaient pas auparavant au scrutin feront leur choix cette fois-ci. Je pense que la participation sera massive et qu’elle dépassera les 50 % ».
Retirer la couverture officielle au Hezbollah
Dr Ramy Fanj, dentiste et activiste politique et social du groupement « Chamal » (Nord), souligne que «le retrait de M. Saad Hariri de la vie politique est un pas très avancé dans la politique libanaise puisqu’il a brouillé les cartes tant pour ses alliés que pour ses adversaires, ce qui a changé radicalement la donne». «Toutes les solutions sont désormais possibles pour la sécurité et la politique», affirme-t-il. À son avis, M. Hariri n’a pas cherché à provoquer un boycott des élections mais plutôt à retirer la couverture officielle au Hezbollah.
Il préconise que les gens qui ont œuvré pour le changement, aussi bien ceux qui ont participé à la «révolution» que les indépendants, présentent leurs candidatures dans le cadre d’une «coalition contre les politiciens traditionnels qui se sont acharnés à mettre en œuvre tout ce qui est destructif pour Tripoli». Et de conclure : «Les politiciens traditionnels de Tripoli ont beaucoup perdu de leur popularité».
Lever la couverture sunnite du Hezbollah
Mayez al Joundi, du groupe Ahrar el-Chamal (Les Libres du Nord) et candidat aux élections, constate que «le retrait de Hariri va changer l’équilibre instauré, depuis des années, sur des compromis». «Nous voulons un vrai État et non des mini-États, souligne-t-il. Le développement à Tripoli est inexistant. Nous porterons au Parlement les soucis et les besoins du peuple".
Les regroupements de la «révolution du 17 octobre» sont nombreux : « Moujtamaa Madani, Thawra, Moustaillin, Ittihad Thouwwar Lebnen, Badna Hkoukna, et bien d’autres… À chacun sa feuille de route et ses priorités politiques. «Nous essayons de nous unir en une liste unique», affirme M. Antar.
En tête des revendications des Tripolitains au stade actuel : la surveillance internationale des élections ; le dépouillement sur place des scrutins des expatriés ; placer le Liban sous tutelle internationale, surtout pour la gestion des finances publiques et les infrastructures ; sans oublier l'adoption d'une politique de distanciation vis-à-vis des axes régionaux. À ce sujet, M. Badih Karhani, précise que «le CPL a voulu constamment défigurer l’image de Tripoli, prétendant que ses habitants sont des extrémistes, alliés à la Turquie ou à l’État islamique, ce qui n’est pas vrai». «Ils ont toujours voulu les dissuader de réclamer l’application des résolutions onusiennes, notamment les résolutions 1559 et 1701 qui sont l’antithèse de la présence de la milice du Hezbollah», relève-t-il.
Quant à Sawsan Kasha, elle souligne qu’ "avant d’être candidate aux élections, je suis avocate internationale ; et partant, j’ai des contacts avec des organisations internationales pour assurer des moyens qui garantissent l’intégrité des élections». «C’est pourquoi, indique-t-elle, nous insistons pour qu’il y ait une commission internationale qui surveille les élections un mois avant le scrutin jusqu’au dépouillement des voix et la proclamation des résultats. À mon avis, les élections de 2018 manquaient de transparence, à commencer par les urnes dans les rues, les pots-de-vin, les voix qui ont disparu…"
Dans la capitale du Nord, bénéficiant d’un riche patrimoine culturel, devenue l’une des villes les plus pauvres du Moyen-Orient, car marginalisée par l'administration centrale, bon nombre de cadres affirment qu’avec le retrait de M. Hariri, la couverture sunnite du Hezbollah a été levée.
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