Du 21 février au 17 mars, le Festival al-Bustan célèbre ses trois décennies d'existence dans un Liban en mutation. Malgré les défis socio-politiques, le festival persiste à illuminer la scène musicale libanaise, offrant une programmation éclectique dans un pays en quête d'harmonie et de sensibilité.
De 1994 à 2024, trois décennies se sont déjà écoulées, marquées par un Liban en perpétuelle ébullition, mutation et délitement. Aujourd’hui, le pays se retrouve à la croisée des chemins, confronté à des enjeux complexes, une paix précaire et un statu quo qui s’effondre progressivement, comme si les leçons de l'histoire n'avaient jamais été assimilées. Malgré ces défis, la scène musicale libanaise a continué de résister, tant bien que mal, aux tempêtes socio-politiques qui ne cessent de se déchaîner sur ce pays. De 1994 à 2024, trois décennies riches en transformations ont sculpté le paysage culturel local: certains festivals, autrefois les emblèmes mêmes du Liban, ont vu leur étoile pâlir tandis que d'autres ont brillé de plus belle. Auréolé de ses trente ans de succès, le Festival al-Bustan s'inscrit résolument parmi ces rares derniers. Il a réussi à préserver son identité fondamentale en promouvant avec brio la musique d'art occidentale, tout en explorant d'autres horizons musicaux de qualité hétérogène.
Prévue du 21 février au 17 mars, la trentième saison musicale du festival, intitulée «Thirty Years, Against All Odds» («Trente ans, envers et contre tout»), s'annonce non seulement comme une célébration musicale prometteuse, mais aussi comme un véritable témoignage de la persévérance à travers la musique dans un monde qui s'avère irréversiblement déshumanisé et insensible. Car, comme l’avait un jour sacralisé Vladimir Jankélévitch (1903-1985), «la musique est là, sur Terre, elle existe à nos côtés, comme une amie, et la plénitude de son évidence donne le courage de vivre, d'écrire, de continuer». Des artistes du monde entier, ces oiseaux «libres», dans toute la richesse sémantique que ce terme peut revêtir, s'envoleront au-delà des frontières pour atterrir à l'auditorium Émile Bustani de l'Hôtel al-Bustan. Tout au long de quinze concerts, ces dénicheurs du sublime tenteront de repolliniser, à travers leurs performances, un Liban désormais stérile et de secouer la sensibilité d’un peuple embastillé dans son indifférence et son hyperindividualisme.
Le festival lève donc son rideau le 21 février avec un hommage à Giacomo Puccini (1858-1924) pour commémorer le centenaire de son décès, à travers un florilège d'arias tirés de ses opéras les plus emblématiques, tels que Manon Lescaut (1893), La Bohème (1896), Tosca (1900), Madama Butterfly (1904), La fanciulla del West (1910) et Turandot (inachevé à sa mort en 1924, puis créé en 1926). Cette soirée sera l'occasion de revisiter des joyaux de son répertoire opératique, notamment le passionnel Un bel dì, vedremo pour soprano spinto, le bouleversant Nessun dorma pour ténor dramatique (où l'on ne peut s'empêcher de se remémorer la voix charnue de Luciano Pavarotti [1935-2007] et l’extatique la4 final dans son enregistrement historique de 1972), ainsi que le mélancolique Addio fiorito asil pour ténor spinto, parmi d'autres moments musicaux d'exception.
Le 23 février (à l'auditorium Émile Bustani) et le 24 février (à Byblos), le pianiste italien Giuseppe Andaloro, lauréat de plusieurs concours de piano, dont le London World Piano Competition en 2002, guidera l’auditoire libanais dans une promenade pianistique à travers l'histoire. Cette traversée débutera avec le baroque italien du dix-septième siècle de Girolamo Frescobaldi (1583-1643) et se poursuivra jusqu’au postromantisme russe du vingtième siècle avec Sergueï Rachmaninov (1873-1943). Ce périple musical inclura une incursion au cœur du romantisme exacerbé aux couleurs brahmsiennes et lisztiennes de la Chaconne en ré mineur, une transcription pour piano, réalisée par Ferruccio Busoni (1866-1924), du mouvement éponyme de la Partita n°2 en ré mineur BWV 1004 pour violon de Jean-Sébastien Bach (1685-1750), ainsi que la virtuosité flamboyante de la Rhapsodie hongroise no 12, S. 244/12 de Franz Liszt (1811-1886).
Le 27 février, le festival jouera la carte de l'anticipation en présentant un concert au refrain quelque peu éculé (mais la passion indomptable du bandonéoniste italien, Mario Stefano Pietrodarchi, mérite sans doute d'être redécouverte), consacré principalement à des œuvres d’Astor Piazzolla (1921-1992), avant que le véritable point d'orgue ne se dévoile, le 29 février, avec le pianiste argentin Nelson Goerner. Ce dernier illuminera le festival avec un programme éclectique comprenant des pièces maîtresses de Georg Friedrich Haendel (1685-1759), Robert Schumann (1810-1856), Sergueï Rachmaninov et Mily Balakirev (1837-1910), révélant toute la richesse et la diversité musicale de son talent. Les 2 mars, un duo d’accordéon et de trompette tentera de charmer les auditeurs avec un répertoire sensationnel, aussi savant que populaire. L’atmosphère sera visiblement imprégnée d’amour, avec la présence assurée de Cupidon. Il vaudrait mieux rester sur ses gardes, car nul ne sait qui sera touché par ses flèches mélodieuses. Jamais deux sans trois, Édouard Macarez, à la contrebasse, rejoindra le duo français le 3 mars pour un concert où flottera de nouveau l'arôme enivrant de l'amour.
Les 5 et 6 mars, le pianiste russe Boris Berezovsky, l'une des figures de proue de la scène musicale classique, n'en déplaise à certains, trônera pour la dixième fois au sommet du festival. Ce moment promet d'être l'un des moments phares de cette saison musicale. En 2022, le critique musical d'Ici Beyrouth avait métaphoriquement assimilé Berezovsky à l'oiseau de feu; cette année, le pianiste russe semble répondre d'un clin d'œil en interprétant, le 5 mars, l'œuvre éponyme d’Igor Stravinsky (1882 -1971), aux côtés d'autres joyaux du répertoire russe et allemand, dont la Sonate no 8 en do mineur, op. 13, dite «Pathétique», de Ludwig van Beethoven (1770-1827). Le second jour, il partagera la scène avec sa jeune fille, Evelyn Berezovsky, qui s’attaquera à une série de pièces issues du répertoire impressionniste français de Maurice Ravel (1875-1937) et Claude Debussy (1862-1918). En apothéose, elle cédera le piano à son père, qui se laissera emporter par ses envolées de blues.
La note bleue résonnera intensément le 8 mars, magnifiée par le talent incontesté du Trio Julian Joseph lors d'un concert de jazz qui s’annonce d’ores et déjà exceptionnel. Le 10 mars, le violoniste suédois Daniel Lozakovich et le pianiste français Alexandre Kantorow proposeront une lecture d'une série de quatre sonates pour violon et piano issues du répertoire romantique, dont l’imposante Sonate en la mineur de César Franck (1822-1890). Une aventure musicale où chaque phrasé, chaque nuance et chaque intonation devront être soigneusement apprivoisés pour donner vie à l'essence même de la composition. Ce ne sera clairement pas une promenade de santé. Le 12 mars, les passionnés des mélodies levantines auront l'opportunité d'apprécier un répertoire élaboré par l'ensemble musical du programme Zaki Nassif de l'Université américaine de Beyrouth qui, espérons-le, sera conforme aux exigences de la tradition monodique modale, sans succomber à la tendance d'occidentalisation délibérée et excessive de cette musique.
La soprano française, Julie Fuchs, se produira en vedette à l'auditorium Émile Bustani le 14 mars, puis à l’église Saint-Joseph des Pères jésuites le 15 mars, lors de deux concerts de musique lyrique. Parce que bon, on sait tous que la virtuosité ne se résume pas à de petites coloratures, n'est-ce pas? Cette championne du répertoire de soprano lyrique-léger va sûrement prouver que le monde de la musique classique n'est pas simplement un concours de qui peut triller le plus haut. Une révélation qui risque bien de faire lever quelques sourcils. Le concert du 15 mars sera consacré à la Petite messe solennelle de Gioachino Rossini (1792-1868), le «dernier péché de ma vieillesse» selon les mots du compositeur, dans sa version originale, mais bizarrement à un piano au lieu de deux. Le festival clôture, le 17 mars, sa célébration de manière majestueuse avec l'interprétation de deux chefs-d'œuvre du répertoire classique: la Symphonie no 40 en sol mineur K. 550 de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) et le Concerto pour violoncelle et orchestre en si mineur op. 104 d'Antonin Dvořák (1841-1904). Ces monuments musicaux seront portés par l'Orchestre philharmonique du Liban, sous la direction éclairée de Gianluca Marcianò, accompagné (dans ledit concerto) du violoncelliste français, Victor Julien-Laferrière.
Les billets sont disponibles en ligne sur le site du festival, à la billetterie du festival et dans les différentes branches de la librairie Antoine, aux prix de 20, 35 et 50 dollars. Les étudiants bénéficieront d'un tarif réduit fixé à 15 dollars. L'intégralité du programme est consultable en ligne sur le site officiel du Festival Al-Bustan.
De 1994 à 2024, trois décennies se sont déjà écoulées, marquées par un Liban en perpétuelle ébullition, mutation et délitement. Aujourd’hui, le pays se retrouve à la croisée des chemins, confronté à des enjeux complexes, une paix précaire et un statu quo qui s’effondre progressivement, comme si les leçons de l'histoire n'avaient jamais été assimilées. Malgré ces défis, la scène musicale libanaise a continué de résister, tant bien que mal, aux tempêtes socio-politiques qui ne cessent de se déchaîner sur ce pays. De 1994 à 2024, trois décennies riches en transformations ont sculpté le paysage culturel local: certains festivals, autrefois les emblèmes mêmes du Liban, ont vu leur étoile pâlir tandis que d'autres ont brillé de plus belle. Auréolé de ses trente ans de succès, le Festival al-Bustan s'inscrit résolument parmi ces rares derniers. Il a réussi à préserver son identité fondamentale en promouvant avec brio la musique d'art occidentale, tout en explorant d'autres horizons musicaux de qualité hétérogène.
Repolliniser un Liban stérile
Prévue du 21 février au 17 mars, la trentième saison musicale du festival, intitulée «Thirty Years, Against All Odds» («Trente ans, envers et contre tout»), s'annonce non seulement comme une célébration musicale prometteuse, mais aussi comme un véritable témoignage de la persévérance à travers la musique dans un monde qui s'avère irréversiblement déshumanisé et insensible. Car, comme l’avait un jour sacralisé Vladimir Jankélévitch (1903-1985), «la musique est là, sur Terre, elle existe à nos côtés, comme une amie, et la plénitude de son évidence donne le courage de vivre, d'écrire, de continuer». Des artistes du monde entier, ces oiseaux «libres», dans toute la richesse sémantique que ce terme peut revêtir, s'envoleront au-delà des frontières pour atterrir à l'auditorium Émile Bustani de l'Hôtel al-Bustan. Tout au long de quinze concerts, ces dénicheurs du sublime tenteront de repolliniser, à travers leurs performances, un Liban désormais stérile et de secouer la sensibilité d’un peuple embastillé dans son indifférence et son hyperindividualisme.
Opéras emblématiques
Le festival lève donc son rideau le 21 février avec un hommage à Giacomo Puccini (1858-1924) pour commémorer le centenaire de son décès, à travers un florilège d'arias tirés de ses opéras les plus emblématiques, tels que Manon Lescaut (1893), La Bohème (1896), Tosca (1900), Madama Butterfly (1904), La fanciulla del West (1910) et Turandot (inachevé à sa mort en 1924, puis créé en 1926). Cette soirée sera l'occasion de revisiter des joyaux de son répertoire opératique, notamment le passionnel Un bel dì, vedremo pour soprano spinto, le bouleversant Nessun dorma pour ténor dramatique (où l'on ne peut s'empêcher de se remémorer la voix charnue de Luciano Pavarotti [1935-2007] et l’extatique la4 final dans son enregistrement historique de 1972), ainsi que le mélancolique Addio fiorito asil pour ténor spinto, parmi d'autres moments musicaux d'exception.
Promenade pianistique
Le 23 février (à l'auditorium Émile Bustani) et le 24 février (à Byblos), le pianiste italien Giuseppe Andaloro, lauréat de plusieurs concours de piano, dont le London World Piano Competition en 2002, guidera l’auditoire libanais dans une promenade pianistique à travers l'histoire. Cette traversée débutera avec le baroque italien du dix-septième siècle de Girolamo Frescobaldi (1583-1643) et se poursuivra jusqu’au postromantisme russe du vingtième siècle avec Sergueï Rachmaninov (1873-1943). Ce périple musical inclura une incursion au cœur du romantisme exacerbé aux couleurs brahmsiennes et lisztiennes de la Chaconne en ré mineur, une transcription pour piano, réalisée par Ferruccio Busoni (1866-1924), du mouvement éponyme de la Partita n°2 en ré mineur BWV 1004 pour violon de Jean-Sébastien Bach (1685-1750), ainsi que la virtuosité flamboyante de la Rhapsodie hongroise no 12, S. 244/12 de Franz Liszt (1811-1886).
Passion indomptable
Le 27 février, le festival jouera la carte de l'anticipation en présentant un concert au refrain quelque peu éculé (mais la passion indomptable du bandonéoniste italien, Mario Stefano Pietrodarchi, mérite sans doute d'être redécouverte), consacré principalement à des œuvres d’Astor Piazzolla (1921-1992), avant que le véritable point d'orgue ne se dévoile, le 29 février, avec le pianiste argentin Nelson Goerner. Ce dernier illuminera le festival avec un programme éclectique comprenant des pièces maîtresses de Georg Friedrich Haendel (1685-1759), Robert Schumann (1810-1856), Sergueï Rachmaninov et Mily Balakirev (1837-1910), révélant toute la richesse et la diversité musicale de son talent. Les 2 mars, un duo d’accordéon et de trompette tentera de charmer les auditeurs avec un répertoire sensationnel, aussi savant que populaire. L’atmosphère sera visiblement imprégnée d’amour, avec la présence assurée de Cupidon. Il vaudrait mieux rester sur ses gardes, car nul ne sait qui sera touché par ses flèches mélodieuses. Jamais deux sans trois, Édouard Macarez, à la contrebasse, rejoindra le duo français le 3 mars pour un concert où flottera de nouveau l'arôme enivrant de l'amour.
Retour de l’oiseau de feu
Les 5 et 6 mars, le pianiste russe Boris Berezovsky, l'une des figures de proue de la scène musicale classique, n'en déplaise à certains, trônera pour la dixième fois au sommet du festival. Ce moment promet d'être l'un des moments phares de cette saison musicale. En 2022, le critique musical d'Ici Beyrouth avait métaphoriquement assimilé Berezovsky à l'oiseau de feu; cette année, le pianiste russe semble répondre d'un clin d'œil en interprétant, le 5 mars, l'œuvre éponyme d’Igor Stravinsky (1882 -1971), aux côtés d'autres joyaux du répertoire russe et allemand, dont la Sonate no 8 en do mineur, op. 13, dite «Pathétique», de Ludwig van Beethoven (1770-1827). Le second jour, il partagera la scène avec sa jeune fille, Evelyn Berezovsky, qui s’attaquera à une série de pièces issues du répertoire impressionniste français de Maurice Ravel (1875-1937) et Claude Debussy (1862-1918). En apothéose, elle cédera le piano à son père, qui se laissera emporter par ses envolées de blues.
Promenade de santé
La note bleue résonnera intensément le 8 mars, magnifiée par le talent incontesté du Trio Julian Joseph lors d'un concert de jazz qui s’annonce d’ores et déjà exceptionnel. Le 10 mars, le violoniste suédois Daniel Lozakovich et le pianiste français Alexandre Kantorow proposeront une lecture d'une série de quatre sonates pour violon et piano issues du répertoire romantique, dont l’imposante Sonate en la mineur de César Franck (1822-1890). Une aventure musicale où chaque phrasé, chaque nuance et chaque intonation devront être soigneusement apprivoisés pour donner vie à l'essence même de la composition. Ce ne sera clairement pas une promenade de santé. Le 12 mars, les passionnés des mélodies levantines auront l'opportunité d'apprécier un répertoire élaboré par l'ensemble musical du programme Zaki Nassif de l'Université américaine de Beyrouth qui, espérons-le, sera conforme aux exigences de la tradition monodique modale, sans succomber à la tendance d'occidentalisation délibérée et excessive de cette musique.
Dernier péché
La soprano française, Julie Fuchs, se produira en vedette à l'auditorium Émile Bustani le 14 mars, puis à l’église Saint-Joseph des Pères jésuites le 15 mars, lors de deux concerts de musique lyrique. Parce que bon, on sait tous que la virtuosité ne se résume pas à de petites coloratures, n'est-ce pas? Cette championne du répertoire de soprano lyrique-léger va sûrement prouver que le monde de la musique classique n'est pas simplement un concours de qui peut triller le plus haut. Une révélation qui risque bien de faire lever quelques sourcils. Le concert du 15 mars sera consacré à la Petite messe solennelle de Gioachino Rossini (1792-1868), le «dernier péché de ma vieillesse» selon les mots du compositeur, dans sa version originale, mais bizarrement à un piano au lieu de deux. Le festival clôture, le 17 mars, sa célébration de manière majestueuse avec l'interprétation de deux chefs-d'œuvre du répertoire classique: la Symphonie no 40 en sol mineur K. 550 de Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) et le Concerto pour violoncelle et orchestre en si mineur op. 104 d'Antonin Dvořák (1841-1904). Ces monuments musicaux seront portés par l'Orchestre philharmonique du Liban, sous la direction éclairée de Gianluca Marcianò, accompagné (dans ledit concerto) du violoncelliste français, Victor Julien-Laferrière.
Les billets sont disponibles en ligne sur le site du festival, à la billetterie du festival et dans les différentes branches de la librairie Antoine, aux prix de 20, 35 et 50 dollars. Les étudiants bénéficieront d'un tarif réduit fixé à 15 dollars. L'intégralité du programme est consultable en ligne sur le site officiel du Festival Al-Bustan.
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