Imad Kozem: Figer le temps de l’enfant
©Imad Kozem: Surtout ne rien changer, surtout ne rien chambouler, surtout ne rien oublier. 
Qui sont-ils ces gardiens de notre mémoire? Ces traqueurs de l’hier? Ces traceurs du temps? Qu’est-ce qui les anime tant? Portraits hauts en couleurs de ces amoureux du noir et blanc.

Tout a commencé lorsque Imad Kozem est né en juin 1966 à Ras Beyrouth dans une ville où la vie était exquise et douce. D’une enfance de fils unique comblé d’amour, de découvertes et d’endroits merveilleux, il ne se défera jamais vraiment. Devant les nombreux changements jamais heureux qu’a vécus Beyrouth depuis la guerre, il gardera cette tentation de Peter Pan de rassembler autour de lui les pans de ses premiers temps merveilleux. Surtout ne rien changer, surtout ne rien chambouler, surtout ne rien oublier.

Et c’est comme cela que dans ces armoires, placards, tiroirs et dans chaque recoin de sa maison, Imad Kozem rangera chaque jouet et objet de ces années 60 et 70 de tous les bonheurs. De sa mère qui n’est plus là aujourd’hui, il dira qu’elle l’a aidé à garder intacts ses boîtes de jeux, ses costumes, ses cartables d’écoles, ses figurines et ses livres comme pour préserver aussi ces doux moments à trois. De son père également disparu il dira qu’il avait une passion pour le cinéma et surtout les films de James Bond et que pour rien au monde il n’aurait raté avec son fils les projections dans les cinémas de Hamra. Hamra, Ras Beyrouth… tout l’univers de Imad avec les restaurants, les marchands de jouets, les cafés, les salles de cinéma et plus loin les plages, la sable, la mer. Il en parle comme d’une vie simple et heureuse.

Et quand l’horizon s’est bouché, quand le paysage est venu à changer, quand les lieux familiers ont commencé à disparaître, comme une folle envie de rester dans le temps figé de l’enfance. Comme une phobie de retenir les choses avant qu’elles ne disparaissent. C’est comme cela que le collectionneur est devenu insatiable. La période était définie, les années 60 et les années 70. On ne parlera jamais de guerre, on choisira le déni. Pour l’informaticien qu’il est devenu, les sites d’achat sont à portée de main et les objets de ces deux décennies viennent de plus en plus nombreux rejoindre les autres dans l’univers préservé de Imad Kozem.

Et il n’y a pas que les objets mais également toutes les photos de son quartier, les histoires des lieux, les cartes postales, les livres, les films, les émissions de télévision de l’époque et même les fournitures scolaires et les accessoires maison, sans oublier les friandises mythiques dont le nom seul fait frémir toutes les madeleines de Proust. Sa mémoire a conservé tout ce qui a touché son enfance et l’envie de partager ses trésors fait son chemin. L’idée de réunir tout cela dans un livre commence à germer dans la tête de Imad dès 2009. Et c’est finalement en 2012 que Pure Nostalgia, livre iconique, mythique, voit le jour avec à chaque page une réminiscence de cet hier à portée de main. Toyland, Toyfair, Donald Duck, Bomba Adams, Bazooka, Flash, Action Man, Matchbox, Lego, Wimpy, Popeye, Cinéma Edison, Colisée, Akhwat Chanay, et… 420 pages de plongée en apnée dans un Beyrouth retrouvé. Un livre phénomène édité à 10.000 exemplaires, aujourd’hui épuisé, mais dont l’énorme impact montre bien deux choses: d’abord que la nostalgie est devenue un vrai moyen pour beaucoup de Libanais de s’échapper d’une réalité difficile et de renier un présent destructeur mais aussi que garder cette enfance dans Beyrouth ainsi à portée de main empêche un peu l’irréversibilité des choses.

Aujourd’hui, Pure Nostalgia est devenu un label, un concept et Imad Kozem a plein d’idées dans sa closet. Des cartes postales, des t-shirts, des livres, mais son rêve ultime est de créer un musée des jouets et objets des années 60-70, un écrin à la hauteur pour abriter ses innombrables collections qu’il continue à enrichir. Un parcours entêté et insatiable qui vient confirmer ce que dit si joliment Jean Genet: «Créer c’est toujours parler de l’enfance.»



Plus qu’un livre, un véritable concept.




Toute une enfance en quelques clins d’œil…



Mon tracteur, mon ami symbole de la fidélité et de l’innocence. Les plaisirs de la vie dans la simplicité qui sont devenus si rares avec le temps.



Ma collection de bolides, ma fierté et mon plaisir éternel. De quoi raconter des histoires à n’en plus finir aux nouvelles générations.



Ma collection de Lego: instruire et s’instruire à travers les générations, la formation des ingénieurs architectes. Tout commence là.



Acapulco 1970. Non seulement l’Acapulco était né de l’imaginaire de Pépé, mais il était aussi à son effigie, jusque sur les troncs d’arbres. L’Acapulco c’était le Liban, revu et corrigé par un amoureux du Mexique.
Commentaires
  • Aucun commentaire