Le patriarche à nouveau dans le collimateur du Hezb

Entre dimanche et lundi, une campagne de dénigrement contre le patriarche maronite, Béchara Raï, a enflammé les réseaux sociaux, l’accusant de traîtrise et d’être le porte-parole arabophone d’Israël.
Dans les faits, le patriarche Raï a stigmatisé dans son homélie du dimanche la campagne militaire du Hezbollah contre Israël. Il y avait lu une lettre qui lui avait été adressée par des habitants de villages du Liban-Sud – lettre dans laquelle les habitants refusent «la culture de la mort», en allusion à l'idéologie de la formation pro-iranienne. Mgr Raï a critiqué l’aventure meurtrière dans laquelle le Hezbollah a mené les Libanais en soutien au Hamas.
Cette homélie a suscité de vives réactions de la part de partisans de la formation armée, particulièrement sur les réseaux sociaux, où le chef de l’Église maronite est apparu en tenue militaire israélienne, ou bien se tenant devant un drapeau israélien avec la mention «porte-parole arabophone de l’armée israélienne».


Confrontation culturelle
Selon l’ancien député Fares Souaid, président du Conseil national pour la levée de l’occupation iranienne, à partir du congrès du 14 mars 2008, cette confrontation avec le Hezbollah avait déjà été évoqué, notamment par Samir Frangié et Nassir el-Assaad, la qualifiant de culturelle ainsi que politique. M. Souaid a rappelé que la campagne du 14 mars à l’époque s’intitulait «We love life» (Nous aimons la vie). Dans une déclaration à Ici Beyrouth, l’ancien député a précisé que la majorité des Libanais ont un rejet de la culture de la violence et c’est sur ce point que le Hezb est en train de s’activer, “ce n’est pas une attaque contre une personnalité religieuse” affirme-t-il. Dans cette approche, cette campagne ressemble beaucoup à la campagne de haine que font les Israéliens à Gaza, selon M. Souaid. «C’est un appel à la violence d’une organisation qui a anéanti le pays et qui pousse les communautés à se replier sur elles-mêmes.» Selon lui, le meilleur moyen de défendre le patriarche est de s’attacher à notre culture et à la convivialité entre chrétiens et musulmans: «Il ne faut pas rejeter la formule libanaise ni renoncer au vivre ensemble.»
Message d'intimidation
Selon un responsable au sein des Forces Libanaises (FL) interrogé par Ici Beyrouth, il y a trois raisons derrière cette campagne contre le patriarche. La première est que Hassan Nasrallah avait promis de protéger le Liban-sud et le Hezbollah avait promis à ses partisans de ne faire la guerre que pour se défendre, or, aujourd'hui, c’est une guerre offensive provoquant une crise dans ce milieu. La deuxième raison est que la politique «d’unité des fronts” (des groupes relevant de l'Iran, Ndlr) s’est révélée fausse. La troisième raison est la supériorité technique des Israéliens et le nombre de morts dans les rangs du Hezbollah qui devient une source d’inquiétude dans la communauté qui soutient la formation pro-iranienne.
Selon ce même responsable, les habitants du Liban-sud ont trouvé écho à leurs inquiétudes dans les paroles du patriarche. Ils se posent la question de savoir pourquoi ils sont impliqués dans cette guerre et ont peur de perdre leurs moyens de subsistance et leurs maisons. «Le Hezb ne veut pas de ce genre de délibérations et veut donc détourner l’attention des gens. Le seul moyen de le faire est d’accuser le patriarche de trahison.» Ainsi, la formation pro-iranienne et son armée électronique font passer un message d’intimidation qui insinue que si l’on peut accuser le chef de l’Église maronite de la sorte, alors imaginez ce que l’on peut faire «au commun des mortels». Il s'agit donc d'une leçon que le Hezb cherche à inculquer à tout le monde, a précisé la source, rappelant que les FL, Samy Gemayel  et Achraf Rifi ont eu à faire au même genre de diffamations.
Soutien au patriarche
Lundi, des responsables politiques ainsi que les réseaux sociaux et la presse ont déclaré leur soutien au patriarche maronite.
Dans un communiqué, le Front souverainiste a affirmé que Bkerké et le patriarche «sont au-dessus des attaques des armées électroniques et des armées de victoires illusoires (en allusion aux victoires 'divines' du Hezbollah, NDLR). Nous ne leur accorderons pas l’honneur de leur répondre».
Ragy el-Saad, député membre du bloc parlementaire de la Rencontre démocratique, a écrit sur son compte X que le fait de s’attaquer au chef de l’Église maronite n’est pas une approche efficace pour soutenir une cause étrangère. Il a ajouté que le patriarche reste la conscience du Liban.


Quant à  Ghayath Yazbek, député FL, il a demandé aux «mauvaises langues» de se taire. S’adressant à «ceux qui insultent Bkerké», il a ajouté sur la plateforme X: «Vous vivez dans un pays dont les frontières ont été tracées par le patriarcat» (en référence au patriarche Hoayek qui avait conduit la délégation libanaise à la conférence de paix de Versailles en 1919).


Dans une autre allocation défendant le patriarche, Paul Kanaan, président du Rassemblement des maronites pour le Liban, a rejeté les campagnes visant le patriarche qui ne ciblent pas uniquement sa personne mais également ce qu’il représente. Il a relevé le fait que Mgr Raï «soulève les peurs et les préoccupations des fidèles. Il est préférable de dialoguer avec lui plutôt que de l’attaquer».
Le «partenariat national», est donc pour le Hezbollah une arme à double tranchant: il sert de prétexte pour justifier le dialogue et l’élection du président, mais est oublié dans les décisions de guerre qui peuvent entraîner le pays vers la destruction. La diabolisation de toute entité qui va à l’encontre de ses choix – le dernier en date étant le patriarche maronite – en est un exemple clair.
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