«Oblivion», quand le piano déchiffre les tableaux


En collaboration avec Philippe Farhat, peintre surréaliste contemporain, Bassam Challita a présenté une idée originale de concert, le 1er février 2024, dans son propre espace artistique. Devant dix tableaux de Farhat, exposés sur les cimaises, Challita a improvisé des mélodies, des fusions autour du tango, de l’oriental, des fusions classiques et des improvisations jazzy, accompagnées d’insertions de différentes ethnies musicales, visant à plonger le public dans un lieu entre le conscient et l’inconscient, baptisé «Oblivion»
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Oblivion
Le premier février, Bassam Challita a présenté son propre concept, dans l’espace artistique qui porte son nom, composé d’un théâtre et d’une salle d’exposition, devant un parterre de collectionneurs, de journalistes et d’amateurs de musique, dans un cadre convivial. L’idée était d’inviter le public à se situer dans un entre-deux, la réalité et l’onirisme, le conscient et l’inconscient, tout en se laissant emporter par la musique de Challita sur chacun des tableaux exposés. Le peintre Philippe Farhat a inauguré la séance en donnant des éclaircissements sur certaines de ses œuvres difficiles à déchiffrer. «Alors que la salle est sombre, raconte Bassam Challita à Ici Beyrouth, la lumière est braquée sur l’un des tableaux de Philippe Farhat, dont le titre est annoncé, pendant que mes doigts parcourent le clavier et improvisent un morceau inédit.» Le concert débute avec une musique composée sur le vif, inspirée du tableau Inner struggle (Lutte intérieure) qui exprime un tiraillement, un conflit, une souffrance mêlée de joie, par le biais d’une ballade qui fusionne avec l’oriental. Ensuite, Bassam Challita enchaîne avec un morceau sur Away from myself, (Loin de moi-même) qui exprime une grande mélancolie qu’il traduit par le rythme oriental. Madness, Mightiness and a dog (La folie, la puissance et un chien) lui inspire une sonate composée d’un allegro, d’un adagio et d’un presto. Pour traduire en musique Eternal conversation (Conversation éternelle), le pianiste s’oriente vers un rondo, comprenant une conversation entre touches basses et touches hautes, sur des formes presto et adagio. «J’ai dû faire un long voyage tantôt dans le désert, qui m’a inspiré un mélange d’oriental et de jazz, tantôt en m’imaginant danser sur le rythme entraînant du tango, pour A dance inside us (Une danse intérieure)», précise Bassam Challita. «Space Illusion (Illusion d’espace) m’évoque un largo, qui évolue lentement vers un allegro. Je me suis vu dans l’espace, accroché à une planète. Quand je m’en éloigne, elle resplendit de beauté. Quand je m’approche d’elle, elle devient sombre, obscure. Le public est invité à laisser son imagination l’entraîner. Il imagine probablement un autre contexte que le mien et interprète différemment ce que je joue, mais il y a entre nous une connexion profonde qui s’installe, grâce à l’universalité et à la puissance du langage musical», poursuit-il. After, it’s too late (Après, ce sera trop tard), invoque une gamme kurde orientale avec des transitions vers les gammes hijaz majeures et bayat, avec Rabih Bou Serhal au violon, l’artiste invité du concert. Beyond light (Au-delà de la lumière), lui inspire une pièce vibrante d’émotions qui  commence par un adagio et évolue vers un presto sur des gammes mineures. La pièce finale The epic in our temples (L’épopée dans nos temples),  sollicite la fusion du jazz avec l’oriental et déclenche une conversation entre le violon de Rabih Bou Serhal et le piano de Bassam Challita.
Bassam Challita fait part, à Ici Beyrouth, de son prochain concert en juin, «Fantaisie d’un pianiste», dont les revenus alimenteront les œuvres de bienfaisance à la paroisse Saint-Elie Antélias. «Je prends des pièces musicales connues et les combine. Je raconte une histoire, la mienne et je m’adresse à toute personne. Il y aura des phrases lues qui ponctueront chaque acte et l’évolution se fera par le biais de la musique.» Les thèmes clés seront: la perception de la vie dans la jeunesse, les désillusions, les déceptions amoureuses, le rebondissement ou la deuxième naissance. Bassam Challita jouera des mélodies venant de différents coins du monde. «Je commence avec un grand concerto de Chopin que je fusionne avec la chanson de Zaki Nassif, Choisis-moi la plus belle fleur. Il y aura une chorale composée de vingt personnes, des chanteurs internationaux et une troupe de danse. «Le succès pour moi, c’est quand je parviens à provoquer chez mes auditeurs et mes auditrices, un crescendo d’émotions.»


Le parcours de Bassam Challita en quelques mots
Pianiste et chef d’orchestre, Bassam Challita a entamé des études de piano au Conservatoire national et a poursuivi sa formation à l’École de musique antonine, jusqu’à l’obtention du diplôme. Il a sillonné le Mexique, le Portugal et Vienne pour enrichir son expérience musicale. Depuis 2007, le pianiste s’est plongé dans la gestion de diverses productions, façonnant progressivement sa propre vision artistique. «Au départ, j’étais pianiste concertiste puis ma musique s’est imprégnée de différentes sources, comme la musique contemporaine, l’oriental, le pop et le jazz et j’ai créé mon identité artistique.» Bassam Challita a organisé, mis en scène et produit l’évènement hommage, rendu à la troupe de danse Mayyas, au Casino du Liban, après son triomphe fulgurant à «America’s got talent». Cependant, la passion de Bassam Challita pour la musique dépasse les touches du piano et l’a poussé à maîtriser la direction musicale et orchestrale. Ainsi, il a réalisé de nombreux spectacles et concerts, au Liban, en France, en passant par la Roumanie et les Émirats arabes unis.

En bref, sur Philippe Farhat
Philippe Farhat, artiste contemporain libanais, est diplômé en architecture d’intérieur et en arts plastiques de l’Université libanaise. Il enseigne le dessin dans plusieurs établissements. Avec plus de quatre-vingts projets de décoration au Liban et dans les pays du Golfe, Farhat démontre sa polyvalence en matière de design d’intérieur. Sa véritable passion s’épanouit dans son atelier, où son imagination s’affranchit des limites. Il a participé à plus de trente expositions collectives et à quatre expositions personnelles, notamment à la galerie Zaman et à la galerie Cheriff Tabet. Ancrées dans des expériences et des réflexions centrées sur la société et l’humanité, ses œuvres appartenant au surréalisme contemporain, ne se limitent jamais à un matériau spécifique et étonnent par leur audace.
Au royaume d’«Oblivion», sur la toile de la conscience, les mélodies nées des improvisations spontanées de Bassam Challita au piano dansent avec les œuvres de Philippe Farhat. Une fusion où le rêve et la réalité, l’espoir et le désespoir s’entrelacent, afin de porter les esprits dans l’étreinte enchanteresse de l’insolite.
Carol Ziadé Ajami
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