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- Changement de paradigme: cramponnez-vous, Libanais!
Ce n’est pas une boutade. À partir du premier avril 2024, les règles d’engagement entre l’Iran et Israël ont été modifiées et ce n’aura pas été sans conséquence pour nous Libanais! Tacites fussent-elles ou expresses, ces règles avaient maintenu une situation assez insolite de «ni paix, ni guerre» à notre frontière sud depuis les hostilités ouvertes à l’été 2006 par sayyed Hassan Nasrallah(1). Mais ce n’est pas l’avis de Seth Cropsey qui, ignorant l’impact du raid sur le consulat iranien à Damas, ne lui attribue pas l’aspect provocateur qui a fait monter la crise d’un cran. Cet ex-responsable du ministère de la Défense, s’exprimant sur les pages du Washington Post a l’air de croire que c’est plutôt la riposte du 13 avril, date de l’attaque iranienne sur le territoire israélien, qui a modifié la donne(2).
Mais quelle différence, puisque, dans un cas comme dans l’autre, nous voilà, nous Libanais, à l’aube d’une nouvelle ère autrement plus périlleuse que la précédente. Et de fait, nous sommes régis par le principe des vases communicants, qui a fait de nous une ligne de défense avancée des ambitions régionales de l’empire des mollahs. Il ne nous reste plus qu’à compter à rebours jusqu’à ce que le minuteur régional donne le signal de la destruction programmée de notre pays, c’est-à-dire celui de la tabula rasa. Le sort qu’on a réservé à Gaza peut nous donner une idée de ce qui attend certaines de nos provinces libanaises et autres sites urbains sur la côte méditerranéenne.
État des lieux et constat d’huissier
Non, l’attaque iranienne du 13 avril et la riposte israélienne du 19 de ce mois ne se sont pas terminées «en partie d’échecs dont tout le monde est sorti gagnant», comme l’affirme trop aisément le politiste Denis Charbit(3). Bien au contraire, le territoire israélien a bénéficié de sa sanctuarisation, alors que le territoire iranien n’a pas pu y prétendre, toutes mesures gardées. Pour preuve, le symbolisme de la frappe de la région d’Ispahan, siège de certains sites nucléaires, n’a pas échappé au régime des mollahs qui se sont retenus de riposter.
Disons-le: en dépit de certains succès sur le terrain, l’Iran n’est toujours pas de taille à se mesurer à l’État hébreu épaulé qu’il est par les pays occidentaux. Israël a fait «la preuve de sa capacité à se tirer d’affaire même sous une pluie de drones et de missiles. Comme il a démontré qu’il lui était loisible de frapper les installations afférentes au programme nucléaire iranien», si l’envie lui en prenait. Quand on songe que ce sont les États-Unis qui l’ont retenu en l’espèce, pour ne pas envenimer les choses! Washington, ayant d’autres chats à fouetter, ne souhaitait pas l’escalade.
«Give a dollar and kill an Arab»
Le coup de main du 7 octobre initié par Yahia Sinouar et les massacres dont les images envahissent nos écrans depuis 200 jours n’ont certes pas amélioré le sort des Gazaouis. Loin de là! Toutefois, cette «intifada» du Hamas a remis l’affaire de la Palestine sur le tapis, aussi bien aux États-Unis, au Royaume-Uni qu’en France. Qui aurait pu imaginer ce mouvement d’étudiants à Columbia University et qui plus est d’étudiants juifs qui remettent en cause la politique de l’État hébreu et contestent jusqu’à son existence? Nous avions toujours cru que les universités américaines étaient la chasse gardée de l’intelligentsia israélite. Eh bien, quel changement de paradigme! Quand on songe que dans la foulée de la guerre des 6 jours, c’est-à-dire en 1967, une même jeunesse juive quêtait l’argent des passants dans les rues de New York, brandissant des pancartes qui affichaient: «Give a dollar and kill an Arab». Netanyahou n’en revient pas! Et c’est sans parler de Mélenchon en France et des diverses cités britanniques qui, faut-il croire, ont changé de bord.
Mais est-ce le seul paradigme que la perpétuation des massacres a fini par modifier?
Le Liban sur l’autel du sacrifice
Les nouvelles nous parviennent dans l’ordre et le désordre ces derniers jours: «Plus de 150 obus israéliens sur Chebaa et Kfarchouba», «11 blessés dans une frappe israélienne», «zone frontalière: tensions accrues», «attaques par missiles téléguidés et tirs d’artillerie» et j’en passe. Comment survivre à ce régime?
Alors qu’Amos Hochstein œuvre pour dissocier le dossier de Gaza de celui du Liban-Sud, Stéphane Séjourné débarque à Beyrouth pour faire entendre raison au Hezbollah, l’État libanais, grand handicapé de guerre, étant absent de la scène. Le ministre français des Affaires étrangères avait proposé, lors de son dernier périple, une feuille de route: retrait de la force Al-Redwan des frontières (10 kilomètres, dit-on) pour prix d’un arrêt des bombardements israéliens sur le territoire libanais.
Les choses étant ce qu’elles sont, Hassan Nasrallah a toujours refusé d’entamer les négociations avant d’obtenir préalablement un cessez-le-feu à Gaza. Or si cette attitude pouvait passer pour honorable il y a six mois, elle n’est plus réaliste aujourd’hui. Elle est désormais dénuée de pertinence, alors qu’elle aurait pu, en octobre dernier, exprimer une solidarité avec les guérilleros du Hamas. Mais une solidarité qui dès le départ dissimulait maladroitement l’hésitation du Hezb à entrer dans la fournaise, à la rescousse de Gaza et de ses habitants.
Prisonnier de son discours héroïque et mobilisateur, le Hezbollah ne pourrait faire preuve de flexibilité sans se rendre parjure, sans perdre la face. Après avoir fait le matamore, il ne peut venger ses cadres abattus sélectivement jusque dans leurs foyers et voitures individuelles. Le Hezb ne peut plus compter sur l’Iran qui, ayant tiré les conclusions du raid sur Ispahan, va faire le dos rond. Le régime des mollahs, pour assurer sa survie, va offrir ses troupes supplétives en sacrifice sur l’autel des martyrs. Et le Liban et les Libanais avec!
[email protected]
1-Le sayyed avait fini par avouer que s’il avait pu prévoir l’ampleur des dégâts, il se serait bien privé de s’engager dans l’aventure coûteuse.
2-Seth Cropsey, «Step Up Pressure on Iran’s Proxies», The Washington Post, le 21 avril 2024.
3-Denis Charbit, «Iran-Israël: l’attaque s’est terminée en partie d’échecs dont tout le monde est sorti gagnant», Le Monde, le 27 avril 2024.
4-Youssef Mouawad, «Iran-Israël: duel à fleurets mouchetés», Ici Beyrouth, le 26 avril 2024.
Mais quelle différence, puisque, dans un cas comme dans l’autre, nous voilà, nous Libanais, à l’aube d’une nouvelle ère autrement plus périlleuse que la précédente. Et de fait, nous sommes régis par le principe des vases communicants, qui a fait de nous une ligne de défense avancée des ambitions régionales de l’empire des mollahs. Il ne nous reste plus qu’à compter à rebours jusqu’à ce que le minuteur régional donne le signal de la destruction programmée de notre pays, c’est-à-dire celui de la tabula rasa. Le sort qu’on a réservé à Gaza peut nous donner une idée de ce qui attend certaines de nos provinces libanaises et autres sites urbains sur la côte méditerranéenne.
État des lieux et constat d’huissier
Non, l’attaque iranienne du 13 avril et la riposte israélienne du 19 de ce mois ne se sont pas terminées «en partie d’échecs dont tout le monde est sorti gagnant», comme l’affirme trop aisément le politiste Denis Charbit(3). Bien au contraire, le territoire israélien a bénéficié de sa sanctuarisation, alors que le territoire iranien n’a pas pu y prétendre, toutes mesures gardées. Pour preuve, le symbolisme de la frappe de la région d’Ispahan, siège de certains sites nucléaires, n’a pas échappé au régime des mollahs qui se sont retenus de riposter.
Disons-le: en dépit de certains succès sur le terrain, l’Iran n’est toujours pas de taille à se mesurer à l’État hébreu épaulé qu’il est par les pays occidentaux. Israël a fait «la preuve de sa capacité à se tirer d’affaire même sous une pluie de drones et de missiles. Comme il a démontré qu’il lui était loisible de frapper les installations afférentes au programme nucléaire iranien», si l’envie lui en prenait. Quand on songe que ce sont les États-Unis qui l’ont retenu en l’espèce, pour ne pas envenimer les choses! Washington, ayant d’autres chats à fouetter, ne souhaitait pas l’escalade.
«Give a dollar and kill an Arab»
Le coup de main du 7 octobre initié par Yahia Sinouar et les massacres dont les images envahissent nos écrans depuis 200 jours n’ont certes pas amélioré le sort des Gazaouis. Loin de là! Toutefois, cette «intifada» du Hamas a remis l’affaire de la Palestine sur le tapis, aussi bien aux États-Unis, au Royaume-Uni qu’en France. Qui aurait pu imaginer ce mouvement d’étudiants à Columbia University et qui plus est d’étudiants juifs qui remettent en cause la politique de l’État hébreu et contestent jusqu’à son existence? Nous avions toujours cru que les universités américaines étaient la chasse gardée de l’intelligentsia israélite. Eh bien, quel changement de paradigme! Quand on songe que dans la foulée de la guerre des 6 jours, c’est-à-dire en 1967, une même jeunesse juive quêtait l’argent des passants dans les rues de New York, brandissant des pancartes qui affichaient: «Give a dollar and kill an Arab». Netanyahou n’en revient pas! Et c’est sans parler de Mélenchon en France et des diverses cités britanniques qui, faut-il croire, ont changé de bord.
Mais est-ce le seul paradigme que la perpétuation des massacres a fini par modifier?
Le Liban sur l’autel du sacrifice
Les nouvelles nous parviennent dans l’ordre et le désordre ces derniers jours: «Plus de 150 obus israéliens sur Chebaa et Kfarchouba», «11 blessés dans une frappe israélienne», «zone frontalière: tensions accrues», «attaques par missiles téléguidés et tirs d’artillerie» et j’en passe. Comment survivre à ce régime?
Alors qu’Amos Hochstein œuvre pour dissocier le dossier de Gaza de celui du Liban-Sud, Stéphane Séjourné débarque à Beyrouth pour faire entendre raison au Hezbollah, l’État libanais, grand handicapé de guerre, étant absent de la scène. Le ministre français des Affaires étrangères avait proposé, lors de son dernier périple, une feuille de route: retrait de la force Al-Redwan des frontières (10 kilomètres, dit-on) pour prix d’un arrêt des bombardements israéliens sur le territoire libanais.
Les choses étant ce qu’elles sont, Hassan Nasrallah a toujours refusé d’entamer les négociations avant d’obtenir préalablement un cessez-le-feu à Gaza. Or si cette attitude pouvait passer pour honorable il y a six mois, elle n’est plus réaliste aujourd’hui. Elle est désormais dénuée de pertinence, alors qu’elle aurait pu, en octobre dernier, exprimer une solidarité avec les guérilleros du Hamas. Mais une solidarité qui dès le départ dissimulait maladroitement l’hésitation du Hezb à entrer dans la fournaise, à la rescousse de Gaza et de ses habitants.
Prisonnier de son discours héroïque et mobilisateur, le Hezbollah ne pourrait faire preuve de flexibilité sans se rendre parjure, sans perdre la face. Après avoir fait le matamore, il ne peut venger ses cadres abattus sélectivement jusque dans leurs foyers et voitures individuelles. Le Hezb ne peut plus compter sur l’Iran qui, ayant tiré les conclusions du raid sur Ispahan, va faire le dos rond. Le régime des mollahs, pour assurer sa survie, va offrir ses troupes supplétives en sacrifice sur l’autel des martyrs. Et le Liban et les Libanais avec!
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1-Le sayyed avait fini par avouer que s’il avait pu prévoir l’ampleur des dégâts, il se serait bien privé de s’engager dans l’aventure coûteuse.
2-Seth Cropsey, «Step Up Pressure on Iran’s Proxies», The Washington Post, le 21 avril 2024.
3-Denis Charbit, «Iran-Israël: l’attaque s’est terminée en partie d’échecs dont tout le monde est sorti gagnant», Le Monde, le 27 avril 2024.
4-Youssef Mouawad, «Iran-Israël: duel à fleurets mouchetés», Ici Beyrouth, le 26 avril 2024.
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