La découverte de nouvelles régions génomiques liées à la pression artérielle ouvre des perspectives cruciales pour la compréhension et le traitement de l’hypertension artérielle. À l’occasion de la journée internationale de cette pathologie silencieuse, fixé au 17 mai, Ici Beyrouth fait le point.
L’hypertension artérielle (HTA) représente un enjeu majeur en matière de santé publique à l’échelle mondiale. En effet, en l’absence d’un diagnostic précoce ou d’une prise en charge adéquate, cette pathologie peut entraîner des complications graves, telles que des accidents vasculaires cérébraux (AVC), des infarctus du myocarde, une insuffisance cardiaque, des lésions rénales et bien d’autres problèmes de santé.
Dans son premier rapport mondial sur l’HTA, publié en septembre 2023, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) tire la sonnette d’alarme, évoquant une «course contre un tueur silencieux». Entre 1990 et 2019, le nombre de personnes présentant cette pathologie a considérablement augmenté, passant de 650 millions à 1,3 milliard. Toujours selon l’OMS, le tiers de la population adulte en est atteinte, la majorité des cas étant enregistrés dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. Selon le même rapport, seuls 54% des adultes atteints d’HTA sont diagnostiqués, 42% reçoivent un traitement, et seulement 21% des patients ont leur tension artérielle contrôlée.
Ces données soulignent la nécessité d’une sensibilisation accrue et d’une meilleure prise en charge de cette maladie dite, à juste titre, silencieuse. En fait, les patients demeurent souvent asymptomatiques durant de nombreux mois, voire des années, ce qui retarde le diagnostic et pourrait ainsi conduire à une prise en charge insuffisante. Le rapport de l’OMS indique également que près de quatre personnes sur cinq souffrant d’HTA ne bénéficient pas d’un traitement adéquat. Toutefois, en améliorant l’accès à ce dernier, il serait possible de prévenir 76 millions de décès entre 2023 et 2050.
Origine inconnue
L’HTA est une pathologie cardiovasculaire qui se traduit par une augmentation anormale de la pression du sang sur la paroi des artères (140/90 mmHg ou plus). Elle peut être classée en deux catégories principales: l’hypertension primaire et l’hypertension secondaire. L’hypertension primaire, également connue sous le nom d’hypertension essentielle, est la forme la plus courante, représentant près de 95% des cas. Elle est qualifiée d’idiopathique, ce qui signifie qu’elle se développe sans cause identifiable spécifique.
En revanche, l’hypertension secondaire est causée par des facteurs sous-jacents identifiables, tels que des maladies rénales, surrénales, vasculaires ou endocriniennes, certains traitements médicaments (comme les corticoïdes, les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les décongestionnants nasaux, les contraceptifs oraux et certains antimigraineux), ou exceptionnellement des pathologies génétiques rares (l’hypertension hyperkaliémique familiale, appelée aussi syndrome de Gordon).
Pathologie polygénique
Alors que les causes directes demeurent encore inconnues, plusieurs facteurs peuvent augmenter le risque de développer une HTA. Parmi ceux-ci, certains sont environnementaux et donc susceptibles d’être modifiés ou du moins contrôlés, tels que le tabagisme, un régime alimentaire riche en sel, l’hypercholestérolémie, le diabète, l’obésité et la sédentarité.
D’autres, en revanche, semblent être prédisposés dès la naissance par le code génétique. De nombreuses études d’association pangénomique (des études permettant d’identifier des variations génétiques fréquentes associées à une maladie sur l’ensemble du génome, NDLR) ont mis en évidence l’architecture génétique complexe de cette pathologie qui est résolument polygénique. En d’autres termes, la HTA est influencée par de multiples gènes agissant de manière combinée.
Une étude récente, parue le 30 avril dans Nature Genetics, visait à identifier de nouvelles régions génomiques liées à la pression artérielle. Il s’agit de l’une des plus vastes études génomiques jamais réalisées sur cette maladie, englobant des données issues de plus d’un million de participants. Elle pose des bases solides permettant aux chercheurs de mieux comprendre les mécanismes de régulation de la pression artérielle et ainsi d’identifier de nouvelles cibles potentielles pour le développement de nouveaux médicaments antihypertenseurs. Les conclusions de cette étude sont basées sur l’analyse d’un ensemble de données issues de quatre études d’association pangénomique, impliquant un échantillon de 1.028.980 adultes.
Nouveaux loci génomiques
Selon les résultats publiés, Keaton et al. ont identifié 113 nouvelles régions du génome humain, également appelées loci génomiques, qui semblent influencer la pression artérielle d’une personne. «Ces nouvelles observations génétiques peuvent offrir des opportunités pour des expérimentations supplémentaires dans des systèmes modèles et élucider des cibles potentielles pour le développement ou la réaffectation de médicaments», peut-on lire dans la publication.
Par ailleurs, les chercheurs ont pu calculer un score de risque polygénique, combinant les effets de toutes les variantes génomiques, qui permet de prédire le risque de HTA. Quoique les données collectées proviennent principalement de personnes d’ascendance européenne, les chercheurs ont constaté que ce score était également applicable aux personnes d’ascendance africaine.
Les résultats suggèrent également que le métabolisme du fer pourrait avoir un impact sur le contrôle de la pression artérielle et sur les maladies cardiovasculaires liées à l’hypertension. Cette constatation appuie les résultats d’autres études qui ont établi une corrélation entre l’excès de fer et les maladies cardiovasculaires. Bien que ces résultats soient prometteurs, les auteurs soulignent l’importance de poursuivre les efforts pour étendre davantage la taille de l’échantillon. Ce qui permet de renforcer les corrélations.
Ces recherches permettraient d’adopter des mesures préventives et thérapeutiques plus efficaces pour réduire l’impact néfaste de l’HTA et ses complications sur la santé globale.
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