La Chine parviendra-t-elle à instaurer la paix entre la Russie et l'Ukraine?

Les déclarations du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, concernant la possibilité pour la Chine d’organiser une conférence de paix entre la Russie et l'Ukraine, sont significatives et méritent une attention particulière en raison de leurs implications politiques, qui touchent aux équilibres des puissances internationales et reposent sur certains faits spécifiques, parmi lesquels les suivants:
- Les développements sur le terrain de la guerre entre la Russie et l'Ukraine ont montré que l'équilibre négatif entre les deux parties est presque acté. Les forces russes n'ont pas réussi à occuper l'Ukraine en quelques heures comme elles l'espéraient au début de leurs opérations militaires, ni à provoquer l'effondrement du régime ukrainien et la reddition du président et de son gouvernement. De même, l'Ukraine, forte du soutien du camp occidental qui l'a inondée d'armes sophistiquées, n'a pas réussi à repousser l'attaque russe et à la faire reculer.
- Les développements de la guerre israélienne dans la bande de Gaza ont éclipsé les évolutions du conflit en Ukraine. Cependant, la durée prolongée de la guerre à Gaza a permis à Kiev de réactiver la mobilisation politique nécessaire pour continuer sa lutte contre Moscou et rejeter la nouvelle réalité sur le terrain imposée par la Russie, notamment en ce qui concerne les territoires qu'elle a occupés.
- La montée de courants qui prônent la realpolitik dans de nombreux forums internationaux plaide en faveur d'une résolution pacifique de ce conflit prolongé, sans nécessairement considérer la défaite de la Russie comme une condition préalable essentielle pour mettre fin à la guerre. Cette approche prend en compte l'influence et les capacités de Moscou, ainsi que le refus d'autres puissances mondiales, notamment la Chine, d'autoriser une victoire écrasante du camp occidental, ce qui pourrait entraîner un déséquilibre significatif des forces internationales.

À la lumière de ces développements, l'idée d’organiser une conférence pour la paix semble tout à fait pertinente. En effet, toutes les parties impliquées dans ce conflit se trouvent actuellement dans une impasse, surtout que la guerre en Ukraine a déjà englouti des centaines de milliards de dollars, principalement au profit de fabricants d'armes lourdes et légères ainsi que les entités qui les soutiennent, sans aboutir à des résultats décisifs sur le plan militaire ou politique. Partant, la recherche de nouvelles approches s’avère nécessaire.
Il est tout à fait normal que les parties disposant d'une influence internationale importante œuvrent en faveur de la paix. Cela confèrera à l’initiative davantage de crédibilité sur la scène internationale et lui permettra d'avoir une influence sur les belligérants et sur leurs soutiens.
Il est incontestable que Pékin ne maintient pas une neutralité égale vis-à-vis des parties impliquées dans le conflit, manifestant plutôt une nette préférence pour son alliée de longue date, Moscou. Néanmoins, la capitale chinoise réussit là où les États-Unis, engagés dans de multiples crises internationales, rencontrent des difficultés. De plus, les États-Unis jouent un rôle central dans ce conflit en apportant leur soutien à Kiev, comme en témoigne la visite du président Biden et ses assurances répétées que l'Ukraine ne sera pas abandonnée dans cette guerre meurtrière.
La Chine a également remporté plusieurs succès dans plusieurs dossiers complexes sur la scène politique internationale, notamment dans sa médiation «historique» entre l'Arabie saoudite et l'Iran, ce qui a permis des avancées significatives dans les relations bilatérales entre ces deux puissances régionales majeures. Cependant, les circonstances régionales ont entravé la pleine mise en œuvre de ces accords en raison de la guerre israélienne contre Gaza, ainsi que de ses retombées ultérieures (notamment l'implication des Houthis dans le conflit d'une manière ou d'une autre).
En fin de compte, ce qui importe vraiment, c'est de suivre de près la position des États-Unis vis-à-vis de cette initiative chinoise, pour voir si Washington est réellement prêt à mettre fin à cette guerre par procuration avec Moscou, ou si elle continuera à soutenir militairement Kiev et à encourager également ses alliés européens à faire de même. Washington pourrait «négocier» cette position avec Pékin en échange de certains avantages dans le domaine des relations commerciales entre les deux nations, tout en essayant de tempérer la compétition économique acharnée entre elles, compte tenu de nombreux dossiers bilatéraux sensibles. Il s’agit d’une décision stratégique majeure, qui pourrait s'avérer difficile à prendre à quelques mois seulement des élections présidentielles américaines.
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