Pour mieux lutter contre les abus exercés sur les enfants et les protéger, des spécialistes de la protection juvénile insistent sur l’importance de signaler à la justice ces actes.
Le scandale des TikTokeurs pédophiles, qui a éclaté fin avril, a souligné l’importance du signalement de tout abus commis contre les enfants. Ce réseau n’aurait pas pu être dévoilé si les parents de huit mineurs, victimes d’abus sexuels après avoir été forcés à consommer de la drogue, n’avaient pas saisi la justice, après que leurs enfants ont signalé ces abus. Fin mai, ce sont des responsables d’une école à Kfarchima qui ont été arrêtés pour des abus sexuels contre des élèves, le père de l’une d’entre elles ayant écouté un message vocal envoyé par l’enseignant à la jeune fille.
La loi 422, adoptée par le Parlement le 6 juin 2002, «assure la protection judiciaire des enfants victimes d’abus quels qu’ils soient», explique à Ici Beyrouth Leila Awada, avocate et cofondatrice de Kafa. «Conformément aux dispositions de cette loi, toute personne peut signaler un abus commis contre un mineur, même le mineur lui-même, explique-t-elle. D’après cette loi, le juge est le responsable juridique du mineur. Il prend les mesures nécessaires pour le protéger, une fois le signalement fait. D’où l’importance de sensibiliser la population, mais surtout les mineurs, à signaler tout abus. Le signalement est une responsabilité sociale.»
Peur du scandale
Or rares sont les mineurs – et les parents – qui signalent à la justice un abus. Les raisons sont multiples. «La peur du scandale, la honte, le regard que pourrait poser la société sur les victimes sont les principaux obstacles qui dissuadent les victimes de signaler un abus», constate Roula Lebbos, assistante sociale, consultante et formatrice en protection juvénile. À cela s’ajoutent «le chantage affectif exercé par les agresseurs qui menacent l’enfant de faire du mal à ses proches, ou encore les ‘cadeaux’ qu’ils lui offrent, comme des vêtements, des friandises ou autres… lorsqu’ils le sollicitent». «Souvent les victimes ne réalisent pas immédiatement qu'elles sont maltraitées, souligne Mme Lebbos. Ce qui complique encore davantage la situation. Parfois ces abus sont découverts de manière fortuite, lorsque les enfants partagent leurs expériences à l’école, par le biais de dessins, ou en en parlant à leurs amis.»
Pour Mme Lebbos, le fait de ne pas signaler un abus a un impact «catastrophique» sur l’enfant. «Un enfant victime d’abus ne pourra jamais oublier, met-elle en garde. L’incident l’accompagnera toute sa vie. Certains auront recours à une thérapie pour surmonter ce traumatisme. Mais, même avec une thérapie, l’absence de recours juridique peut être vécue comme un second abus, laissant à l’enfant le sentiment persistant d’être victime.»
Procédure
Leila Awada et Roula Lebbos insistent sur la nécessité de sensibiliser la population à l’importance du signalement pour protéger l’enfant victime d’abus. Conformément à la loi 422, celui-ci peut être déposé auprès du juge des enfants, du parquet général, des postes de gendarmerie, du bureau de cybercriminalité… Il est même possible de signaler l’abus à une personne de confiance, comme une assistante sociale, un enseignant, la direction de l’école…, ou encore à une ONG qui s’occupe des droits des enfants.
«L’auteur du signalement peut réclamer l’anonymat, insiste Mme Lebbos. Cela est important pour le protéger, surtout si c’est l’enfant qui prend l’initiative de signaler l’abus dont il est victime. En général, si l’abuseur est un membre de la famille, l’intervention est rapide pour faire sortir l’abuseur de la maison et assurer à l’enfant un endroit sûr.»
Pour Me Awada, les lois qui existent sont suffisantes pour assurer la protection à l’enfant. Le problème reste, pour elle, «la protection politique dont bénéficient certains agresseurs et les pressions exercées sur les juges pour les acquitter».
Le rôle des parents
Les parents ont aussi un rôle important à jouer pour protéger leurs enfants des abus sur la Toile et les réseaux sociaux. Omar Kaskas, expert et spécialiste en réseaux sociaux, souligne l’importance des «outils de contrôle parental ou de couplage familial qu’offrent les différentes plateformes sur les réseaux sociaux et qui permettent aux parents de surveiller et de limiter l’activité en ligne de leurs enfants».
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