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- Israël: le scandale des sous-marins qui pourrait torpiller Netanyahou
Une commission israélienne a averti lundi Benjamin Netanyahou qu'il pourrait être inquiété par la justice, pour avoir enfreint les procédures lors de l'achat de sous-marins allemands, entre 2009 et 2016. Entre corruption et conflits d'intérêts, retour sur l'une des affaires qui pourrait coûter cher au Premier ministre israélien.
Une commission israélienne, enquêtant sur des soupçons de malversations dans l’achat par le gouvernement israélien de sous-marins et de navires de guerre à l’Allemagne, a lancé un avertissement au premier ministre Benjamin Netanyahou, lundi, selon des informations rapportées par l’agence Reuters.
Cette commission aurait informé M. Netanyahou que, sur la base des preuves recueillies jusqu’à présent, elle pourrait finalement déterminer qu’il a utilisé sa position de Premier ministre entre 2009 et 2016 pour donner son feu vert à ces achats sans respecter les procédures.
Le «scandale des sous-marins» en Israël, également connu sous le nom d’«affaire 3.000», est un scandale de corruption qui a éclaté en 2016, impliquant de hauts responsables politiques et militaires israéliens. Il a mis en lumière des allégations de corruption, de conflit d’intérêts et de fraude.
Depuis la fin des années 1950, Israël a développé un partenariat stratégique avec l’Allemagne dans le domaine de la défense. Au début de la décennie 1990, cette coopération est notamment marquée par l’achat de sous-marins de classe Dolphin, fabriqués par le chantier naval allemand ThyssenKrupp, par Tel-Aviv.
Le sous-marin israélien "Dolphin" navigue en Méditerranée près de la ville côtière de Tel Aviv lors de manœuvres navales spéciales à l'occasion du 60e anniversaire de l'indépendance d'Israël, le 5 mai 2008. Le "Dolphin", un sous-marin construit en Allemagne, mesure 56,4 m de long et a un rayon d'action de 4 500 milles nautiques. Il est armé de dix tubes polyvalents de 21 pouces pour les torpilles, les mines, les missiles et les leurres. (GALI TIBBON / AFP)
Ces sous-marins devaient notamment contribuer à la capacité de dissuasion nucléaire de l’État hébreu. Au total, six exemplaires sont achetés par ce dernier, les livraisons s’étalant entre 1999 et 2017. Mais en 2016, des accusations émergent concernent des pots-de-vin et des commissions illégales versées pour influencer la prise de décision concernant l’achat de ces sous-marins et d’autres navires.
L’enquête est déclenchée par des informations fournies par un dénonciateur, conduisant à une série d’arrestations et d’interrogatoires de hauts responsables civils et militaires. On y retrouve notamment Miki Ganor, représentant de ThyssenKrupp en Israël, au cœur des allégations. Celui-ci fut accusé d’avoir versé des pots-de-vin à divers responsables pour garantir l’achat des sous-marins et d’autres navires de guerre.
Vient ensuite David Shimron, avocat de M. Ganor. Celui-ci est poursuivi pour avoir utilisé son influence dans le but de favoriser l’accord, en faisant office d’agent de liaison pour son client. D’autres figures, telles que l’ancien commandant de la marine israélienne Eliezer Marom, étaient également impliquées.
David Shimron et Miki Ganor sont arrêtés en juillet 2017. Le second signe alors un accord avec la justice israélienne, acceptant de fournir des preuves en échange d’une réduction de peine.
Le scandale a entraîné des répercussions politiques considérables. Et ce, pour une raison très simple: M. Shimron n’est autre que l’avocat personnel de M. Netanyahou, Premier ministre depuis 2009. Or, c’est bien le bureau de ce dernier qui a mené les négociations autour de ce contrat, dans un processus qui a par ailleurs été critiqué par des responsables politiques et militaires israéliens pour son opacité.
L'avocat israélien David Shimron assiste à une audience au nom du Premier ministre israélien (invisible) au tribunal de première instance de Rishon Lezion, le 23 janvier 2023. (ABIR SULTAN / POOL / AFP)
Ce dernier point a également entraîné des répercussions politiques et judiciaires, le scandale des sous-marins Dolphins soulevant des préoccupations concernant la sécurité nationale d’Israël. Bien qu’à l’époque, Benjamin Netanyahou n’ait pas été directement accusé, l’affaire ternit son image et celle de son gouvernement et dévoile que la corruption est présente jusque dans les plus hautes sphères de l’État.
Le Premier ministre fut néanmoins interrogé par la police pendant plusieurs heures dans le cadre de l’affaire 2018, mais a été depuis traité comme un témoin et non comme un suspect. Des appels furent lancés pour une enquête plus approfondie sur son rôle potentiel, notamment en raison de sa proximité avec certains des accusés.
En 2020, la Knesset, dominée par une coalition menée par le Likoud, le parti de M. Netanyahou, rejette un projet de loi visant à créer une commission d’enquête sur le scandale de la corruption des sous-marins. Deux ans plus tard, celle-ci est finalement mise sur pied – non sans mal – sous la coalition de Benny Gantz et Naftali Bennett. Mais celle-ci n’avait jamais trouvé d’éléments pouvant mettre l’actuel Premier ministre en danger, du moins, jusqu’à hier...
En effet, l’avertissement pourrait bien précéder un passage du statut de témoin à celui de suspect. Dans sa déclaration, la commission affirme explicitement que M. Netanyahou, en ayant «créé un canal d’action parallèle» aux procédures habituelles en matière d’achat d’armements, «a mis en danger la sécurité de l’État et a nui aux relations extérieures et aux intérêts économiques de l’État d’Israël».
D’autant que le Premier ministre est déjà visé par trois autres enquêtes. La première, considérée comme la plus dangereuse pour lui, est surnommée «l’affaire 4.000». Elle concerne des accusations de corruption, où M. Netanyahou est soupçonné d’avoir offert des concessions valant des centaines de millions de dollars à Shaul Elovitch, actionnaire majoritaire de Bezeq Telecommunications, en échange d’une couverture favorable sur son média Walla.
Viennent ensuite «l’affaire 1.000» et «l’affaire 2.000», portant sur des accusations de trafic d’influence. Dans la première, Netanyahou est accusé d’avoir accepté des cadeaux de riches hommes d’affaires en échange de faveurs politiques. En ce qui concerne la seconde, il aurait conclu un accord avec Arnon Mozes, directeur de Yedioth Ahronoth, pour obtenir une couverture favorable en échange de la dégradation d’un journal concurrent via une nouvelle législation.
L’étau pourrait donc se resserrer plus vite que prévu autour de celui dont la longévité au poste de Premier ministre en Israël est inégalée. Mais ce dernier demeure presque intouchable tant qu’il reste en fonction.
Benjamin Netanyahou semble l’avoir bien compris: du président américain Joe Biden à son opposant politique Yaïr Lapid, nombreux sont ceux l’accusant de prolonger la guerre contre le Hamas dans le seul but de protéger ses arrières, en refusant de conclure un accord de libération d’otages et de cessez-le-feu. Et ce, malgré une opposition grandissante à sa politique au niveau domestique.
En plus d’éviter le risque de perdre son poste à l’issue de nouvelles élections, cela lui permet de détourner l’attention des accusations de corruption qui pèsent à son encontre. Un instinct de survie politique démontrant que le Premier ministre israélien semble décidé à tout sacrifier pour se maintenir au pouvoir.
Une commission israélienne, enquêtant sur des soupçons de malversations dans l’achat par le gouvernement israélien de sous-marins et de navires de guerre à l’Allemagne, a lancé un avertissement au premier ministre Benjamin Netanyahou, lundi, selon des informations rapportées par l’agence Reuters.
Cette commission aurait informé M. Netanyahou que, sur la base des preuves recueillies jusqu’à présent, elle pourrait finalement déterminer qu’il a utilisé sa position de Premier ministre entre 2009 et 2016 pour donner son feu vert à ces achats sans respecter les procédures.
Contexte et origine
Le «scandale des sous-marins» en Israël, également connu sous le nom d’«affaire 3.000», est un scandale de corruption qui a éclaté en 2016, impliquant de hauts responsables politiques et militaires israéliens. Il a mis en lumière des allégations de corruption, de conflit d’intérêts et de fraude.
Depuis la fin des années 1950, Israël a développé un partenariat stratégique avec l’Allemagne dans le domaine de la défense. Au début de la décennie 1990, cette coopération est notamment marquée par l’achat de sous-marins de classe Dolphin, fabriqués par le chantier naval allemand ThyssenKrupp, par Tel-Aviv.
Le sous-marin israélien "Dolphin" navigue en Méditerranée près de la ville côtière de Tel Aviv lors de manœuvres navales spéciales à l'occasion du 60e anniversaire de l'indépendance d'Israël, le 5 mai 2008. Le "Dolphin", un sous-marin construit en Allemagne, mesure 56,4 m de long et a un rayon d'action de 4 500 milles nautiques. Il est armé de dix tubes polyvalents de 21 pouces pour les torpilles, les mines, les missiles et les leurres. (GALI TIBBON / AFP)
Ces sous-marins devaient notamment contribuer à la capacité de dissuasion nucléaire de l’État hébreu. Au total, six exemplaires sont achetés par ce dernier, les livraisons s’étalant entre 1999 et 2017. Mais en 2016, des accusations émergent concernent des pots-de-vin et des commissions illégales versées pour influencer la prise de décision concernant l’achat de ces sous-marins et d’autres navires.
L’enquête est déclenchée par des informations fournies par un dénonciateur, conduisant à une série d’arrestations et d’interrogatoires de hauts responsables civils et militaires. On y retrouve notamment Miki Ganor, représentant de ThyssenKrupp en Israël, au cœur des allégations. Celui-ci fut accusé d’avoir versé des pots-de-vin à divers responsables pour garantir l’achat des sous-marins et d’autres navires de guerre.
Vient ensuite David Shimron, avocat de M. Ganor. Celui-ci est poursuivi pour avoir utilisé son influence dans le but de favoriser l’accord, en faisant office d’agent de liaison pour son client. D’autres figures, telles que l’ancien commandant de la marine israélienne Eliezer Marom, étaient également impliquées.
Enquête et développements
David Shimron et Miki Ganor sont arrêtés en juillet 2017. Le second signe alors un accord avec la justice israélienne, acceptant de fournir des preuves en échange d’une réduction de peine.
Le scandale a entraîné des répercussions politiques considérables. Et ce, pour une raison très simple: M. Shimron n’est autre que l’avocat personnel de M. Netanyahou, Premier ministre depuis 2009. Or, c’est bien le bureau de ce dernier qui a mené les négociations autour de ce contrat, dans un processus qui a par ailleurs été critiqué par des responsables politiques et militaires israéliens pour son opacité.
L'avocat israélien David Shimron assiste à une audience au nom du Premier ministre israélien (invisible) au tribunal de première instance de Rishon Lezion, le 23 janvier 2023. (ABIR SULTAN / POOL / AFP)
Ce dernier point a également entraîné des répercussions politiques et judiciaires, le scandale des sous-marins Dolphins soulevant des préoccupations concernant la sécurité nationale d’Israël. Bien qu’à l’époque, Benjamin Netanyahou n’ait pas été directement accusé, l’affaire ternit son image et celle de son gouvernement et dévoile que la corruption est présente jusque dans les plus hautes sphères de l’État.
Le Premier ministre fut néanmoins interrogé par la police pendant plusieurs heures dans le cadre de l’affaire 2018, mais a été depuis traité comme un témoin et non comme un suspect. Des appels furent lancés pour une enquête plus approfondie sur son rôle potentiel, notamment en raison de sa proximité avec certains des accusés.
En 2020, la Knesset, dominée par une coalition menée par le Likoud, le parti de M. Netanyahou, rejette un projet de loi visant à créer une commission d’enquête sur le scandale de la corruption des sous-marins. Deux ans plus tard, celle-ci est finalement mise sur pied – non sans mal – sous la coalition de Benny Gantz et Naftali Bennett. Mais celle-ci n’avait jamais trouvé d’éléments pouvant mettre l’actuel Premier ministre en danger, du moins, jusqu’à hier...
Trois autres enquêtes
En effet, l’avertissement pourrait bien précéder un passage du statut de témoin à celui de suspect. Dans sa déclaration, la commission affirme explicitement que M. Netanyahou, en ayant «créé un canal d’action parallèle» aux procédures habituelles en matière d’achat d’armements, «a mis en danger la sécurité de l’État et a nui aux relations extérieures et aux intérêts économiques de l’État d’Israël».
D’autant que le Premier ministre est déjà visé par trois autres enquêtes. La première, considérée comme la plus dangereuse pour lui, est surnommée «l’affaire 4.000». Elle concerne des accusations de corruption, où M. Netanyahou est soupçonné d’avoir offert des concessions valant des centaines de millions de dollars à Shaul Elovitch, actionnaire majoritaire de Bezeq Telecommunications, en échange d’une couverture favorable sur son média Walla.
Viennent ensuite «l’affaire 1.000» et «l’affaire 2.000», portant sur des accusations de trafic d’influence. Dans la première, Netanyahou est accusé d’avoir accepté des cadeaux de riches hommes d’affaires en échange de faveurs politiques. En ce qui concerne la seconde, il aurait conclu un accord avec Arnon Mozes, directeur de Yedioth Ahronoth, pour obtenir une couverture favorable en échange de la dégradation d’un journal concurrent via une nouvelle législation.
Netanyahou acculé?
L’étau pourrait donc se resserrer plus vite que prévu autour de celui dont la longévité au poste de Premier ministre en Israël est inégalée. Mais ce dernier demeure presque intouchable tant qu’il reste en fonction.
Benjamin Netanyahou semble l’avoir bien compris: du président américain Joe Biden à son opposant politique Yaïr Lapid, nombreux sont ceux l’accusant de prolonger la guerre contre le Hamas dans le seul but de protéger ses arrières, en refusant de conclure un accord de libération d’otages et de cessez-le-feu. Et ce, malgré une opposition grandissante à sa politique au niveau domestique.
En plus d’éviter le risque de perdre son poste à l’issue de nouvelles élections, cela lui permet de détourner l’attention des accusations de corruption qui pèsent à son encontre. Un instinct de survie politique démontrant que le Premier ministre israélien semble décidé à tout sacrifier pour se maintenir au pouvoir.
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