Enfant, vous avez probablement visité un zoo avec votre famille ou votre école. Vous vous souvenez avoir admiré des photos de magnifiques animaux sauvages, mais l’idée de les voir de près attise votre curiosité.
Le cœur battant, vous franchissez la porte du zoo pour votre première rencontre avec ces animaux majestueux. Cependant, votre cœur se serre de déception devant ce que vous découvrez.
Les singes se balancent sur des barres de métal au lieu de grimper aux arbres. Les lions arpentent leurs minuscules cages, bien loin de leur habitat naturel dans la savane. Vous vous demandez pourquoi l’ours tire sur sa cage, fixant les céréales dans vos mains avec un regard désespéré, vous suppliant de lui en donner.
Les animaux semblent sans vie, comme des montages de taxidermie accrochés aux murs d’un chasseur fier.
Les animaux sauvages dans les zoos libanais endurent des conditions difficiles – ils sont piégés, affamés et maltraités. La crise économique qui frappe le pays, aggravée par la détérioration de la situation sécuritaire, relègue le sort de ces animaux au bas des priorités du gouvernement.
Heureusement, les ONG de protection des animaux sont intervenues pour sauver ces animaux. Fondée en 2008, Animals Lebanon a réussi à fermer quatre zoos délabrés. Elle a également secouru et relogé plus d’une centaine d’animaux provenant de ces zoos, relocalisant de nombreuses espèces en danger dans des réserves à travers le monde.
Un sauvetage réussi
En mars 2024, Animals Lebanon a sauvé Pi, un lionceau de deux mois exploité par un homme pour promouvoir son compte TikTok. Le propriétaire du compte a partagé avec Ici Beyrouth son rêve «d’acheter un terrain et d’ouvrir un zoo». Depuis, Pi a été transféré au Drakenstein Lion Park en Afrique du Sud.
Deux mois plus tard, l’ONG a recueilli Freya, un autre lionceau. Le propriétaire l’a placée sous la protection de l’ONG en vue de son transfert vers un sanctuaire. Freya a rejoint Pi au sanctuaire le 26 juin. Ayant été élevés en captivité, ils ne peuvent pas être libérés dans la nature.
Alors que Freya et Pi ont la possibilité d’avoir une nouvelle vie, ce n’est malheureusement pas le cas pour les centaines d’animaux encore captifs dans les zoos libanais.
Les lions Pi et Freya, fragiles et traumatisés, ont été envoyés au parc des lions Drakenstein en Afrique du Sud. Graphique : Vanessa Kallas
Quelle est l’utilité des zoos?
Selon National Geographic, «les plus nantis ont créé les premiers zoos comme collections privées pour afficher leur statut. Ces collections privées étaient appelées ménageries. Des gravures murales découvertes en Égypte et en Mésopotamie prouvent que, dès 2500 avant J.-C., les dirigeants et les aristocrates créaient des ménageries».
Ce n’est qu’au dix-huitième siècle que les zoos modernes ont été fondés, témoignant d’un intérêt croissant pour le bien-être animal.
Samara El-Haddad, zoologiste et bénévole chez Lebanese Wildlife, une ONG dédiée à la protection des espèces menacées par la perte de leur habitat et le manque de mesures de conservation, estime que les zoos ne sont éthiques que lorsque les conditions suivantes sont respectées:
- Mettre en œuvre des programmes de conservation efficaces pour les espèces en danger.
- Élaborer des stratégies éducatives pour engager le public dans les efforts de conservation.
- Effectuer des recherches scientifiques pour améliorer la conservation des animaux dans leurs habitats naturels.
Cependant, les zoos au Liban continuent de garder les animaux comme symboles de richesse et de statut.
Les zoos au Liban: non éthiques et illégaux
Au Liban, cinq zoos privés sont actuellement ouverts au public. Outre leur caractère non éthique, la plupart des zoos ne respectent pas les normes internationales et locales.
Le 4 mai 2017, le gouvernement libanais a approuvé une loi sur le bien-être et la protection des animaux, rédigée par Animals Lebanon en collaboration avec le ministère de l’Agriculture.
L’objectif de la loi est «d’assurer la protection et le bien-être des animaux et de régulariser les établissements qui manipulent ou utilisent ces animaux, conformément aux conventions et règlements internationaux».
Le chapitre 7 de cette loi est consacré à la réglementation des zoos: leur fonctionnement, les conditions de vie des animaux et les obligations des propriétaires (articles 20, 21 et 22 respectivement).
Les principales infractions à la loi sont que les zoos acquièrent illégalement des animaux et ne garantissent pas un environnement adapté qui leur permette de s’adonner à leurs comportements naturels.
Des animaux comme les grands félins et les ours sont confinés dans de minuscules cages de 10 mètres par 10.
Selon l’Association mondiale des zoos et aquariums (anglais, Waza), l’enclos extérieur principal pour un lion devrait mesurer au moins 93 mètres carrés, avec un ajout de 46,5 mètres carrés pour chaque lion supplémentaire.
«Les enclos des animaux sont trop petits. En cas de tensions au sein d’un groupe de singes, ils ne peuvent pas s’éloigner d’un mètre les uns des autres. De plus, ils ne peuvent pas se cacher des gens, s’ils le souhaitent. Un bon enclos devrait imiter l’habitat naturel de l’animal», a expliqué Jason Mier, directeur d’Animals Lebanon, à Ici Beyrouth.
De plus, les enclos sont vides de moyens de loisir, ce qui incite les animaux à développer des comportements stéréotypés. «Ces comportements chez les animaux sont dus au stress», explique M. Mier. «Ils peuvent se mordre la queue ou les barreaux de leur cage, faire les cent pas dans leur enclos, voire se grignoter la peau ou les poils.»
D’autre part, souvent les oiseaux ne se comportent pas de manière naturelle. Beaucoup d’entre eux ont les ailes brisées ou les pattes amputées. «La plupart des zoos au Liban préfèrent faire du trafic avec de nouveaux animaux plutôt que de prendre soin de ceux qu’ils possèdent déjà», a ajouté M. Mier.
Chose plus grave encore, les gardiens de zoo provoquent souvent les animaux pour susciter une réaction de leur part, comme forme de «divertissement».
«Les gardiens de zoo qui perturbent les animaux – pour les exhiber ou pour obtenir une réaction – commettent un acte de maltraitance animale», insiste Jason Mier. Ce comportement flagrant indique que les gardiens de zoo n'ont pas l’expertise requise par la loi et ne se soucient pas du bien-être des animaux.
Nocifs pour les animaux, mais également pour les humains
Les zoos au Liban font tout pour divertir les visiteurs au détriment du bien-être des animaux. Certains offrent un service «spécial»: une rencontre avec un animal sauvage. Moyennant un certain prix, les visiteurs peuvent caresser des oursons et des lionceaux, et tenir un serpent ou un faucon!
Cependant, de telles interactions représentent une grave menace pour les humains. Ces animaux, souvent trafiqués, peuvent souffrir de maladies contagieuses.
«Les maladies zoonotiques (maladies transmises des animaux aux humains), y compris la grippe aviaire, la rage chez les mammifères, la salmonellose chez les reptiles et les amphibiens, la grippe H1N1 et la maladie du bec et des plumes chez les psittacidés, peuvent être mortelles pour les humains», explique le Dr. Gaby Hilan, vétérinaire exotique et fondateur de Lebanese Wildlife.
Un enfant posant avec un python boule albinos dans un zoo au Liban
«C’est pourquoi nous sommes très vigilants lorsque nous traitons la faune. Contrairement aux zoos, nous portons des gants et des masques, désinfectons notre lieu de travail et utilisons des tranquillisants sur les animaux», a expliqué le Dr. Hilan à Ici Beyrouth.
«Au Liban, les vétérinaires ne possèdent pas les compétences requises pour traiter les animaux sauvages, faute de spécialité appropriée. Dans la plupart des cas, ce sont les gardiens de zoo qui assurent les soins», a ajouté le Dr. Hilan.
Un émeu souffrant d’une infection oculaire non traitée
Les normes internationales exigent un bilan annuel pour les animaux de zoo, une pratique non observée au Liban, comme en témoigne la durée de vie moyenne des animaux dans les zoos locaux.
«Dans les zoos respectueux des normes, l’espérance de vie moyenne d’un lion est de 18 à 20 ans. Dans ces conditions, la durée de vie des animaux est réduite à moins de la moitié», affirme Jason Mier.
De plus, l’absence de mesures de sécurité dans les zoos peut rendre les humains victimes d'attaques directes de la part des animaux.
Selon Samara El-Haddad, «les animaux devraient bénéficier d’enclos intérieurs et extérieurs connectés, leur permettant de se déplacer librement. Chaque type d’enclos devrait respecter des exigences spécifiques et des mesures de sécurité pour garantir le bien-être des animaux et des humains».
Des visiteurs du zoo nourrissant un singe vervet. Crédit : Vanessa Kallas
La plupart des zoos au Liban ne disposent pas d’enclos doubles, ce qui augmente les attaques des animaux contre les humains.
En 2023, un garçon a failli être tué par un lion affamé dans un zoo après être passé à travers les barreaux. Le propriétaire du zoo n’a assumé aucune responsabilité pour l’incident et la famille du garçon n’a pas reçu de compensation.
Cette agression envers les humains est un indicateur clair de la peur et de la faim ressenties par les animaux.
Devrait-on fermer les zoos au Liban?
Actuellement, selon Jason Mier, «les animaux de zoo ne sont que des objets lucratifs, passés de main en main».
Ces établissements illégaux doivent fermer s’ils continuent de violer les normes locales et internationales.
Un représentant du ministère de l’Agriculture a indiqué à Ici Beyrouth qu’aucune mesure n’est prise pour surveiller les zoos au Liban. Cette situation est due à un manque de personnel et à une baisse des salaires, désormais inférieurs de 85% par rapport à ce qu’ils étaient avant la crise.
La sensibilisation du public au bien-être animal est limitée au Liban, incitant les visiteurs à soutenir les zoos malgré le traitement atroce réservé aux animaux. En effet, la sensibilisation au bien-être animal n’est pas intégrée au programme scolaire libanais.
Dès lors, si vous vous souciez du bien-être des animaux et de leur survie à long terme, et si vous souhaitez protéger vos enfants, évitez donc les zoos.
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