Le festival international Ehdeniyat, qui célèbre son 20e anniversaire cette année, présente lors de sa soirée d’ouverture, le 18 juillet, Rahbaniyat, un spectacle-hommage à Élias Rahbani. La musique, la danse, le théâtre, les arts visuels et la poésie seront au rendez-vous, lors d’un spectacle grandiose conçu par Ghassan Rahbani, qui sera au piano et dirigera son orchestre symphonique composé de plus de 50 musiciens. Les chanteurs Ranya Ghosn el-Hage et Gilbert Jalkh interprèteront un florilège de chansons d’Élias Rahbani, qui ont marqué la mémoire collective libanaise. Ici Beyrouth a rencontré Ghassan Rahbani.
Élias Rahbani a composé plus de 6.500 chansons et morceaux musicaux de différents styles, allant du classicisme à la musique alternative, underground, le yéyé, le rock, la pop des années 60. Il a enrichi le patrimoine musical libanais et arabe avec 2.000 chansons, et ses succès en langue française, anglaise et italienne ont propulsé leurs interprètes à la gloire comme Ho capito que ti amo de Joe Diverio et Mory, Mory de Sammy Clark, pour ne citer que ceux-là. Il a composé les paroles et les mélodies des plus célèbres chansons de la légende Fairouz, notamment Ya Lour houbbouki («Ô Laure, ton amour»); El-Ouda el-mensiyyé («La pièce oubliée»); Hanna el-sekran («Hanna l’ivrogne»); et Kan ‘enna tahoun («Nous avions un moulin»). Pourtant, à ses débuts, c’est avec une chanson qu’il compose pour Sabah qu’il accède à la notoriété. Élias Rahbani a également composé de nombreuses chansons pour Wadih el-Safi et les chanteurs de l’âge d’or comme Melhem Barakat, Nasri Chamseddine, Georgette Sayegh et Majida el-Roumi. Il a collaboré avec plusieurs chanteurs de la nouvelle génération, comme Pascale Sakr. Le grand compositeur a conçu la bande originale de 25 films, parmi lesquels des films égyptiens ainsi que des séries télévisées cultes. Parmi les plus célèbres, citons Habibati («Ma chérie»), interprété par l’icône du cinéma égyptien Faten Hamama et la série Aazef el-layl («Le musicien nocturne»), avec le couple mythique de la télévision libanaise Hind Abillamah et Mahmoud Majzoub. Il a produit et composé plusieurs pièces de théâtre, parmi lesquelles Wadi Chamsine («La vallée de Chamsine»), Safar el-ahlam («Le voyage des rêves») et Ella. Dans le domaine de la poésie, il a publié un recueil intitulé Nafizat al-omr («La fenêtre de la vie») en 1996. Parmi les 150 hymnes qu’il a composés, il a présenté l’hymne de la Francophonie en 2001, en hommage aux 52 pays participants au sommet de la Francophonie au Liban.
Rahbaniyat est un acte de gratitude du fils artiste au père et un hommage voulu par le festival Ehdeniyat aux figures de proue de la musique libanaise. La soirée d’ouverture du festival démarre en grande pompe avec le répertoire intemporel d’Élias Rahbani, qui attire toutes les générations.
Ghassan Rahbani a répondu aux questions d’Ici Beyrouth.
Qu'est-ce qui vous a poussé à choisir Ranya Ghosn el-Hage et Gilbert Jalkh comme interprètes pour ce concert?
D’abord, je salue leur grand professionnalisme. Ensuite, je n’ai pas besoin de jouer au psychologue pour arracher le meilleur d’eux-mêmes. Ils ne font aucune fausse note sur scène et c’est vraiment un fait rarissime, un don de Dieu. De plus, ils peuvent endosser tous les rôles qui leur sont confiés, chanter un vaste panel d’artistes aux styles divergents et y exceller. L’artiste polyvalent Gilbert Jalkh peut imiter Wadih el-Safi, Melhem Barakat, Nasri Chamseddine, Samy Clark. Ranya el-Hage, elle, peut imiter Fairouz, Magida el-Roumi et plein de grandes voix féminines. Quand ils chantent en duo, ils interprètent la chanson également sur le plan dramatique, comme s’ils faisaient du théâtre. Or, cette dernière dimension est importante dans ce spectacle-hommage.
Quelle est la diva qui a le mieux interprété les chansons immortelles d’Élias Rahbani après Fairouz?
Après Fairouz, il n’y a plus de divas, il n’y a que de très bonnes chanteuses, soyons clairs! Parmi les belles voix féminines, ma préférence va à Hoda et Pascale Sakr.
Comment décririez-vous votre relation avec votre père, Élias Rahbani? Avez-vous eu parfois des divergences conflictuelles sur les plans artistique ou musical?
Ma relation avec mon père était vraiment amicale. Il s'est toujours comporté avec mon frère et moi comme notre meilleur ami. Mon père était très moderne, voire avant-gardiste. Il n'y avait pas de conflits au niveau des styles musicaux que j'avais adoptés. Il comprenait et appréciait tous les genres musicaux, les anciens et les modernes, et son répertoire s'adressait à toutes les générations et couvrait presque tous les courants.
Considérez-vous que votre père, benjamin des frères Rahbani, les deux génies de la chanson et du théâtre libanais, a été reconnu à sa juste valeur?
Le public et les critiques ont accordé à Élias Rahbani tous les honneurs et l'admiration qu'il mérite, saluant ainsi son immense talent. Cependant, le véritable problème réside dans la violation de ses droits d'auteur, une injustice dont la responsabilité incombe à la délégation libanaise auprès de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem).
Parlez-nous des différentes étapes et de votre parcours artistique. Qu’est-ce qui les relie et les différencie?
Mon parcours artistique a connu une évolution certaine, ayant commencé la musique très tôt. Ma personnalité artistique multifacette inclut mes talents de pianiste, de chanteur bilingue, de percussionniste, d'arrangeur musical, d'ingénieur du son et de comédien. Au début des années 80, je me situais dans le pur métal et le hard-rock (heavy metal) avec mon groupe GRG (Ghassan Rahbani Group), qui existe encore aujourd'hui. J'ai également fondé le groupe féminin The 4 Cats, qui s'est produit de 1997 à 2013.
Dans les années 1990, je me suis lancé dans les chansons engagées, présentant des tubes critiquant la société et les problèmes environnementaux, toujours d'actualité, comme Ma‘ali el-wazir («Son excellence le ministre»), Tarik el-Matar («La route de l'aéroport»), Saret senet el-alfein («C'est déjà l'an 2000»), Iza za‘ajak chilo («S'il t'embête, supprime-le»), et bien d'autres.
En 1996, j'ai entamé mon parcours de dramaturge avec Hannibal, une pièce de théâtre sur le célèbre héros carthaginois que j'ai écrite et réalisée. Elle a été jouée à guichets fermés pendant neuf mois au Liban, puis je l'ai présentée à Carthage, car les Tunisiens considèrent Hannibal comme l'un des leurs. Ce personnage historique unit nos deux peuples libanais et tunisiens.
Plus tard, j'ai réalisé une émission télévisée intitulée Ghanni ma‘ Ghassan («Chante avec Ghassan»), diffusée pendant six ans. Depuis 2013, j'ai commencé à donner de grands concerts avec mon père, une tradition que je perpétue encore aujourd'hui, après sa disparition.
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