Colette Naufal, la dame du cinéma libanais, tire sa révérence

Colette Naufal, fondatrice du Festival international du film de Beyrouth, a façonné le paysage cinématographique libanais pendant plus de deux décennies. Son décès à 78 ans laisse un grand vide, mais son héritage est impérissable.
La naissance d’une passion
Bien que peu de détails soient connus sur la jeunesse de Colette Naufal, il est évident qu’elle a développé très tôt une passion profonde pour le cinéma. Cet amour du 7e art l’a poussée à se lancer dans l’aventure audacieuse de créer un festival de cinéma international à Beyrouth, une ville qui pansait encore les plaies de la guerre civile. En 1997, du centre de Beyrouth dévasté avant sa reconstruction, Naufal relève un défi de taille en fondant le Festival international du film de Beyrouth (Biff) avec seulement quinze films. Malgré son inexpérience dans l’organisation d’événements cinématographiques, sa détermination et sa vision claire ont permis de surmonter les obstacles pour donner naissance au festival.
L’essor du Biff
Au fil des dix-huit éditions du Biff, le festival a pris de l’ampleur sous la houlette de Naufal, regroupant chaque année entre 60 et 80 films et gagnant en importance jusqu’à devenir un événement régional attirant les cinéastes du Moyen-Orient. La programmation diversifiée permettait au public libanais de découvrir les films des principaux festivals internationaux, de Cannes à Berlin en passant par Venise. Naufal n’a pas hésité à défier la censure libanaise pour programmer des films abordant des sujets sensibles, livrant des batailles pour la rendre plus ouverte. Son engagement envers la promotion du cinéma libanais et arabe était total. Le Biff a fourni une plateforme pour mettre en valeur les films des réalisateurs libanais, connus ou émergents, et un espace pour les cinéastes iraniens opprimés dans leur pays, comme Abbas Kiarostami et Jafar Panahi.
Le festival a joué un rôle crucial dans le lancement de la carrière de cinéastes libanais comme Nadine Labaki, dont le film Capharnaüm a été nominé pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2019, une première pour le Liban. Le Biff a également soutenu des réalisateurs comme Ziad Doueiri, dont le film L’Insulte a été nominé pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2018, marquant ainsi la première nomination du Liban dans cette catégorie. Grâce à son réseau, Colette Naufal a également contribué à faire connaître de jeunes talents comme Mir-Jean Bou Chaaya.

Le Biff a aussi accueilli un grand nombre de figures majeures du cinéma international comme Francis Ford Coppola, Juliette Binoche, Julie Gayet ou Gianfranco Rosi.
Une résilience à toute épreuve
Malgré l’instabilité politique et les contraintes budgétaires, Naufal a fait preuve d’une résilience remarquable pour maintenir le Biff, même après des événements difficiles comme les assassinats de 2004-2005 ou la guerre de juillet 2006. Avec des moyens limités et le soutien du secteur privé, elle a réussi à doter Beyrouth de son festival distinctif avant l’émergence des festivals du Golfe dotés de grandes capacités financières. Attentive aux nouvelles tendances, Naufal a fait évoluer le festival en introduisant, par exemple, en 2010, une section de films culinaires, alliant sa passion personnelle pour la gastronomie à son désir de promouvoir la culture «slow food» au Liban. Cette capacité d’innovation a permis d’élargir le champ d’action du Biff au-delà du cinéma traditionnel.
Un héritage impérissable
L’empreinte de Colette Naufal sur le cinéma libanais et moyen-oriental est indélébile. En créant un espace pour le cinéma d’art et d’essai au Liban, en promouvant les talents locaux, en enrichissant la vie culturelle beyrouthine, en encourageant le dialogue interculturel, elle a inspiré toute une génération de cinéastes. Son festival a offert une image culturelle brillante du Liban après la guerre et avant le grand effondrement. Ce qui transparaît des témoignages, c’est le portrait d’une femme passionnée et déterminée, viscéralement attachée au cinéma. Son caractère parfois fougueux n’était que le reflet d’une passion rare et d’un souci du détail inégalé. Malgré quelques critiques sur certains aspects, Colette Naufal reste incontestablement une figure de proue ayant contribué à une vitalité cinématographique.
Colette Naufal s’est éteinte à 78 ans avec un regret au cœur, un rêve qu’elle n’a pas pu achever. Depuis l’arrêt du Biff après 2019, elle avait commencé à s’éteindre peu à peu. Cette fois, la fin du film n’a pas été heureuse. Mais son héritage continue d’inspirer la scène cinématographique régionale. Son engagement indéfectible envers le cinéma d’auteur et la promotion des talents locaux a tracé la voie pour une nouvelle vague de cinéastes libanais et arabes, assurant ainsi la pérennité de son influence.
Les obsèques de Colette Naufal auront lieu le jeudi 1er août à midi en l’église Saint Dimitrios des Grecs Orthodoxes à Mar Mitr à Achrafieh. Les condoléances seront reçues avant et après l’enterrement au salon de l’église de 11h à 18h, et le vendredi de 11h à 18h.
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