À l’occasion de la journée internationale des personnes disparues, le 30 août, le Comité International de la Croix Rouge (CICR), en collaboration avec l’artiste Jamale Abou Hamad, a organisé un évènement artistique intitulé «W biit», au Beirut Art Center, dédié à la poursuite du combat en faveur des personnes kidnappées et disparues de force. Devant un public composé de familles éplorées, de diplomates, d’artistes engagés, et de Libanais.es de tous bords, la chanson W biit, interprétée par Jamale Abou Hamad a ranimé l’urgence de lever le voile sur la vérité occultée. L’artiste a répondu aux questions d’Ici Beyrouth.
«W Biit» est bien plus qu’un événement socio-culturel au Liban. C’est une commémoration poignante de la Journée internationale des personnes disparues, le 30 août, concernant un dossier qui reste, 50 ans après le début de la guerre, complètement négligé et occulté par les gouvernements successifs. Le CICR a organisé l’événement au Beirut Art Center en tablant sur la dimension symbolique et artistique de milliers de récits poignants, en vue de mobiliser un grand public en faveur de la cause des personnes disparues. D’emblée, l’empreinte digitale, cette marque unique qui nous différencie, laissée sur l’arbre de la famille trônant dans le hall, signe notre engagement en faveur de cette cause. Le concept créé par l’équipe du CICR, s'inscrit dans la continuité du projet antérieur de plantation d'oliviers dans 8 régions différentes du Liban, mené par le comité des parents des personnes disparues et des kidnappées.
https://youtu.be/-cX6-anU5gc?si=Abx_KQDLmDClaURZ
Les familles inconsolables et le public solidaire fixent les feuilles sur les branches, représentant les personnes disparues. En laissant leur empreinte sur l’arbre, les participants font le geste symbolique de remettre ces personnes sur l’arbre de la famille et de s’engager profondément dans la quête et la proclamation de la vérité.
L'actrice Elsa Zougheib gravant son empreinte sur l'arbre de la famille des personnes disparues.
Sur un écran géant, deux textes épistolaires extraits du livre conçu par le département de communication du CICR intitulé Elt Bekteblak, sont lus. Ce livre présente une collection de lettres poignantes adressées par les mères, les sœurs, les frères ainsi que les enfants des personnes disparues, avec notamment des poèmes bouleversants en prose et en vers. Un autre livre, intitulé Empty Chairs, Waiting Families, réunit les dessins et les peintures des familles privées de deuil et de la moindre consolation. Il rassemble les souvenirs et les objets représentatifs des proches disparus avec leurs prénoms et la date de leur enlèvement ou de leur disparition. Ce livre est un moyen de commémorer, par l’art, la présence des personnes absentes en remplissant leurs chaises laissées vides avec des objets emblématiques qui les concernent. Née d’une collaboration entre le CICR au Liban, ACT for the Disappeared ainsi que Artichoke Studio, cette démarche cathartique aide à libérer la douleur insoutenable et à générer l’espoir.
Mme Souhad Karam l'épouse d'un kidnappé s'adressant à la presse.
Des discours émouvants prononcés successivement par la présidente du comité des parents des disparus au Liban, Wadad Halawani, le vice-président de la Commission nationale indépendante chargée du dossier des personnes disparues, Ziad Ashour et la cheffe de la délégation du Comité International de la Croix Rouge au Liban, Simone Casabianca Aschelimann, ont rappelé d’une part les fruits de la lutte incessante, qui ont abouti à la loi 150, validée en 2018, et d’autre part le long combat qui reste à faire. À la fin de la cérémonie, le livret sur la fondamentale pierre posée à l’édifice, sera distribué au public, avec les deux livres précités.
L’événement ne s’est pas contenté de raviver cette noble cause, mais a mis également en lumière la contribution que chaque Libanais.e peut apporter. «W Biit» est un rappel pour ne jamais déposer les armes, pour mobiliser les opinions et sensibiliser les plus réfractaires, afin que les voix des personnes disparues et celles de leurs familles continuent d’être entendues.
La présidente du comité des parents des personnes disparues Mme Wadad Halawani.
Entretien avec Jamale Abou Hamad l’autrice, la compositrice et l’interprète de W biit
Le point culminant de la soirée a été le lancement de la chanson W Biit de Jamale Abou Hamad, qui reproduit un dialogue entre une épouse dévastée et son mari disparu. La chanson nous transporte dans une ambiance mélancolique, à travers les souvenirs indélébiles et les promesses qui lient le couple tragiquement séparé.
La cheffe de la délégation du CICR au Liban Simone Casabianca Aschelimann prononçant son discours.
Vous êtes autrice, compositrice et interprète. Pouvez-vous résumer votre parcours?
Je suis une artiste et conteuse libanaise engagée dans les causes humanitaires, mêlant les styles orientaux et occidentaux. Cofondatrice du groupe musical RAND, avec mon frère et ma sœur, j’ai également créé ma propre musique en 2019. W biit est mon huitième single. J’ai également réalisé un court-métrage sur le thème de la perte, présenté dans des festivals internationaux. En 2016, je me suis installée à Los Angeles pour étudier le théâtre à la Stella Adler Academy. Auparavant, diplômée du Conservatoire national supérieur de musique du Liban et membre de la SACEM, j’avais aussi obtenu une licence en cinéma de l’Institut d’études théâtrales, audiovisuelles et cinématographiques de l’Université Saint-Joseph.
La cheffe de la délégation du CICR au Liban Simone Casabianca Aschelimann inscrivant son empreinte.
Vous avez pleuré longuement en présentant la chanson, bien que personne de vos proches n’ait été kidnappé. Votre empathie est très touchante.
Je suis ainsi, je m’identifie complètement aux causes pour lesquelles je chante. J’écris des mini histoires qui sollicitent mon engagement pour des causes humaines ou je me sers de récits authentiques pour faire parvenir des messages. Par exemple, ma chanson Kifak est l’histoire véridique de mon oncle qui est tombé amoureux d’une musulmane. Face aux refus des parents d’accepter un mariage mixte, les amoureux se sont séparés. Pour moi, il ne faut jamais juger une personne selon son appartenance religieuse. L’être humain devrait être évalué uniquement en fonction de sa dimension humaniste et son empathie.
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