Bipeurs piégés: les enquêtes se multiplient à l'international
©Bipeurs piégés: les enquêtes se multiplient à l'international

À Taïwan, en Bulgarie, en Hongrie et au Japon, la justice se mobilise pour résoudre le mystère de l’affaire des bipeurs et talkies-walkies piégés, liés au Hezbollah, qui ont explosé simultanément les 17 et 18 septembre dans plusieurs régions du Liban, faisant environ 37 morts et près de 3.000 blessés.
À Taipei, une enquête a été ouverte sur l’origine des appareils de communication après qu’un groupe taïwanais, Gold Apollo, a été suspecté. Visés mardi par des attaques coordonnées à distance, les bipeurs en question portaient la marque de la société qui a nié toute implication dans la fabrication et la vente de ces produits. Dans un communiqué publié au lendemain de l’attaque, l’entreprise a attribué la conception des bipeurs piégés à la société hongroise BAC Consulting Kft, autorisée à utiliser sa marque en vertu d’une licence de fabrication et de distribution.
Jeudi, deux représentants de sociétés taïwanaises (dont les noms n’ont pas été dévoilés par le parquet) ont été auditionnés et autorisés à quitter les lieux après leur interrogatoire, selon l’AFP. Des journalistes de l'agence ont indiqué avoir vu le directeur de Gold Apollo, Hsu Ching-kuang, pénétrer dans les locaux des enquêteurs en compagnie d'une femme que les médias locaux ont identifiée comme étant la représentante d'une société basée à Taipei, Apollo Systems, liée à BAC. Il s’agirait, selon Reuters, de Teresa Wu, la seule employée d’Apollo Systems Ltd.
Qui est Teresa Wu?
Selon le média américain NPR, dans un article signé Emily Feng daté du 18 septembre dernier, Hsu a déclaré avoir été abordé, il y a trois ans, par une femme taïwanaise du nom de Teresa, qui prétendait être la représentante locale d'une société hongroise nommée BAC Consulting. Après plus de deux mois de négociations, Hsu accepte de signer avec BAC un contrat de vente de téléavertisseurs, permettant à l’entreprise hongroise d’utiliser la marque Gold Apollo sur ses propres produits. Il convient de noter que BAC est une société de conseil en relations publiques et non une usine de fabrication de bipeurs. Toujours selon NPR, Hsu raconte: «Elle s'était déjà rendue en Europe à plusieurs reprises pour contacter [ses collègues]». Il déclare également qu'on lui a dit que «BAC avait des intérêts en Afrique de l'Est» et que «l’entreprise n’a jamais mentionné le Liban». Il est ensuite mentionné dans l'article: «Environ un an après la signature du contrat, une demande inhabituelle est faite à Hsu, selon laquelle BAC décide son intention de concevoir ses propres produits en y apposant la marque de Gold Apollo».
Le directeur du groupe taïwanais se rappelle, comme rapporté par NPR: «Ils ont dit qu'ils voulaient former un groupe d'ingénieurs», ce à quoi il avait rétorqué: «Ce que vous fabriquez n'est ni facile à utiliser ni esthétique. Pourquoi ne pas simplement utiliser mes produits?». Le média américain rapporte, par ailleurs, que Hsu a relevé une étrangeté dans les transferts d’argent pour le paiement de la marchandise. «Bien que BAC soit située dans la capitale hongroise, Hsu a déclaré que la société avait payé Gold Apollo à partir d'un compte bancaire au Moyen-Orient. Un des paiements avait été bloqué par sa banque à Taïwan et son comptable avait passé une semaine entière à le débloquer».
Et Hsu d’assurer que «la dernière fois que Gold Apollo a envoyé des produits à BAC, c'était plus tôt cette année», sachant que les bipeurs AR-924 qui ont explosé au Liban et en Syrie ont récemment été acquis par le Hezbollah en février, selon l’Associated Press. «Nous n'avons pas fabriqué ces appareils, et nous n'en avons pas exporté un seul [vers BAC]», insiste M. Hsu, selon NPR.

De son côté, le ministère taïwanais des Affaires économiques a affirmé dans un communiqué qu’ «aucune trace d’entreprises taïwanaises ayant exporté des téléavertisseurs directement au Liban entre 2022 et 2024 n’a été relevée», considérant que les téléavertisseurs de Gold Apollo ont été «modifiés après avoir été exportés». Le ministre de l'Économie, Kuo Jyh-huei, a, lui, indiqué vendredi à des journalistes que les bipeurs de Gold Apollo fabriqués à Taïwan étaient composés d'éléments bas de gamme, tels que des circuits intégrés et des piles. «Ces appareils ne peuvent pas exploser», a-t-il affirmé, indiquant que Gold Apollo avait exporté 260.000 bipeurs entre 2022 et 2024 sans qu’aucun incident ne soit signalé. À la question de savoir si ces bipeurs ont été fabriqués à Taïwan, le ministre a assuré que l’on peut «être sûr qu'ils ne l’ont pas été». Pour sa part, le Premier ministre, Cho Jung-tai, a réaffirmé vendredi que «la société et Taïwan n'ont pas exporté directement des bipeurs vers le Liban».
Vendredi, le parquet de Taïwan a dit prendre l'affaire «très au sérieux». «Nous clarifierons les faits dès que possible, notamment en ce qui concerne l'implication ou non d'entreprises taïwanaises», a souligné le bureau du procureur. Et le parquet d’indiquer que quatre sites avaient été perquisitionnés, notamment dans les districts de Xizhi et de Neihu, à Taipei. Le siège de Gold Apollo est situé dans le premier et celui d'Apollo Systems dans le second, selon le registre du commerce.
En Bulgarie, les investigations se poursuivent
Après que le nom de Norta Global Ltd a été mentionné dans le cadre de cette affaire, les autorités bulgares ont indiqué que le ministère de l'Intérieur et les services de sécurité avaient ouvert une enquête. Ces derniers ont, par ailleurs, annoncé qu' «aucun appareil de communication sans fil (bipeur) utilisé lors de l'attaque au Liban n'avait été importé, exporté ou fabriqué en Bulgarie».
Fondée le 14 avril 2022 (soit un mois après la création de la société hongroise de conseil en relations publiques, BAC Consulting Kft), Norta Global Ltd se cacherait derrière l’accord conclu pour la fabrication des bipeurs. Ce serait elle qui aurait pu acheter les appareils à Gold Apollo pour les vendre au Hezbollah.
Basée à Sofia, la société bulgare est enregistrée, avec 196 autres groupes, auprès d’un prestataire de domiciliation. Elle appartient à Rinson Jose, un malayâli âgé de 39 ans, ayant acquis la nationalité norvégienne et qui, selon le Daily Mail, avait disparu le jour de l’attaque au Liban. Jose aurait ainsi quitté son appartement situé dans la banlieue d’Oslo pour un voyage d’affaires déjà programmé, comme rapporté par le Daily Mail. Contactées par des représentants de son principal employeur, le conglomérat médiatique norvégien NHST, les autorités norvégiennes ont ouvert, le 19 septembre, une enquête préliminaire sur la disparition de Jose. Selon certains médias, le propriétaire de Norta aurait payé la somme de 1,3 million de livres sterling à Cristiana Rosaria Bársony-Arcidiacono, l’unique gérante de l’entreprise BAC Consulting, dans le cadre d’un accord complexe pour l’obtention des téléavertisseurs. Un élément que nous ne pouvons confirmer, aucune preuve concernant cette information n’ayant pu être vérifiée.
Un acte prémédité il y a une quinzaine d’années?
Citant une source du renseignement américain, la branche information de la chaîne américaine ABC (American Broadcasting Company) ainsi que le journal israélien Yedioth Ahronoth ont déclaré qu’«Israël a participé à la fabrication des appareils de radio-appel qui ont explosé parmi les membres du Hezbollah mardi dernier». Selon cette même source, «les Israéliens ont planifié ce type d’opération pendant 15 ans, se dissimulant derrière des sociétés écrans, permettant ainsi aux agents du renseignement israélien de produire des téléavertisseurs».
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