Deux ans de crise financière au Liban, et toujours pas de loi sur le contrôle des capitaux, est-ce normal ? La réponse est clairement non. D’abord, il faut rappeler que les législations de contrôle des capitaux sont loin d’être des cas isolés, cantonnées aux pays à économie dirigée. À la faveur des crises financières des décennies passées, les mesures restrictives n’ont cessé d’augmenter et de gagner des pays à économie libérale, quoique de façon temporaire. En réalité, presque tous les pays qui ont subi une crise financière, même limitée, ont eu recours à une législation de contrôle des capitaux. Tous ? Non ! Un pays d'irréductibles résiste encore et toujours à l'envahisseur. Par Toutatis !
Pourquoi donc ? La raison souvent invoquée par les « commentateurs » est que cette absence de législation restrictive permet aux gens du pouvoir et à quelques riches protégés de transférer librement leurs fortunes à l’étranger. C’est vrai… Sauf que ceci aurait pu être entièrement réalisé au cours des premiers mois après le déclenchement de la crise. Pourquoi donc aucune loi n’est toujours pas actée deux ans plus tard, obligeant ainsi les banques à pratiquer un contrôle des capitaux en ordre dispersé et à subir des dizaines de procès ? Pour Nabih Berri, un des porte-étendards en la matière, la logique est simple… qu’on va expliquer à travers un dialogue fictif mais tout à fait réaliste :
- Berri : Déjà, les citoyens n’aiment pas beaucoup leurs dirigeants. Si on vote une telle loi, on sera alors responsables de ces restrictions et tout le monde va nous détester encore plus.
- Citoyen : Mais est-ce que c’est mieux maintenant, avec des règles qui changent tous les jours dans chaque banque ?
- Non c’est pire, mais au moins, là, vous attaquez les banques.
- Mais les banques se trouvent là dans une situation illégale.
- Bien sûr ; d’ailleurs nous, les politiques, on ne se prive pas de les attaquer à cause justement de leurs restrictions illégales.
- Donc vous les attaquez car leurs pratiques sont illégales, mais vous ne votez pas une loi pour les rendre légales.
- Exactement, vous avez tout compris. Comme ça tout le monde est content. Enfin… peut-être pas les banques ni les citoyens, mais tous les autres.
Le Hezbollah, de son côté, a une visée encore plus toxique. Il dirait : « Comme on nous prive de profiter du secteur bancaire à cause des sanctions américaines, nous voulons empêcher tous les autres d’en profiter aussi. Notre but ultime est de détruire le secteur bancaire, en amenant les citoyens à perdre toute confiance dans ce secteur, et si on peut provoquer quelques faillites, ce serait encore mieux ».
Or, c’est exactement ce qui est en train de se passer, lorsqu’on sait que la confiance est la condition indispensable pour la survie de n’importe quel système bancaire au monde. Les faillites n’ont pas eu lieu, mais la confiance a été perdue pour des années à venir. Même si une loi est votée prochainement selon les exigences du FMI, le mal est déjà fait.
La boucle est bouclée et le bêtisier tourne au cauchemar.
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