À l’initiative de l’association Metropolis, Cinematheque Beirut lance en série de podcasts autour des salles de cinémas de 4 villes du Liban dans l’optique de perpétuer une histoire tourmentée par les conflits et les crises. Entre le festival Écrans du Réel qui débute cette semaine et d’autres grands projets en chantier, cet acteur majeur de la vie culturelle souhaite redéfinir son action en tenant davantage compte du contexte présent.
Tripoli, Saïda, Hammana, Beyrouth… Ces villes ont connu une vie culturelle riche, du fait des salles de cinéma qui s’y trouvaient, et continuent parfois d’exister. Aujourd’hui en quête d’un lieu pour accueillir le public, Cinematheque Beirut souhaite réactiver la mémoire des sites disparus dans le cadre de ses activités pour la préservation des archives cinématographiques et non cinématographiques au Liban.
Fondée en 2015, la cinémathèque est projet ambitieux. Animée par le désir de devenir une plateforme innovante, dédiée à l'art et à la préservation du cinéma au Liban, elle poursuit les efforts entrepris par l'Association Metropolis qui œuvre depuis 2006 à promouvoir le patrimoine et à archiver la production cinématographique.
Le cinéma Ishbilia à Saida (Crédits : Adnan et Hiba Zibaoui)
Une longue et difficile mission
Car à ce jour, la valeur historique attribuée aux images en mouvement reste insuffisante au Liban. Il est quasiment impossible de trouver des copies intactes produites avant les années 1990. En grande partie détruites pendant la guerre, les quelques-unes qui restent sont dans un état désastreux. L'absence d'un centre d’archivage a été l’un des principaux facteurs de la détérioration du patrimoine cinématographique.
Aussi, rassembler et conserver tous les éléments cinématographiques existants constitue désormais une priorité. Metropolis souhaite porter cette initiative aux côtés d’institutions partenaires et de son réseau, en lançant un projet pilote afin d’inciter l'industrie cinéma et la société toute entière à sauvegarder ce patrimoine culturel.
« C’est un chantier qui va prendre du temps et nécessite la mise en place d’une infrastructure importante. Nous étudions nos options. Divers acteurs locaux, tel Nadi li Koll el-Nass, font aussi un travail sur le patrimoine. Nous voulons établir des partenariats afin d’éviter d’empiéter les uns sur les autres, et mieux se compléter », confie la fondatrice et directrice de Metropolis et Cinematheque Beirut, Hania Mroué, dans une interview avec Ici Beyrouth. Alors que la vie culturelle reprend de plus belle dans un contexte pourtant marqué par une forte crise, les acteurs culturels sont poussés à travailler ensemble, hors les murs, de manière plus organique et décentralisée, vu la baisse des financements étrangers.
Le patrimoine sous de nouvelles formes
En parallèle, Cinematheque Beirut a commencé à produire de la connaissance autour du cinéma libanais, en réalisant des petites vidéos et des podcasts. Lancé le 14 mars dernier, le premier Podcast
se penche sur l’histoire de Tripoli, une ville marquée par une longue tradition liée au septième art. Sa vie culturelle est revisitée à travers un parcours organisé par la fondation UMAM, dans le cadre de l’exposition TripoliScope, curatée par Nathalie Rosa Bucher, qui retrace le passé des salles et la culture cinématique présente dans les quartiers du centre-ville ou autour de Mina, le port.
Le cinéma Colorado à Tripoli (Crédits : Nathalie Rosa Bucher / Hady Zaccak)
Le deuxième épisode relate la rennaissance du théâtre Ishbilia à Saïda. Fondé en 1980, il a repris ses activités en 2018 après 10 ans de fermeture. Comme l’explique Nour Ouayda, la responsable du projet, il s’agit de constituer des archives orales en collaboration avec des historiens, des collectionneurs, des gérants de salles et des cinéastes. « Avec tout ce qui passe dans le monde et le virage digital, l’expérience d’aller au cinéma est en train de changer. La pandémie de Covid-19 a accéléré cette évolution, et la question des salles se pose aujourd’hui plus que jamais », déclare-t-elle dans un entretien avec Ici Beyrouth.
Suite à la fermeture du cinéma Empire Sofil par les gérants en janvier 2020, l’association Metropolis a perdu son lieu de projection. Le confinement qui s’en est suivi l’a poussé à lancer des programmations en ligne qui ont bien fonctionné, puis la structure s’est mise en quête de partenariats avec des espaces en dehors de Beyrouth. « L’un n’empêche pas l’autre et permet d’accéder à des publics différents. Nous continuons d’organiser des événements en présentiel, en attendant la création d’un nouveau lieu physique. Car notre mission initiale, c’est avant tout de proposer un espace de rencontre », poursuit Nour Ouayda.
Dans le troisième podcast , elle aborde en conversation avec le Professeur Georges Ghosn, l’histoire des cinémas à Hamra et Hammana, puis dans le quatrième , l’histoire oubliée des cinémas de Beyrouth aux côtés du réalisateur Mohamad Soueid. « C’est en cherchant de nouveaux lieux que nous avons réalisé le manque de documentation sur la vie culturelle à l’extérieur de Beyrouth. Nos efforts s’inscrivent non pas dans un désir nostalgique de raconter, mais dans le souhait de perpétuer une histoire. Les choses sont en train de changer et nous tenons à rappeler cette pratique alors que nous sommes à la recherche d’un nouveau lieu. »
Une plateforme dynamique au Moyen-Orient
Une fois que des salles de conservation aux conditions optimales seront disponibles, la deuxième phase du projet consistera à acquérir du matériel filmique et non filmique. Les collections de Cinematheque Beirut comprendront des films et diverses publications liées au cinéma : affiches, photographies, articles de presse, livres, scénarios.
Cependant, dans le temps présent, Metropolis concentre ses efforts sur la création de conditions favorables à la préservation du patrimoine cinématographique national. L’association qui avait débuté avec des projections de films contemporains, s’est progressivement lancée dans des rétrospectives afin de transmettre la culture cinématographique aux jeunes générations, réalisant ainsi les divers problèmes liés aux copies de films anciens.
Le cinéma Roxy à Hammana (Crédits : Laure Makarem)
Aujourd’hui, sa principale préoccupation est de créer des outils utiles et accessibles au plus grand nombre. En misant sur la recherche et les archives, le projet Cinematheque Beirut, soutenu par l’ambassade de Norvège au Liban, est destiné à réunir des professionnels, des étudiants, des journalistes, des chercheurs locaux ou internationaux, et des cinéphiles d'horizons différents dans un environnement propice à la création et à l'étude du cinéma.
Pour Hania Mroué, la priorité va au développement des compétences locales. À ce titre, un atelier a déjà eu lieu entre Beyrouth et Marseille autour de la restauration numérique des films en partenariat avec l’Association des amis de Jocelyne Saab. « L’important, c’est de créer une infrastructure, une salle pour conserver les films, mais aussi développer un savoir-faire permettant d’assurer le suivi technique », conclut Hania. « On va rouvrir des salles, mais on conçoit cela différemment, au sein d’un lieu de rencontre entre les professionnels, le public et les artistes, ouvert à d’autres disciplines. On aimerait créer un lieu qui convienne au contexte politico-économique au Liban et dans la région. Cela induit un espace écologique indépendant du prix des carburants. »
Tripoli, Saïda, Hammana, Beyrouth… Ces villes ont connu une vie culturelle riche, du fait des salles de cinéma qui s’y trouvaient, et continuent parfois d’exister. Aujourd’hui en quête d’un lieu pour accueillir le public, Cinematheque Beirut souhaite réactiver la mémoire des sites disparus dans le cadre de ses activités pour la préservation des archives cinématographiques et non cinématographiques au Liban.
Fondée en 2015, la cinémathèque est projet ambitieux. Animée par le désir de devenir une plateforme innovante, dédiée à l'art et à la préservation du cinéma au Liban, elle poursuit les efforts entrepris par l'Association Metropolis qui œuvre depuis 2006 à promouvoir le patrimoine et à archiver la production cinématographique.
Le cinéma Ishbilia à Saida (Crédits : Adnan et Hiba Zibaoui)
Une longue et difficile mission
Car à ce jour, la valeur historique attribuée aux images en mouvement reste insuffisante au Liban. Il est quasiment impossible de trouver des copies intactes produites avant les années 1990. En grande partie détruites pendant la guerre, les quelques-unes qui restent sont dans un état désastreux. L'absence d'un centre d’archivage a été l’un des principaux facteurs de la détérioration du patrimoine cinématographique.
Aussi, rassembler et conserver tous les éléments cinématographiques existants constitue désormais une priorité. Metropolis souhaite porter cette initiative aux côtés d’institutions partenaires et de son réseau, en lançant un projet pilote afin d’inciter l'industrie cinéma et la société toute entière à sauvegarder ce patrimoine culturel.
« C’est un chantier qui va prendre du temps et nécessite la mise en place d’une infrastructure importante. Nous étudions nos options. Divers acteurs locaux, tel Nadi li Koll el-Nass, font aussi un travail sur le patrimoine. Nous voulons établir des partenariats afin d’éviter d’empiéter les uns sur les autres, et mieux se compléter », confie la fondatrice et directrice de Metropolis et Cinematheque Beirut, Hania Mroué, dans une interview avec Ici Beyrouth. Alors que la vie culturelle reprend de plus belle dans un contexte pourtant marqué par une forte crise, les acteurs culturels sont poussés à travailler ensemble, hors les murs, de manière plus organique et décentralisée, vu la baisse des financements étrangers.
Le patrimoine sous de nouvelles formes
En parallèle, Cinematheque Beirut a commencé à produire de la connaissance autour du cinéma libanais, en réalisant des petites vidéos et des podcasts. Lancé le 14 mars dernier, le premier Podcast
se penche sur l’histoire de Tripoli, une ville marquée par une longue tradition liée au septième art. Sa vie culturelle est revisitée à travers un parcours organisé par la fondation UMAM, dans le cadre de l’exposition TripoliScope, curatée par Nathalie Rosa Bucher, qui retrace le passé des salles et la culture cinématique présente dans les quartiers du centre-ville ou autour de Mina, le port.
Le cinéma Colorado à Tripoli (Crédits : Nathalie Rosa Bucher / Hady Zaccak)
Le deuxième épisode relate la rennaissance du théâtre Ishbilia à Saïda. Fondé en 1980, il a repris ses activités en 2018 après 10 ans de fermeture. Comme l’explique Nour Ouayda, la responsable du projet, il s’agit de constituer des archives orales en collaboration avec des historiens, des collectionneurs, des gérants de salles et des cinéastes. « Avec tout ce qui passe dans le monde et le virage digital, l’expérience d’aller au cinéma est en train de changer. La pandémie de Covid-19 a accéléré cette évolution, et la question des salles se pose aujourd’hui plus que jamais », déclare-t-elle dans un entretien avec Ici Beyrouth.
Suite à la fermeture du cinéma Empire Sofil par les gérants en janvier 2020, l’association Metropolis a perdu son lieu de projection. Le confinement qui s’en est suivi l’a poussé à lancer des programmations en ligne qui ont bien fonctionné, puis la structure s’est mise en quête de partenariats avec des espaces en dehors de Beyrouth. « L’un n’empêche pas l’autre et permet d’accéder à des publics différents. Nous continuons d’organiser des événements en présentiel, en attendant la création d’un nouveau lieu physique. Car notre mission initiale, c’est avant tout de proposer un espace de rencontre », poursuit Nour Ouayda.
Dans le troisième podcast , elle aborde en conversation avec le Professeur Georges Ghosn, l’histoire des cinémas à Hamra et Hammana, puis dans le quatrième , l’histoire oubliée des cinémas de Beyrouth aux côtés du réalisateur Mohamad Soueid. « C’est en cherchant de nouveaux lieux que nous avons réalisé le manque de documentation sur la vie culturelle à l’extérieur de Beyrouth. Nos efforts s’inscrivent non pas dans un désir nostalgique de raconter, mais dans le souhait de perpétuer une histoire. Les choses sont en train de changer et nous tenons à rappeler cette pratique alors que nous sommes à la recherche d’un nouveau lieu. »
Une plateforme dynamique au Moyen-Orient
Une fois que des salles de conservation aux conditions optimales seront disponibles, la deuxième phase du projet consistera à acquérir du matériel filmique et non filmique. Les collections de Cinematheque Beirut comprendront des films et diverses publications liées au cinéma : affiches, photographies, articles de presse, livres, scénarios.
Cependant, dans le temps présent, Metropolis concentre ses efforts sur la création de conditions favorables à la préservation du patrimoine cinématographique national. L’association qui avait débuté avec des projections de films contemporains, s’est progressivement lancée dans des rétrospectives afin de transmettre la culture cinématographique aux jeunes générations, réalisant ainsi les divers problèmes liés aux copies de films anciens.
Le cinéma Roxy à Hammana (Crédits : Laure Makarem)
Aujourd’hui, sa principale préoccupation est de créer des outils utiles et accessibles au plus grand nombre. En misant sur la recherche et les archives, le projet Cinematheque Beirut, soutenu par l’ambassade de Norvège au Liban, est destiné à réunir des professionnels, des étudiants, des journalistes, des chercheurs locaux ou internationaux, et des cinéphiles d'horizons différents dans un environnement propice à la création et à l'étude du cinéma.
Pour Hania Mroué, la priorité va au développement des compétences locales. À ce titre, un atelier a déjà eu lieu entre Beyrouth et Marseille autour de la restauration numérique des films en partenariat avec l’Association des amis de Jocelyne Saab. « L’important, c’est de créer une infrastructure, une salle pour conserver les films, mais aussi développer un savoir-faire permettant d’assurer le suivi technique », conclut Hania. « On va rouvrir des salles, mais on conçoit cela différemment, au sein d’un lieu de rencontre entre les professionnels, le public et les artistes, ouvert à d’autres disciplines. On aimerait créer un lieu qui convienne au contexte politico-économique au Liban et dans la région. Cela induit un espace écologique indépendant du prix des carburants. »
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