Arles, la ville sans murs
Mohamad Matar, traduit par Nada Ghosn

Le monde est un devenu un petit village, dit-on. Il m’arrive d’y croire. Car je l’ai vécu. À Arles, dans le sud de la France, au Collège international des traducteurs, la chambre numéro 4 donne sur un jardin qui a inspiré des tableaux à Van Gogh. Là-bas, j’ai vu un monde sans murs pour contrôler les identités ni distinguer les espèces. Au début de mon séjour, le directeur était absorbé par des travaux physiques dans sa maison. Faire tomber les murs entre les pièces intérieures requiert les efforts les plus extrêmes. Je lui ai dit un jour: «C’est ça, la mission du traducteur, faire tomber des murs!» L’édifice historique datant du XVIème siècle est un espace littéraire au grand cœur, pétri de calme, peuplé de traducteur.ice.s venu.e.s du monde entier. Le monde m’y semblait plus petit qu’un village: une série de chambres où logent les résidents des mots, ne donnant sur rien d’autre que les parties communes. L’échange dans toutes ses dimensions part de presque rien. Tout le monde est immergé dans la diversité, ce sentiment d’acceptation de l’autre. Nulle place pour l’enfer ou la nausée de Sartre. L’autre, c’est le paradis. L’existentialisme arlésien, c’est découvrir la misère de manger seul, de brasser ses propres idées, de parler uniquement sa langue. Chacun vient de très loin pour approcher au plus près l’authentique connaissance culturelle mutuelle. Les différences sont minimes. Elles semblent figées dans les regards échangés, sur le seuil de la trahison. La trahison la plus fidèle! À l’étage inférieur, une bibliothèque de dimensions moyennes vous plonge hors du temps. L’équipe de l’administration, entièrement féminine, ressemble à un tableau aux sourires éclatants. Hospitalité et traduction sont les noms d’une même joie! Le bâtiment devient un hôpital pour le sens, le rendant plus proche de nous, après avoir redonné aux corps la santé. Ses hôtes y apprivoisent les chemins de l’impossible. Traduire, c'est dire l'impossible. Tendre un miroir entre l’impossible et soi-même. Se regarder soi-même, c’est renoncer à l’impossible. Arles, la ville sans murs… Où loge le plus possible impossible!


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