Dans 53 % des ménages au Liban, au moins un enfant saute un repas par jour
« La vie est de plus en plus dure. Aujourd’hui, j’ai envoyé mes quatre enfants à l’école sans nourriture. Je ne sais même pas si je vais réussir à supporter ce style de vie. J’ai des idées suicidaires. Mes enfants sont la raison pour laquelle je ne passe pas à l’acte. J’ai de la peine pour eux. » Ces propos tenus par Hanane, 29 ans, lors d’un entretien accordé à l’Unicef, mettent l’accent sur la pauvreté dans laquelle sombre au fil des jours une grande majorité de la population libanaise qui peine à joindre les deux bouts, alors que la crise économique qui sévit dans le pays ne fait qu’empirer. Selon les indices de pauvreté multidimensionnelle, 80 % de la population libanaise vit sous le seuil de pauvreté, alors que 90 % des réfugiés syriens se trouvent dans la même situation.
D’après un nouveau rapport rendu public aujourd’hui par le bureau du Liban de l’agence onusienne, 53,4 % des foyers ont vu au moins un de leur enfant sauter un repas durant le mois d’octobre contre 36,7 % en avril. Les chiffres avancés par l’Unicef sont le résultat d’enquêtes que l’agence onusienne a menées auprès de plus de 800 familles réparties sur l’ensemble du pays. L’Unicef avait suivi leur situation en avril et octobre de l’année en cours, constatant que leurs conditions de vie se sont détériorées de manière dramatique en l’espace de six mois. La situation est encore plus sévère parmi les réfugiés.
Ainsi, d’après le document intitulé _Survivre sans les premières nécessités : l’aggravation de l’impact de la crise libanaise sur les enfants_, 90 % des ménages sont souvent dans le noir en raison des coupures prolongées du courant électrique, 30,6 % d’entre eux ont réduit les dépenses consacrées à l’éducation et 40,8 % ont été contraints de vendre des articles ménagers pour se procurer des produits de première nécessité. De plus, 71,7 % des foyers achètent de la nourriture à crédit ou empruntent de l’argent pour se nourrir. Un taux qui atteint les 90 % parmi les ménages syriens, selon le document de l’Unicef.

« Je suis triste »
Ces familles ne bénéficient souvent d’aucune forme d’aide sociale. D’après le document, moins de 30 % des familles rencontrées en octobre 2021 ont indiqué avoir reçu de l’aide. « Par conséquent, de nombreux foyers recourent à des mesures drastiques pour survivre, ce qui place souvent les enfants à grand risque », peut-on lire dans le rapport, qui souligne que la crise a augmenté « la vulnérabilité » des enfants et « exacerbé l’inégalité » entre eux. De nombreux enfants ont ainsi été contraints de travailler pour aider leurs familles, alors que d’autres ont dû « affronter de risques sérieux comme le mariage, le trafic et l’exploitation sexuelle », déplore l’Unicef.
« Je suis inquiet. Je suis stressé. Je suis triste, a confié dans ce cadre Ala’ », 13 ans à l’Unicef. J’ai fini par faire de plus longues heures de travail pour gagner plus d’argent, poursuit cet enfant qui travaille dans un verger au Liban-Sud. Mais ce n’est jamais assez. C’est notre vie. »

Amal, 15 ans, qui aide à la cueillette des fruits au Liban-Sud, a assuré aux équipes de l’agence onusienne que ses parents « ont besoin de l’argent » qu’elle gagne. « Que feraient-ils si j’arrête de travailler ? » s’interroge-t-elle, soulignant que ses deux parents sont au chômage. « Lorsque je pense à l’avenir, je vois que la vie est de plus en plus dure, lâche-t-elle. Mon plus gros souci c’est d’assurer le loyer. Nous ne voulons pas perdre la maison. C’est notre seul espace de sécurité. »
D’après le document, la proportion des familles qui poussent leurs enfants à travailler est passée de 9 % en avril à 12 % en octobre. Dans les ménages libanais, ce chiffre est passé de 1 % à 7 %. « De plus en plus d’enfants sont victimes de violence, constate l’Unicef. Les femmes sont également plus nombreuses à subir la violence de leur conjoint, ce qui a des répercussions directes sur les enfants. »

Décrochage scolaire
Au niveau de la santé, près de 34 % des enfants n’ont pas pu avoir accès aux soins durant le mois d’octobre contre 28 % en octobre, d’après le document. De plus, 90 % des familles incluses dans l’enquête se sont plaintes d’une forte augmentation des prix des médicaments dans les trois mois qui ont précédé l’entretien. La difficulté des transports due à la hausse du prix des carburants a également empêché de nombreuses familles de se faire soigner.
Mais ce qui est encore plus grave, selon l’Unicef, c’est l’effondrement du secteur hydraulique, les pénuries d’eau touchant 2,8 millions personnes et pourraient atteindre 4 millions. Cela qui aura de graves conséquences, principalement pour les enfants qui risquent de souffrir de maladies d’origine hydrique. Aussi, d’après le document, 45 % des ménages n’ont pas pu s’acheter de l’eau potable au moins une fois au cours des trente jours ayant précédé l’enquête, contre près de 20 % en avril. En cause, notamment le coût de l’eau potable (35 % des ménages) ou la difficulté de se rendre aux sources pour s’en approvisionner (14 %).
Enfin, la crise économique a poussé de nombreux enfants à abandonner les bancs scolaires. Aussi, l’Unicef estime que « 440 000 enfants réfugiés en âge de scolarisation et 260 000 enfants libanais pourraient ne pas retourner à l’école ». « Aller à l’école me manque parce que c’est mieux que de suivre les cours en lignes, a affirmé dans ce cadre Machhour, 8 ans, aux équipes de l’agence onusienne. Répondre aux questions me manque, ainsi que parler à mes enseignants sans avoir à fermer le microphone ou risquer que quelqu’un d’autre prenne mon tour. »
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