Pâques, odeurs de beurre et de fleur d’oranger
À l’approche de Pâques, les femmes pensent maamouls. Les maisons sentent longtemps la semoule. La fleur d’oranger. La cuisson du sucre, l’odeur du bon gras.

Les feront-elles cette année? Combien, le kilo de pistaches? Les amandes. Les dattes, à la limite. Quoique, même les dattes. Et le beurre. Les feront-elles cette année ?

–     Je vise 200 pièces au minimum… ça part vite… faut avoir assez… les invités… pour nous… faut pas manquer… puis voilà c’est comme ça… mieux vaut faire plus que moins.

À l’approche de Pâques, les femmes se réunissent par groupes pour alléger la besogne. Et l’égayer. Parfois deux jours de travail par foyer: c’est long, fastidieux. Pâte et farce. Le plus long, rouler les boules à la bonne proportion. Les creuser, les fourrer à la main, l’une puis l’autre. Dans ce moule individuel en bois sculpté où la pâte se colle souvent. Ne pas les déchirer. Refermer, toujours sans trou. Puis taper énergiquement pour éjecter la pièce du moule avant la cuisson, sans l’écorcher. Les enfourner, les unes près des autres sur la plaque préalablement huilée. Et ce n’est pas tout. Chaque recette a son petit truc supplémentaire. Se retrouver à deux ou trois, pas plus: «On commence chez toi? Demain chez moi?Ça te va comme ça?»

La question: pistaches… noix… dattes… ou sans dattes… ou amandes… tu fais quoi, toi cette année? Elles finissent par faire et pistaches, et noix, et amandes et dattes.



À l’approche de Pâques, les femmes s’inquiètent des kilos.

–     200 calories pièce, tu imagines! Non, mais tu imagines!

–     Non, tu es sûre, autant? Ah là, là!!! Toujours comme ça! Dès que c’est bon, faut que ça soit interdit, comme ça!!!

–     Et encore, ce n’est pas qu’un seul jour, dis! Pas qu’un maamoul, quand t’y penses! Si ça durait qu’un jour, passe encore! On ferait régime le lendemain. Mais des semaines et des semaines de maamouls! Et on adore ça, dis! Avoue, quoi!


–     Oui, je sais, je sais, c’est terrible! Affreux, tellement c’est bon! Et dans toutes les maisons! Y en a partout! Comme ça, sous nos nez! Et on ne peut même pas refuser! Ça ne se fait pas de refuser!

–     Si on commençait un régime, comme ça, là, de suite. Comme ça au moins, c’est clair et radical! Qu’est-ce que t’en penses? Une bonne idée, non, comme ça?

–     Ah non! Pas en période de fête! On le fera après, dis! Voilà! Comme tous les ans! Puis on sort du carême! On sort de la privation, dis!

–     Oui, oui ! Allez c’est pas tous les jours Pâques! Tiens, moi je commence à préparer mes maamouls la semaine prochaine. Tu viens m’aider comme l’année dernière? Et après, on fait ça chez toi? Tu es d’accord pour que je commence cette année?

À chaque fête de Pâques, les femmes font des maamouls. Et tous les ans, elles reparlent recettes. Remettent en question leur savoir-faire. Cherchent de nouvelles astuces. Goûtent les gâteaux des autres pour comparer. S’appellent pour des conseils. Commentent les résultats: farce, consistance, couleur, pâte, goût. Il y a toujours moyen d’améliorer ce qu’elles considèrent comme des œuvres. De perfectionner leur art.

À chaque visite, les maamouls se tendent. La période de Pâques est une gigantesque dégustation. De maison en maison, les papilles font claquer le goût. Les femmes s’inquiètent. Se réjouissent et s’inquiètent de tout: la prise de poids, le succès de leur recette, la mobilisation à la cuisine.

Le refont-elles cette année? Avec quels ingrédients, quel gaz?

Pour quel nous?

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