Depuis le début de la campagne présidentielle française, le voile fait l’objet de nombreuses polémiques. Lors du débat présidentiel du second tour, mercredi, Emmanuel Macron est même allé jusqu’à accuser Marine Le Pen de vouloir pousser le pays à la guerre civile en souhaitant interdire le port du voile dans l’espace public. Une obsession qui n’est pas forcément comprise de l’autre côté de la Méditerranée où le voile a toujours fait partie du paysage libanais sans pour autant être lié à l’islamisme radical.
Le voile, qu’il soit perçu comme un emblème identitaire religieux ou comme l’affiliation à un mouvement politique, dégage de plus en plus d’incertitudes autour de sa véritable fonction. Pour cause, il a été récupéré par les intégristes islamistes qui l’ont instrumentalisé pour servir leurs propres intérêts. Au Liban, chrétiens et musulmans se côtoient sans vraiment se préoccuper de ce foulard qui cache la chevelure. Pour certaines femmes, il reste avant tout un symbole de foi religieuse.
Et pourtant, «le Coran n’oblige pas les femmes à porter le voile», affirme à Ici Beyrouth, Mohammad Sammak, secrétaire général du Comité national pour le dialogue islamo-chrétien au Liban. «Il lui est seulement recommandé de cacher certaines parties de son corps pour la protéger des regards immoraux et de garder le visage découvert, poursuit-il. Dans le Coran, la femme tient une place très importante.»
Le voile est à distinguer du niqab, de la burqa ou du tchador qui eux enveloppent tout le corps et peuvent éventuellement masquer le visage. Malgré cela, l’amalgame est souvent fait entre le voile et ces différentes tenues vestimentaires qui sont adoptées dans certains pays par tradition culturelle et non religieuse. Cette confusion a aidé à dépeindre un portrait de la femme musulmane comme non éduquée et dominée par l’homme. «Aucun homme n’est en droit d’imposer à la femme le port du voile», insiste Mohammad Sammak.
Qui se cache donc derrière le voile? «Au Moyen-Orient comme en Europe, les islamistes utilisent le port du voile, du niqab ou du tchador comme arme politique. Ils vont jusqu’à payer les femmes pour les inciter à le porter», précise-t-il.
Raison spirituelle, un choix personnel
Au Liban, où les idées préconçues sont de plus en plus nombreuses, quelles sont les véritables motivations qui poussent les musulmanes à porter le voile?
Marwa, 31 ans, a décidé de se voiler suite au décès de son meilleur ami. «J’avais 19 ans lorsque j’ai été confrontée à la mort pour la première fois, confie-t-elle. J’ai voulu me rapprocher de Dieu. J’ai décidé alors de faire des sacrifices en guise d’offrande.»
Elle précise que le port du voile est une décision personnelle qui revient uniquement à la femme. «C’est une décision très importante qu’il ne faut pas prendre à la légère, insiste-t-elle. Au départ, ma famille ne m’a pas soutenue dans mon choix.»
Le port du voile n’a pas empêché Marwa de poursuivre des études en biologie moléculaire et génétique ni de s’adonner à ses passions. «En tant que triathlète, je remarque que les gens sont souvent intrigués de voir une femme sportive voilée, mais une fois qu’ils brisent les barrières, tous les clichés s’évaporent, dit-t-elle en souriant. Les valeurs d’une personne ne sont pas liées à ce qu’elle porte. Une fille en mini-jupe n’est pas une fille facile et une fille voilée n’est pas une fille soumise.»
Marwa a grandi à Beyrouth dans un milieu mixte et ne cherche pas à s’entourer de musulmans. Au contraire, elle souhaite rencontrer des personnes de différents horizons. «Mon ex-compagnon était chrétien, dit-elle. C’est dommage qu’au Liban, le mariage civil soit interdit. Ce n’est qu’en s’entourant de personnes différentes que l’être humain peut évoluer.»
Myriam, 92 ans, a retiré le voile à 77 ans, tout en restant fidèle à sa foi. «C’est moi qui ai toujours décidé de porter et de retirer le voile, affirme-t-elle. Avant les années 1980, les femmes voilées étaient très discrètes et minoritaires. Il n’y avait pas ou très peu de tchadors.»
Myriam a baigné dans la religion chrétienne et musulmane, comme c’est le cas de nombreux Libanais. Elle dénonce les politiques actuelles qui préfèrent diviser au lieu de rassembler. «Avant la guerre de 1975, chrétiens et musulmans, nous vivions ensemble sans distinction, se souvient-elle. Puis des milices communautaires ont commencé à utiliser la religion pour fragmenter la société et la contrôler.»
Myriam a scolarisé ses trois enfants dans des écoles catholiques. Le fait que ses petites-filles aient épousé des chrétiens n’a posé aucun problème. «Nous sommes tous les enfants de Dieu, seuls les rituels changent», dit-elle, soulignant que la pression sociale et l’ignorance qui prévaut dans certains milieux sociaux défavorisés permettent de forcer les jeunes filles à porter le voile, avec la religion comme prétexte.
Islam et Christianisme
Certaines personnalités politiques françaises, Eric Zemmour et Marine Le Pen à titre d’exemple, affirment que l’Islam est incompatible avec la culture judéo-chrétienne. Mohammad Sammak ne partage pas cet avis. «Les églises sont les maisons de Dieu, au même titre que les mosquées, affirme-t-il. Nous, musulmans, sommes restés silencieux face à l’extrémisme islamiste qui a mis en danger les relations islamo-chrétiennes. Nous sommes les premiers à payer le prix de ce fanatisme. Les femmes voilées sont les premières victimes de l’islamophobie.»
Mohammad Sammak constate un certain malaise au sein de la communauté musulmane en Europe, qui est en quête d’identité. «Les jeunes ne comprennent pas toujours leur religion et quand ils ont des demandes concernant la pratique de l’Islam en Europe, ils ne savent pas vers qui se tourner», explique-t-il. Il aurait souhaité que la majorité des musulmans d’Europe épousent la culture de leur pays d’adoption. «Cela aurait été une grande richesse pour l’Islam», affirme-t-il. Et de faire remarquer que de nombreux imams qui exercent en Europe viennent directement de leur pays d’origine et n’ont pas une connaissance profonde des sociétés européennes. «Quand les musulmans d’Europe se sentent perdus, ils se rapprochent parfois de groupes extrémistes, explique-t-il. Ces groupes sont des bombes à retardement qui n’ont pas réussi à s’adapter à la société dans laquelle ils vivent. Ils évoluent donc en parallèle», souligne-t-il.
Pour Mohammad Sammak, le combat doit passer avant tout par le savoir et le dialogue. «On ne peut pas combattre l’extrémisme par l’extrémisme, comme le font certains politiques, surtout dans un grand pays comme la France où les droits de l’Homme et la culture sont les fondements de la société française», conclut-il.
La résurgence du voile dans certains milieux sociaux a fait prendre conscience de la montée de l’islamisme radical et politique. Mais est-il raisonnable de donner autant d’importance au voile quand on sait que les racines de cet islamisme sont beaucoup plus profondes? Le nombre croissant de femmes voilées n’est que la partie visible de l’iceberg, car l’islamisme radical et politique puise son pouvoir dans la misère sociale et intellectuelle.
Le voile, qu’il soit perçu comme un emblème identitaire religieux ou comme l’affiliation à un mouvement politique, dégage de plus en plus d’incertitudes autour de sa véritable fonction. Pour cause, il a été récupéré par les intégristes islamistes qui l’ont instrumentalisé pour servir leurs propres intérêts. Au Liban, chrétiens et musulmans se côtoient sans vraiment se préoccuper de ce foulard qui cache la chevelure. Pour certaines femmes, il reste avant tout un symbole de foi religieuse.
Et pourtant, «le Coran n’oblige pas les femmes à porter le voile», affirme à Ici Beyrouth, Mohammad Sammak, secrétaire général du Comité national pour le dialogue islamo-chrétien au Liban. «Il lui est seulement recommandé de cacher certaines parties de son corps pour la protéger des regards immoraux et de garder le visage découvert, poursuit-il. Dans le Coran, la femme tient une place très importante.»
Le voile est à distinguer du niqab, de la burqa ou du tchador qui eux enveloppent tout le corps et peuvent éventuellement masquer le visage. Malgré cela, l’amalgame est souvent fait entre le voile et ces différentes tenues vestimentaires qui sont adoptées dans certains pays par tradition culturelle et non religieuse. Cette confusion a aidé à dépeindre un portrait de la femme musulmane comme non éduquée et dominée par l’homme. «Aucun homme n’est en droit d’imposer à la femme le port du voile», insiste Mohammad Sammak.
Qui se cache donc derrière le voile? «Au Moyen-Orient comme en Europe, les islamistes utilisent le port du voile, du niqab ou du tchador comme arme politique. Ils vont jusqu’à payer les femmes pour les inciter à le porter», précise-t-il.
Raison spirituelle, un choix personnel
Au Liban, où les idées préconçues sont de plus en plus nombreuses, quelles sont les véritables motivations qui poussent les musulmanes à porter le voile?
Marwa, 31 ans, a décidé de se voiler suite au décès de son meilleur ami. «J’avais 19 ans lorsque j’ai été confrontée à la mort pour la première fois, confie-t-elle. J’ai voulu me rapprocher de Dieu. J’ai décidé alors de faire des sacrifices en guise d’offrande.»
Elle précise que le port du voile est une décision personnelle qui revient uniquement à la femme. «C’est une décision très importante qu’il ne faut pas prendre à la légère, insiste-t-elle. Au départ, ma famille ne m’a pas soutenue dans mon choix.»
Le port du voile n’a pas empêché Marwa de poursuivre des études en biologie moléculaire et génétique ni de s’adonner à ses passions. «En tant que triathlète, je remarque que les gens sont souvent intrigués de voir une femme sportive voilée, mais une fois qu’ils brisent les barrières, tous les clichés s’évaporent, dit-t-elle en souriant. Les valeurs d’une personne ne sont pas liées à ce qu’elle porte. Une fille en mini-jupe n’est pas une fille facile et une fille voilée n’est pas une fille soumise.»
Marwa a grandi à Beyrouth dans un milieu mixte et ne cherche pas à s’entourer de musulmans. Au contraire, elle souhaite rencontrer des personnes de différents horizons. «Mon ex-compagnon était chrétien, dit-elle. C’est dommage qu’au Liban, le mariage civil soit interdit. Ce n’est qu’en s’entourant de personnes différentes que l’être humain peut évoluer.»
Myriam, 92 ans, a retiré le voile à 77 ans, tout en restant fidèle à sa foi. «C’est moi qui ai toujours décidé de porter et de retirer le voile, affirme-t-elle. Avant les années 1980, les femmes voilées étaient très discrètes et minoritaires. Il n’y avait pas ou très peu de tchadors.»
Myriam a baigné dans la religion chrétienne et musulmane, comme c’est le cas de nombreux Libanais. Elle dénonce les politiques actuelles qui préfèrent diviser au lieu de rassembler. «Avant la guerre de 1975, chrétiens et musulmans, nous vivions ensemble sans distinction, se souvient-elle. Puis des milices communautaires ont commencé à utiliser la religion pour fragmenter la société et la contrôler.»
Myriam a scolarisé ses trois enfants dans des écoles catholiques. Le fait que ses petites-filles aient épousé des chrétiens n’a posé aucun problème. «Nous sommes tous les enfants de Dieu, seuls les rituels changent», dit-elle, soulignant que la pression sociale et l’ignorance qui prévaut dans certains milieux sociaux défavorisés permettent de forcer les jeunes filles à porter le voile, avec la religion comme prétexte.
Islam et Christianisme
Certaines personnalités politiques françaises, Eric Zemmour et Marine Le Pen à titre d’exemple, affirment que l’Islam est incompatible avec la culture judéo-chrétienne. Mohammad Sammak ne partage pas cet avis. «Les églises sont les maisons de Dieu, au même titre que les mosquées, affirme-t-il. Nous, musulmans, sommes restés silencieux face à l’extrémisme islamiste qui a mis en danger les relations islamo-chrétiennes. Nous sommes les premiers à payer le prix de ce fanatisme. Les femmes voilées sont les premières victimes de l’islamophobie.»
Mohammad Sammak constate un certain malaise au sein de la communauté musulmane en Europe, qui est en quête d’identité. «Les jeunes ne comprennent pas toujours leur religion et quand ils ont des demandes concernant la pratique de l’Islam en Europe, ils ne savent pas vers qui se tourner», explique-t-il. Il aurait souhaité que la majorité des musulmans d’Europe épousent la culture de leur pays d’adoption. «Cela aurait été une grande richesse pour l’Islam», affirme-t-il. Et de faire remarquer que de nombreux imams qui exercent en Europe viennent directement de leur pays d’origine et n’ont pas une connaissance profonde des sociétés européennes. «Quand les musulmans d’Europe se sentent perdus, ils se rapprochent parfois de groupes extrémistes, explique-t-il. Ces groupes sont des bombes à retardement qui n’ont pas réussi à s’adapter à la société dans laquelle ils vivent. Ils évoluent donc en parallèle», souligne-t-il.
Pour Mohammad Sammak, le combat doit passer avant tout par le savoir et le dialogue. «On ne peut pas combattre l’extrémisme par l’extrémisme, comme le font certains politiques, surtout dans un grand pays comme la France où les droits de l’Homme et la culture sont les fondements de la société française», conclut-il.
La résurgence du voile dans certains milieux sociaux a fait prendre conscience de la montée de l’islamisme radical et politique. Mais est-il raisonnable de donner autant d’importance au voile quand on sait que les racines de cet islamisme sont beaucoup plus profondes? Le nombre croissant de femmes voilées n’est que la partie visible de l’iceberg, car l’islamisme radical et politique puise son pouvoir dans la misère sociale et intellectuelle.
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