À l’occasion du Vendredi saint, célébré par les chrétiens orthodoxes qui suivent l'ancien calendrier julien, l’église évangélique de Beyrouth a réservé un accueil cordial à l’orchestre de chambre de Beyrouth, ainsi qu’à la soprano Lara Jokhadar et la mezzo-soprano Natasha Nassar. Au programme de la soirée, l’Air sur la corde de sol de Jean-Sébastien Bach et le Stabat Mater de Giovanni Battista Pergolesi.
«Grâce à la croix, nous ne redoutons pas l’usurpateur, puisque nous siégeons au côté du Roi», écrivait saint Jean Chrysostome dans son homélie sur la Croix et le larron. Le christianisme puise, en effet, sa véritable essence dans le triduum pascal où l’amour inconditionnel du Créateur le mène à se dépouiller de la gloire incréée de sa divinité et à descendre jusqu’à l’abîme de l’ultime solitude pour frayer à sa créature une voie d’ascension, alors perdue, vers le Royaume éternel de Dieu. Durant l’office des petites complies du Vendredi saint orthodoxe, un émouvant canon, dédié à la Lamentation de la très sainte Théotokos déplorant la crucifixion de son divin Fils, est chanté devant l’épitaphios (une icône brodée représentant le Christ descendu de la croix). Nombreux sont les textes liturgiques qui relatent la scène de la Vierge Marie au pied de la croix durant le sacrifice ultime de son fils, notamment dans la Passion selon Saint-Jean, les récits de saint Romanos le Mélode (493-556) et de saint Nicolas Cabasilas (1322-1391), la Passion selon saint Syméon Métaphraste (900-987), mais également dans un hymne médiéval attribué au poète franciscain Jacopone da Todi (1230-1306) et mis en musique par le compositeur baroque Giovanni Battista Pergolesi. L’orchestre de chambre de Beyrouth, sous la houlette de Garo Avessian, a proposé, le vendredi 22 avril, en l’église évangélique de Beyrouth, une immersion spirituelle au cœur de la Passion du Christ, à la redécouverte du titanesque chef-d’œuvre du compositeur italien.
Il est 20 h pile, c’est dans une église à moitié pleine que le coup d’envoi du concert est donné avec le célèbre Air sur la corde de sol, deuxième mouvement de la suite pour orchestre N°3 en ré majeur, BWV 1068, de Jean-Sébastien Bach. Tel un Frans Brüggen, Garo Avessian parvient à insuffler à son orchestre une rigueur exemplaire dans les toutes premières mesures, gratifiant le public de belles harmonies roboratives, qui ne tardent toutefois pas à s’estomper. On assiste alors à des baisses répétitives de tension, menant parfois à des lacunes poignantes dans la conduite musicale, notamment dues aux à-côtés des premiers violons qui peinent à maintenir une ligne mélodique ample, ce qui nuit malheureusement à la fluidité de l’ensemble. La prédominance de la basse continue, pourtant exécutée avec une exquise finesse, se révèle, en raison des errances harmoniques, aussitôt agaçante. L’interprétation est cependant loin d’être déshonorante: la basse bien articulée dans ses rebonds d’octave, le tempo lent mettant en exergue un contrepoint d’une richesse acceptable et les rubati bien dosés sauveront la situation sans pour autant permettre à cette incontournable pièce d’atteindre le zénith musical auquel on espérait assister.
Dans le Stabat Mater de Giovanni Battista Pergolesi, la direction d’Avessian se fait plus incisive. La soprano Lara Jokhadar et la mezzo-soprano Natasha Nassar séduisent par leur interprétation bien contrastée du «Stabat Mater Dolorosa», d’un pathétique poignant et d’une intensité pénétrante. Jokhadar joint à sa puissance vocale éclatante une palette de timbres dramatiques, alors que Nassar, clairement crispée, reste quelque peu en retrait vocalement, très souvent moins audible et parfois même couverte par l’ensemble. Le «Cuius ánimam gementem», le «O quam tristis et afflícta» et le «Quae moerébat et dolébat» s’enchaînent élégamment, malgré l’aspérité de plusieurs notes aiguës chantées par la soprano, jusqu’à un éclatant «Quis et homo qui non fleret» où elle fait preuve d’une remarquable agilité vocale, accentuée par un vibrato pointu. Si l’on regrette que l’orchestre manque de plans sonores plus nuancés, jouant très souvent des mezzo-forte dans des passages plutôt piano, et pousse les deux cantatrices à limiter nuances et justesse d’expression, les timbres paradisiaques de Jokhadar et Nassar, atteignant de hauts sommets dans la deuxième moitié de la pièce, rendent ingénieusement compte de la beauté extatique des lignes mélodiques, des glissandi et des mélismes soigneusement exécutés par la mezzo-soprano dans le «Fac ut portem Christi mortem», et du synchronisme éthéré du duo, en temps et contretemps, dans le «Quando corpus moriéturc».
Le premier mouvement reste un des moments forts de ce concert; il sera repris en bis, avec la Prière du soir, extraite de Hansel et Gretel d’Engelbert Humperdinck. C’est un Stabat Mater lumineux, d’une louable justesse musicale, redevable à une direction honorable de Garo Avessian et à deux cantatrices aux profils vocaux tantôt convergents tantôt divergents, mais surtout complémentaires. Il en résulte une production haute en couleur, un défi relevé avec panache.
«Grâce à la croix, nous ne redoutons pas l’usurpateur, puisque nous siégeons au côté du Roi», écrivait saint Jean Chrysostome dans son homélie sur la Croix et le larron. Le christianisme puise, en effet, sa véritable essence dans le triduum pascal où l’amour inconditionnel du Créateur le mène à se dépouiller de la gloire incréée de sa divinité et à descendre jusqu’à l’abîme de l’ultime solitude pour frayer à sa créature une voie d’ascension, alors perdue, vers le Royaume éternel de Dieu. Durant l’office des petites complies du Vendredi saint orthodoxe, un émouvant canon, dédié à la Lamentation de la très sainte Théotokos déplorant la crucifixion de son divin Fils, est chanté devant l’épitaphios (une icône brodée représentant le Christ descendu de la croix). Nombreux sont les textes liturgiques qui relatent la scène de la Vierge Marie au pied de la croix durant le sacrifice ultime de son fils, notamment dans la Passion selon Saint-Jean, les récits de saint Romanos le Mélode (493-556) et de saint Nicolas Cabasilas (1322-1391), la Passion selon saint Syméon Métaphraste (900-987), mais également dans un hymne médiéval attribué au poète franciscain Jacopone da Todi (1230-1306) et mis en musique par le compositeur baroque Giovanni Battista Pergolesi. L’orchestre de chambre de Beyrouth, sous la houlette de Garo Avessian, a proposé, le vendredi 22 avril, en l’église évangélique de Beyrouth, une immersion spirituelle au cœur de la Passion du Christ, à la redécouverte du titanesque chef-d’œuvre du compositeur italien.
Déséquilibré mais non déshonorant
Il est 20 h pile, c’est dans une église à moitié pleine que le coup d’envoi du concert est donné avec le célèbre Air sur la corde de sol, deuxième mouvement de la suite pour orchestre N°3 en ré majeur, BWV 1068, de Jean-Sébastien Bach. Tel un Frans Brüggen, Garo Avessian parvient à insuffler à son orchestre une rigueur exemplaire dans les toutes premières mesures, gratifiant le public de belles harmonies roboratives, qui ne tardent toutefois pas à s’estomper. On assiste alors à des baisses répétitives de tension, menant parfois à des lacunes poignantes dans la conduite musicale, notamment dues aux à-côtés des premiers violons qui peinent à maintenir une ligne mélodique ample, ce qui nuit malheureusement à la fluidité de l’ensemble. La prédominance de la basse continue, pourtant exécutée avec une exquise finesse, se révèle, en raison des errances harmoniques, aussitôt agaçante. L’interprétation est cependant loin d’être déshonorante: la basse bien articulée dans ses rebonds d’octave, le tempo lent mettant en exergue un contrepoint d’une richesse acceptable et les rubati bien dosés sauveront la situation sans pour autant permettre à cette incontournable pièce d’atteindre le zénith musical auquel on espérait assister.
Timbres paradisiaques
Dans le Stabat Mater de Giovanni Battista Pergolesi, la direction d’Avessian se fait plus incisive. La soprano Lara Jokhadar et la mezzo-soprano Natasha Nassar séduisent par leur interprétation bien contrastée du «Stabat Mater Dolorosa», d’un pathétique poignant et d’une intensité pénétrante. Jokhadar joint à sa puissance vocale éclatante une palette de timbres dramatiques, alors que Nassar, clairement crispée, reste quelque peu en retrait vocalement, très souvent moins audible et parfois même couverte par l’ensemble. Le «Cuius ánimam gementem», le «O quam tristis et afflícta» et le «Quae moerébat et dolébat» s’enchaînent élégamment, malgré l’aspérité de plusieurs notes aiguës chantées par la soprano, jusqu’à un éclatant «Quis et homo qui non fleret» où elle fait preuve d’une remarquable agilité vocale, accentuée par un vibrato pointu. Si l’on regrette que l’orchestre manque de plans sonores plus nuancés, jouant très souvent des mezzo-forte dans des passages plutôt piano, et pousse les deux cantatrices à limiter nuances et justesse d’expression, les timbres paradisiaques de Jokhadar et Nassar, atteignant de hauts sommets dans la deuxième moitié de la pièce, rendent ingénieusement compte de la beauté extatique des lignes mélodiques, des glissandi et des mélismes soigneusement exécutés par la mezzo-soprano dans le «Fac ut portem Christi mortem», et du synchronisme éthéré du duo, en temps et contretemps, dans le «Quando corpus moriéturc».
Le premier mouvement reste un des moments forts de ce concert; il sera repris en bis, avec la Prière du soir, extraite de Hansel et Gretel d’Engelbert Humperdinck. C’est un Stabat Mater lumineux, d’une louable justesse musicale, redevable à une direction honorable de Garo Avessian et à deux cantatrices aux profils vocaux tantôt convergents tantôt divergents, mais surtout complémentaires. Il en résulte une production haute en couleur, un défi relevé avec panache.
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