Rappelons-nous d’abord que tout affect (sentiment ou émotion) se caractérise par de l’ambivalence: il n’y a pas d’amour sans haine, pas de plaisir sans déplaisir, pas d’acceptation sans rejet, etc. Cela peut paraître étonnant, peut-être même inconcevable pour certains, mais telle est la réalité de la vie affective humaine et des relations qui en découlent. Cet univers affectif prend ses racines, nous le savons maintenant, dans les premières impressions ressenties par le nourrisson, dans ses liens avec ses premiers objets d’amour, puis leur évolution tout au long de son développement jusqu’à culminer durant la période œdipienne.
Peut-être que la première question à laquelle les parents peuvent essayer de prendre le temps de répondre serait la suivante: «Pour quel mobile désirons-nous un enfant»? Les réponses sont souvent nombreuses et un peu trop conscientes. En réalité, elles se rapportent immanquablement au vécu conscient et inconscient de leur propre enfance et de leurs relations parentales. Freud note que «L’amour des parents, si touchant et, au fond, si enfantin, n’est rien d’autre que leur narcissisme qui vient à renaître». C’est là l’obstacle principal qu’ils doivent affronter: comment aimer son enfant, différent de soi, dans le respect de son propre élan vital? Cette idée apparaît souvent incongrue dans la pensée orientale et suscite beaucoup de résistances. F. Dolto écrit qu’aimer véritablement ne peut se réaliser dans la fusion, dans la ressemblance avec soi, mais dans l’acceptation de l’enfant comme séparé de soi, dans sa différence d’avec soi. Non dans le vœu d’une transmission générationnelle reproductrice, mais dans l’acceptation de la coupure avec cette transmission, non dans l’attente de l’adhésion au désir parental, mais dans l’aide à la découverte du désir propre de l’enfant. Depuis la naissance jusqu’à la fin de l’adolescence, l’amour véritable des parents aura pour caractéristiques l’apprentissage réciproque de la séparation et celle de l’autorisation donnée à l’enfant d’acquérir une autonomie de penser, de sentir, d’agir et de se vivre en tant que «sujet à part entière» (Dolto).
Tout comme ils ont su s’imposer des limites à leurs pulsions, ils auront à cœur d’apprendre à leur enfant l’acceptation de certains interdits à chaque stade de son développement, afin qu’il puisse évoluer vers une maturité psychique nécessaire à son insertion dans une communauté humaine respectueuse de l’altérité de chacun et de sa soumission à la loi.
Aimer son enfant ne peut avoir pour objectif de pallier ses blessures narcissiques infantiles, ni de vouloir jouer au copain-copine, mais de se reconnaître humblement, toute sa vie, comme apprenti-parent. Parce que, nous dit toujours Dolto, c’est l’enfant qui fait le parent. Dans le sens où ce dernier doit reconnaître son ignorance afin d’apprendre ce qu’est la parentalité, grâce justement à la découverte de son propre manque de savoir, aux troubles de ses émotions, aux élans contraires qui surviennent, aux frustrations et déceptions qui s’imposent dans les relations toujours surprenantes avec l’enfant. Afin d’offrir à celui-ci la sécurité et la confiance dans l’attachement, en même temps que la force et le désir du détachement. S. Ferenczi cite l’adage suivant: «Être parent est aisé, le devenir est beaucoup plus difficile».
«Il suffit d’aimer», affirment certains. Ce à quoi rétorque B. Bettelheim: «L’amour ne suffit pas». Aimer véritablement son enfant, c’est admettre intimement et non théoriquement que chaque étape de son développement exige du parent un renoncement à sa satisfaction narcissique, à son désir d’emprise. Chaque étape a pour objectif de continuer la séparation avec la mère d’abord, avec le père par la suite. Aimer son enfant, c’est favoriser, à l’adolescence, la construction d’une identité qui se structurera à l’âge adulte comme une nouvelle naissance, une reconstruction de soi favorisée par l’amour-renoncement des parents. Le sujet en devenir qu’est chaque enfant s’autorisera alors le droit d’exister en tant que tel, d’exister en tant que créateur de son existence.
Autrement, l’enfant devenu adulte partagera avec le poète toute la rancœur contenue dans ces vers:
«Et la Mère, fermant le livre du devoir,
S’en allait satisfaite et très fière, sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d’éminences,
L’âme de son enfant livrée aux répugnances.»
A. Rimbaud
Peut-être que la première question à laquelle les parents peuvent essayer de prendre le temps de répondre serait la suivante: «Pour quel mobile désirons-nous un enfant»? Les réponses sont souvent nombreuses et un peu trop conscientes. En réalité, elles se rapportent immanquablement au vécu conscient et inconscient de leur propre enfance et de leurs relations parentales. Freud note que «L’amour des parents, si touchant et, au fond, si enfantin, n’est rien d’autre que leur narcissisme qui vient à renaître». C’est là l’obstacle principal qu’ils doivent affronter: comment aimer son enfant, différent de soi, dans le respect de son propre élan vital? Cette idée apparaît souvent incongrue dans la pensée orientale et suscite beaucoup de résistances. F. Dolto écrit qu’aimer véritablement ne peut se réaliser dans la fusion, dans la ressemblance avec soi, mais dans l’acceptation de l’enfant comme séparé de soi, dans sa différence d’avec soi. Non dans le vœu d’une transmission générationnelle reproductrice, mais dans l’acceptation de la coupure avec cette transmission, non dans l’attente de l’adhésion au désir parental, mais dans l’aide à la découverte du désir propre de l’enfant. Depuis la naissance jusqu’à la fin de l’adolescence, l’amour véritable des parents aura pour caractéristiques l’apprentissage réciproque de la séparation et celle de l’autorisation donnée à l’enfant d’acquérir une autonomie de penser, de sentir, d’agir et de se vivre en tant que «sujet à part entière» (Dolto).
Tout comme ils ont su s’imposer des limites à leurs pulsions, ils auront à cœur d’apprendre à leur enfant l’acceptation de certains interdits à chaque stade de son développement, afin qu’il puisse évoluer vers une maturité psychique nécessaire à son insertion dans une communauté humaine respectueuse de l’altérité de chacun et de sa soumission à la loi.
Aimer son enfant ne peut avoir pour objectif de pallier ses blessures narcissiques infantiles, ni de vouloir jouer au copain-copine, mais de se reconnaître humblement, toute sa vie, comme apprenti-parent. Parce que, nous dit toujours Dolto, c’est l’enfant qui fait le parent. Dans le sens où ce dernier doit reconnaître son ignorance afin d’apprendre ce qu’est la parentalité, grâce justement à la découverte de son propre manque de savoir, aux troubles de ses émotions, aux élans contraires qui surviennent, aux frustrations et déceptions qui s’imposent dans les relations toujours surprenantes avec l’enfant. Afin d’offrir à celui-ci la sécurité et la confiance dans l’attachement, en même temps que la force et le désir du détachement. S. Ferenczi cite l’adage suivant: «Être parent est aisé, le devenir est beaucoup plus difficile».
«Il suffit d’aimer», affirment certains. Ce à quoi rétorque B. Bettelheim: «L’amour ne suffit pas». Aimer véritablement son enfant, c’est admettre intimement et non théoriquement que chaque étape de son développement exige du parent un renoncement à sa satisfaction narcissique, à son désir d’emprise. Chaque étape a pour objectif de continuer la séparation avec la mère d’abord, avec le père par la suite. Aimer son enfant, c’est favoriser, à l’adolescence, la construction d’une identité qui se structurera à l’âge adulte comme une nouvelle naissance, une reconstruction de soi favorisée par l’amour-renoncement des parents. Le sujet en devenir qu’est chaque enfant s’autorisera alors le droit d’exister en tant que tel, d’exister en tant que créateur de son existence.
Autrement, l’enfant devenu adulte partagera avec le poète toute la rancœur contenue dans ces vers:
«Et la Mère, fermant le livre du devoir,
S’en allait satisfaite et très fière, sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d’éminences,
L’âme de son enfant livrée aux répugnances.»
A. Rimbaud
Lire aussi
Commentaires