Législatives libanaises: ambiance de vote-sanction à Paris
©Longue file d'attente des électeurs libanais devant la mairie du 15e arrondissement de Paris
Si le scrutin s’est dans l’ensemble plutôt bien déroulé, il reste essentiel de véhiculer les craintes et critiques qui nous ont été communiquées sur place.

C’est dans un calme remarquable qu’a débuté à 7 heures cette journée électorale dans les bureaux de vote de Paris et ses environs. Petit à petit, des milliers de Libanais résidant en France, titulaires pour beaucoup de la double nationalité, ont commencé à affluer vers les centres de vote pour exercer le plus important de leurs devoirs civiques. Comme dans les 58 autres pays dans lesquels les Libanais de la diaspora s’expriment encore ou se sont exprimés, chacun a pu voter pour un candidat au sein de sa circonscription au Liban, de sorte que l’impact de ces suffrages sera ressenti sur chacun des 128 sièges de la Chambre des députés.

Cet enjeu est d’autant plus grand en France qu’il s’agit du pays avec le plus grand nombre d’inscrits : 28.136, soit quasiment 20.000 inscrits de plus qu’il y a quatre ans. Dans la capitale, les mairies des 5e, 15e, 16eet 17e arrondissements de Paris se sont transformées l’espace d’un dimanche en centres de vote pour accueillir ces nombres accrus d’électeurs. Globalement, d’après les témoignages recueillis sur place, les votants ne se sont pas plaints de l’organisation du scrutin et ont même longuement patienté, parfois deux heures durant, pour déposer leur bulletin dans l’urne. De nos échanges avec certains d’entre eux, il ressort qu’ils perçoivent en effet ce scrutin comme celui de la dernière chance, celui qui permettra de changer les choses et d’insuffler de l’espoir dans le quotidien de plus en plus morose des Libanais vivant au pays. Ainsi, un jeune homme a déclaré: «Je vote aujourd'hui pour les membres de ma famille toujours au Liban, c’est pour eux qu’il faut lutter, même de loin». Un autre, qui a récemment émigré en France, a confié l'œil rieur qu’après avoir attendu des heures aux portes des stations-service libanaises, le faire une dernière fois à pied pour sanctionner les responsables qui ont provoqué ce phénomène ne serait qu’un juste retour des choses…



Expérience non-décevante… mais seulement pour le moment


Les électeurs, n’étant plus dupes des nombreux stratagèmes entrepris depuis des années par les pouvoirs en place pour museler ou falsifier leurs voix, ont cependant fait part de leurs inquiétudes. Car aussitôt dissipée la ferveur des élections, une question, la question fondamentale s’est propagée parmi les Libanais: les bulletins qu’ils ont civiquement introduit dans les urnes arriveront-ils intacts au pays du cèdre? Et surtout, à considérer que oui, le resteront-ils jusqu’au jour du dépouillement et jusqu’à l’annonce des résultats? Dans l’inconscient collectif, le bilan du vote des expatriés en 2018 n’a rien de particulièrement rassurant à cet égard. Pour éviter ce problème, une sexagénaire propose une idée qui semble relever du bon sens: «Pourquoi ne pas tout simplement effectuer le dépouillement et le décompte des voix sur place, en France? C’est cela qui nous rassurerait», a-t-elle avancé. Un autre électeur a quant à lui souligné qu’il était absurde que les enveloppes dans lesquelles sont glissés les bulletins ne puissent pas être convenablement collées (fermées).

Un vote-sanction

Mis à part cela, la mairie du 5e arrondissement a pu être le théâtre d’une altercation musclée, mais uniquement verbale, entre un partisan du courant présidentiel et l’un de ses opposants, ardemment applaudi par le reste de la file d’attente. Plusieurs personnes nous ont effectivement rappelé être excédées par l’audace d’un parti qui se croit permis d’anéantir les ressources énergétiques et intellectuelles d’un pays et de continuer malgré cela à se positionner comme son ultime sauveur. Pour un bénévole du plus grand bureau de vote en France situé à Antony, au sud de Paris, le vote des expatriés est aujourd'hui incontestablement, du moins dans sa majorité, un vote-sanction. Il faut dire qu’en dépit de la distance, ni la crise économique ni l’explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020 n’ont été effacées de leur mémoire. Et ils semblent avoir bien compté le faire savoir lors de ce «scrutin du dernier espoir», qui s'est finalement clos à 22 heures.

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