Pour les législatives, un marketing politique à la carte
Les candidats en lice aux élections législatives semblent prêts à tout pour convaincre l’électorat de voter pour tel ou tel parti, regroupement politique ou programme électoral.



Depuis quelques semaines, une multitude d’affiches et de pancartes électorales envahissent les rues et les voies publiques du territoire libanais, en vue du scrutin prévu pour le 15 mai 2022. Des portraits de candidats arborant des airs sérieux et déterminés, des photos se voulant décontractées et regroupant les membres d’une même liste, des slogans recherchés mais souvent creux … Bref, tous les moyens sont employés pour convaincre l’électorat de voter pour tel ou tel parti, regroupement politique ou programme électoral.

Toutefois, ces visuels politiques sont le fruit d’une stratégie de communication bien étudiée, très souvent articulée et orchestrée selon les circonscriptions et leurs audiences. Marketing oblige, les slogans doivent être simples tout en étant attractifs, faciles à retenir, et surtout liés aux problèmes et aux défis propres à chaque circonscription, interpellant les communautés bénéficiant du plus grand nombre d’électeurs dans la région (concentré sur la communauté chiite au Sud et à la Békaa, les maronites au Kesrouan, les druzes au Chouf-Aley, les sunnites au Nord, à Saida et à Beyrouth II, à titre d’exemple).

D’ailleurs, les messages sont construits autour de thèmes précis et percutants, comme la lutte pour la souveraineté (Liban-Souveraineté à Beyrouth I, Souveraineté et décision au Mont-Liban III), la liberté (La liberté est une décision et Metn-Liberté à Mont-Liban I) et l’indépendance (La décision libre au Sud II) ; tandis que d’autres sont axés sur des sentiments d’appartenance communautaire (Nous resterons là au Nord III), sur l’émotion (Beyrouth a besoin d’un cœur à Beyrouth II, ou La loyauté envers le Akkar à Nord I) ou sur l’incitation au changement (Nous nous sommes unis pour le changement à Mont-Liban IV, Nous votons le changement au Sud I) pour ne citer que quelques listes en lice.

Les titres choisis sont souvent ambitieux, parfois basés sur des jeux de mots (comme c’est le cas pour la liste des Kataëb qui ont adopté le slogan "À bord du changement" ou 3ala Metn el-teghyir en arabe ; et la liste de la Békaa II "Notre plaine et montagne", faisant allusion au refrain de l’hymne national Sahlouna wa el-jabal) promettant monts et merveilles à un électorat usé, désabusé et las de toutes les épreuves qu’il n’a cessé d’endurer sur les plans politique, économique, financier, social, sanitaire et sécuritaire.


Des opérations de séduction sont donc mises en place, où aucune dépense n’est épargnée pour redorer le blason des leaders des partis politiques et des députés sortants, ou pour présenter de nouveaux venus ou d’illustres inconnus comme étant les meilleurs choix pour contrer l’injustice sociale, la corruption, l’abus de pouvoir et œuvrer pour le redressement du pays.

Cependant, certains partis politiques ont préféré attaquer implicitement leurs adversaires, comme l’a fait le Courant patriotique libre (CPL), en visant les Forces libanaises (FL), qui leur ont rendu la pareille. Le clivage entre les deux partis date d’il y a plus de trente ans, mais le parti orange a voulu "marquer" son territoire en clamant haut et fort qu’il était présent sur la scène politique libanaise et qu’il le restera quoiqu’il advienne, écartant toute possibilité de l’isoler du pouvoir ; alors que les FL ont emprunté le chemin de la moquerie (mal)déguisée, narguant le CPL et sa fameuse formule "On ne nous a pas laissé" pour axer leur campagne sur leur volonté et leur capacité à accomplir tout ce que le parti de Gebrane Bassil promettait de réaliser et n’a pas réussi à implémenter.

Pourquoi tout cet excès de zèle de la part des FL avant l’échéance électorale, au lieu de se concentrer sur le quotidien des Libanais et résoudre les problèmes auxquels fait face l’État en étant d’ores et déjà au Parlement ? Et comment la campagne de Gebran Bassil demande aux électeurs de "ne pas voter pour les générateurs" alors qu’il avait lui-même promis aux Libanais l’électricité 24/24 en 2015, et que son candidat au siège des minorités chrétiennes à Beyrouth I, Chamoun Chamoun, est propriétaire de plusieurs générateurs de la circonscription ?

Pour ce qui est du Hezbollah et du mouvement Amal, le tandem chiite semble avoir choisi de ne pas s’attarder sur des visuels esthétiques ou des slogans créatifs, puisqu’il a repris son slogan de 2018 " Nous protégeons et nous bâtissons" et l’a reformulé pour s’adapter aux circonstances politiques actuelles : "Nous continuerons à protéger et à bâtir".

Au final, les élections législatives sont certainement une lutte d’influence pour accéder au pouvoir, mais elles constituent aussi une mine d’or pour les agences de communication, d’annonceurs et d’affichage, qui ont subi de grosses pertes avec la dévaluation de la livre libanaise et la chute du marché des campagnes publicitaires.
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