"La France, dégage !", "Non à la colonisation": plusieurs centaines de personnes ont manifesté samedi à N'Djamena contre la présence de la France au Tchad, qu'elles accusent de soutenir la junte militaire au pouvoir.
Débat tchadien
Des manifestants ont brûlé au moins deux drapeaux de l'ancienne puissance coloniale et vandalisé plusieurs stations-service Total, "symbole" de la France, arrachant des pompes et emportant certains produits exposés, a constaté un journaliste de l'AFP. Douze policiers ont également été blessés, selon un responsable policier qui a requis l'anonymat.
Cette manifestation, organisée par la plateforme d'opposition de la société civile Wakit Tamma, avait été autorisée par les autorités. Un fort dispositif policier entourait le cortège et était déployé dans la ville. Dans la soirée, le gouvernement a fait savoir dans un communiqué "que les problèmes du Tchad restent strictement nationaux et doivent se débattre entre Tchadiens".
Le ministre de la communication Abderaman Koulamallah a aussi "exprimé sa reconnaissance à la communauté internationale et aux pays amis, notamment à la France, pour leur soutien constant au peuple tchadien dans cette phase de la transition".
Le système Déby
Le 20 avril 2021, l'armée annonçait que le président tchadien Idriss Déby Itno, à la tête d'un pouvoir très autoritaire depuis 30 ans, avait été tué au front contre une énième rébellion. Le même jour, son fils Mahamat Idriss Déby Itno était proclamé par l'armée "président de transition" à la tête d'une junte composée de 15 généraux. Il a alors dissous immédiatement le Parlement, congédié le gouvernement et abrogé la Constitution.
Il était aussitôt adoubé par la communauté internationale - France, Union européenne (UE) et Union africaine (UA) en tête, alors que les mêmes sanctionnent des militaires putschistes ailleurs en Afrique - notamment parce que son armée est indispensable dans la guerre contre les jihadistes au Sahel.
Lors de la marche samedi, plusieurs élèves et collégiens sur des motos ont rejoint les manifestants, entonnant en choeur "La France, dehors". "Je manifeste parce que la France veut encore nous imposer le système Deby", a lancé un jeune lycéen, bandeau blanc sur la tête. "Si nous continuons à souffrir aujourd'hui depuis l'indépendance, c'est par la faute de la France qui nous empêche d'être réellement indépendants", a renchéri Idriss Moussa, un enseignant arabophone.
Transition éternelle
"Nous nous réjouissons que les Tchadiens prennent de plus en plus conscience de notre lutte et nous rejoignent", a indiqué à l'AFP Max Loalngar, coordinateur de la plateforme Wakit Tamma. "La France installe des dictateurs sur notre tête. Nous demandons juste que notre peuple soit respecté".
En juin 2021, le chef de l'État tchadien avait envisagé une prolongation de la transition. Il a annoncé le 1er mai le report du dialogue national, à la demande du Qatar, médiateur d'un "pré-dialogue" qui piétine depuis deux mois à Doha entre la junte et les innombrables groupes rebelles.
La présidence française avait réagi en se disant "attachée" à un dialogue dans les "meilleurs délais possibles", puis en proposant quelques jours plus tard l'aide de la France. Le 6 avril, la plateforme d'opposition Wakit Tamma avait annoncé la suspension de ses pourparlers avec la junte, en dénonçant notamment "une communauté internationale qui s'obstine à soutenir vaille que vaille un régime illégal et illégitime".
Avec AFP
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